Édition du 18 juin 2024

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Politique d’austérité

Coupe à blanc dans la recherche universitaire en forêt

Dans la foulée des annonces de compressions budgétaires qui affectent l’enseignement dans les universités, le gouvernement du Québec est également prêt à compromettre la recherche universitaire. C’est le cas de la recherche en forêt. En effet, le gouvernement a aboli le Programme de recherche en partenariat sur l’aménagement et l’environnement forestiers, un programme de financement du Fonds de recherche du Québec - Nature et technologies (FRQNT).

Il a aussi annoncé que le programme d’appui à la recherche forestière dans les régions, un programme géré par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) était annulé. Ces deux programmes de recherche étaient financés en partie par les redevances forestières payées par l’industrie.

Cette décision apparaît préoccupante quant à la place du secteur forestier québécois sur les marchés internationaux et à son rôle clé dans l’économie des régions. Elle a créé une onde de choc au sein de la communauté scientifique, notamment au Centre d’étude de la forêt (CEF), le plus important centre de recherche interuniversitaire en sciences forestières d’Amérique du Nord. 

Les recherches du CEF ont exercé une influence directe sur les politiques publiques de gestion durable des forêts au Québec, particulièrement en ce qui a trait à l’approche d’aménagement écosystémique de la forêt, qui est au coeur de la nouvelle Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier. 

Fondé sur la coopération entre le gouvernement, l’industrie et le milieu académique, le Programme du FRQNT existait depuis 2000. Il a contribué à la formation d’une expertise de pointe, formant plusieurs centaines de diplômés de maîtrise et doctorat dont plusieurs occupent aujourd’hui des emplois clés dans l’industrie forestière, les ministères et les universités. 
De plus, ce programme a développé une culture unique de collaboration entre les intervenants forestiers autour d’une approche de « recherche-action », où la connaissance scientifique est porteuse de solutions adaptées aux exigences du 21e siècle en gestion durable des forêts, facilitant ainsi le passage de la science à l’action.

Un effet direct sur le développement des régions forestières

D’autre part, l’annulation du programme du MFFP compromet directement les partenariats régionaux établis entre l’industrie forestière, les universités et le gouvernement au cours de la dernière décennie. Ces partenariats ont servi de levier pour l’obtention de fonds de recherche provenant des programmes fédéraux. Les chaires de recherche en Abitibi-Témiscamingue, sur la Côte-Nord, dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie sont des exemples de partenariats qui ont été générateurs d’emplois hautement spécialisés et de qualité en région. 

Il apparaît urgent que le gouvernement du Québec maintienne son programme de soutien de la recherche et du développement régional en foresterie afin de garantir l’avenir de ces partenariats. C’est une condition essentielle pour accéder au financement fédéral soutenant les partenariats industrie-université. Dans un contexte où les ressources sont limitées, il est impératif que le Québec obtienne sa part des fonds fédéraux. Ces fonds ont permis par le passé d’injecter annuellement des millions de dollars en recherche et développement dans les régions du Québec. 

Composante incontournable de l’aménagement durable

Au cours de la dernière décennie, le gouvernement du Québec a réalisé un virage majeur avec l’adoption de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier qui confirme l’intention du législateur d’attribuer un rôle prépondérant à la recherche scientifique dans le secteur forestier. Ce virage a contribué à sa position concurrentielle sur les marchés internationaux, notamment en ce qui a trait à la certification environnementale des territoires récoltés. 

Ces normes environnementales exigent des pratiques d’aménagement fondées sur des connaissances scientifiques du fonctionnement des écosystèmes forestiers. Cette certification est soumise à une évaluation récurrente qui exige la mise à jour des connaissances scientifiques sur la forêt. La décision du gouvernement du Québec d’abandonner le financement de la recherche universitaire est non seulement à contre-courant de la mise en oeuvre de sa nouvelle loi, qui mise sur le savoir scientifique pour innover, mais elle fragilise également le secteur forestier sur les marchés internationaux. 

Maintenir le financement de la recherche en forêt n’est donc pas un luxe dont on peut se passer en période de rigueur budgétaire, mais représente en fait une garantie que le gouvernement souscrit de façon tangible à une gestion durable de la forêt. Le gouvernement du Québec doit rétablir ces deux programmes de soutien à la recherche forestière au bénéfice du secteur forestier et des régions du Québec. 

Les auteurs sont codirecteurs du Centre d’étude de la forêt.

Un collectif de 51 professeur(e)s-chercheur(e)s du Centre d’étude de la forêt ont cosigné la lettre

Pierre Drapeau

Professeur (UQAM), et codirecteurs du Centre d’étude de la forêt.

Louis Bernier

Professeur (Université Laval) et codirecteurs du Centre d’étude de la forêt.

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