Tiré du blogue de l’auteure.
Plongée dans les statistiques morbides, atterrée par les prévisions économiques catastrophiques, révoltée par les inégalités sociales face à la pandémie, indignée par le mépris avec lequel est traité le corps médical, alors que son dévouement jusqu’à l’épuisement m’émerveille, je ne peux qu’enrager devant tous ces hommes qui déblatèrent et inondent de leurs inepties et contradictions médias et réseaux sociaux. De l’homme politique menteur, à l’homme de sciences jouant au gourou, je ne sais lequel a le plus suscité ma colère.
Dans ce torrent qui aurait pu m’emporter vers je ne sais quel geste fatal, un article est venue apporter sa bordure d’argent au nuage noir qui nous enveloppe. Un article un peu déjanté par rapport à la gravité de ton de tous les autres, un article sur la Reine de la pluie qui redonne de la magie et du rêve à notre monde engoncé dans ses certitudes rationnelles, si piteusement décontenancé devant un virus qui lui tient la dragée haute.
Qui est donc la Reine de la pluie ? Je peux affirmer qu’elle existait parce que je l’ai rencontrée au cours d’une mission de coopération dans la Province du Limpopo en avril 1999. Un beau matin, où le soleil brûlait déjà la terre desséchée, on m’annonça qu’une visite à la Reine de la pluie était au programme de la journée.
Son histoire et l’importance de cette tradition des femmes fortes est le sujet de l’article du Pr Marwala, vice-chancelier de l’Université de Johannesburg, paru dans le Daily Maverick https://www.dailymaverick.co.za/opinionista/2020-05-15-the-rain-queen-and-covid-19-imagining-a-post-coronavirus-future La tradition de la Reine de la pluie a bercé l’enfance de ce respecté universitaire.
Il y a plus de cinq siècles, le royaume des Balobedu, situé près de la frontière entre la province du Limpopo et l’actuel Zimbabwe, était dirigé par des hommes qui s’entretuaient pour le pouvoir. Alors le dernier roi, guidé par un prophète, décida d’avoir un enfant avec sa fille pour commencer une nouvelle lignée de femmes à la tête du royaume. La légende veut aussi que la Reine de la pluie soit l’incarnation de la déesse Mwari et aussi une magicienne capable, en exécutant un rituel bien précis, d’apporter la pluie à ses alliées et la sécheresse à ses ennemis. Mwari veut dire dieu dans les langues Venda et Shona et les pouvoirs de magicienne se transmettent de mère en fille depuis des siècles.
Mais la reine ne se contente pas de faire la pluie et le beau temps dans son petit royaume. Reconnue par le gouvernement, cette monarchie tribale regroupe une centaine de villages et la reine doit veiller à leur bien –être. La dernière reine, toute magicienne qu’elle fut, ne jurait que par l’éducation et elle-même avait obtenue une bourse de la Fondation Mandela en 2003 pour suivre des études dans une université britannique. La modernité ne lui faisait pas peur, bien au contraire et elle encourageait ses sujets à étudier et encore étudier, tout en collaborant avec les autorités pour améliorer le quotidien de ses sujets. Morte prématurément en 2005, elle laissait une fille en bas âge. Celle-ci, qui va avoir 16 ans, se prépare à succéder à sa mère, sous le nom de Masalanabo Modjadji VII et comme sa mère, elle est convaincue que l’éducation est la priorité des priorités « pour être en phase avec son temps ».
Mais quel est donc le lien entre cette histoire de sorcières royales et le Covid-19 ? Simple et évident pour le Pr Marwala. Si l’on veut sérieusement réfléchir à l’après Covid-19, éviter les erreurs qui nous ont conduit où nous en sommes, entrer dans une ère vraiment nouvelle et moderne, il faudra utiliser toutes les compétences et ne pas laisser sur le chemin la moitié de l’humanité où se trouvent les plus compétentes des sorcières.
Un message, un commentaire ?