Silence radio
Le débat public fait rage sur la corruption, les radios, télés, journaux et autres twitter fourmillent de détail, de commentaires, d’opinions et souvent de « dénonciations de circonstances » par des politiciens qui n’auraient probablement guère fait mieux s’ils avaient eu le pouvoir à la place des libéraux.
Les commentateurs de tout poil, les « ex » de toute teinte, les « spécialistes » de tout acabit n’en finissent plus de décortiquer, retourner, inspecter à la loupe la moindre phrase, la moindre déclaration d’un témoin ou de politiciens de tout bord. On a droit à la commission Charbonneau en direct qui, s’additionnant aux multiples émissions, nous donne certainement plus de 8 heures par jour révélations et de bla-bla plus ou moins pertinent.
Mais on n’entend pas QS….
Une chance historique
Je ne veux surtout pas que QS se contente d’ajouter sa voix à ceux qui demandent la démission du maire Tremblay. Ce n’est pas cela que j’attends de QS, ce que j’attends c’est qu’ils exposent les véritables racines politiques et structurelles qui ont permis que se développe ce système de corruption. Il ne faut surtout pas attendre après la Commission Charbonneau pour aller à la racine du problème car son mandat n’est pas de faire l’analyse politique des idées politiques qui ont façonné la déconstruction de nos services publics, il est uniquement de démontrer les conséquences découlant de cette réalité.
Ça fait plus de 20 ans que les politiciens de droite au Québec tant municipaux, que provinciaux et fédéraux, toute teinte confondue, font leur beurre électoral en proclamant qu’ils font un bon travail ou qu’ils feront un meilleur travail s’ils sont élus, parce qu’ils vont « réduire les dépenses publiques » en réduisant le personnel des ministères et/ou des municipalités. Réduire le personnel des services publics est toujours présentée comme une économie « responsable ».
Une fois qu’on a réduit, voire éliminé le personnel compétent au sein des services publics qui fera le travail… Là on commence à parler des vraies affaires, et notre bon politicien de droite de proclamer sans gêne et sans vergogne que le secteur privé est, c’est bien connu, « moins cher et plus efficace » que le secteur public. Cela a été tellement martelé depuis 20 ans que plus personne ne prend cette grossièreté de front. Il faudrait le faire pourtant.
Je « vire dans mes short » lorsque j’entends des politiciens déclarer que le privé offre « des services ». Le privé n’offre pas de services, le privé cherche le profit partout, tout le temps, et la caisse gouvernementale est une bien trop belle proie pour être laissée de côté.
L’occasion historique devant QS est d’aller sur un autre terrain que la Commission Charbonneau, l’occasion de prendre de front, sur la place publique, les mensonges usuels de la droite néolibérale sur « l’efficacité » du privé et les « coûts » du service public.
L’occasion fait le larron…
Que ce soit la ville de Montréal ou le ministère des transports, c’est le même processus. Au fil des retraites non remplacées et des coupures de postes on n’a plus l’expertise au sein des services publics pour développer les plans et devis que ce soit pour l’installation de compteurs d’eau, la construction de routes, ou pour installer des services informatiques dans les services publics etc…
Plus de ressources à l’interne…, pas de problème, on confie ça au privé. La ville ou le gouvernement ne peuvent même plus évaluer la valeur des travaux…on se fie au privé. S’il reste une poignée d’ingénieurs, ils ne font que réviser les plans soumis par le privé. La table est mise, le privé n’a qu’un ou deux hauts fonctionnaires à corrompre.
Là où l’ensemble du secteur public devient une proie facile c’est d’abord dans la perte d’expertise à l’interne et la perte de ressources humaines pour faire les travaux à l’interne. Nos politiciens ont souvent déclaré combien on a « sauvé de l’argent » en réduisant les effectifs des services publics mais jamais on n’entend parler de l’autre colonne de chiffres, celle du coût des contrats donnés au privé pour faire des jobs qui auraient pu être faites à l’interne.
Un Monsieur TPS ne fait que saisir l’occasion. Loin d’être un sous-fifre, il prenait des décisions, c’est un cadre, et à titre d’ingénieur, il y a peu de politiciens qui peuvent contredire son « expertise ». La municipalité se retrouve plus ou moins à la merci de l’expertise ou des mauvaises intentions d’une poignée d’individus.
Par contre, si on avait un véritable bureau de génie civil capable de réaliser les plans et devis au sein du service public et de diriger la main-d’œuvre de la construction embauchée par la ville pour réaliser ces travaux publics, on n’aurait pas à se demander quelle loi on pourrait bien inventer pour empêcher 14 entrepreneurs de se séparer la gâteau en saignant les fonds publics chacun leur tour.
N’oublions pas que selon les témoignages entendus, on a 3% pour le parti municipal, 2,5% pour la mafia et 1% pour Monsieur TPS, ça fait 6,5%, or c’est de 30% que les prix sont gonflés. Il n’y a pas que la mafia qui se remplit les poches, le bon vieux capitalisme s’avère plus gourmand que les mafieux…
Le vrai coupable
Le vrai coupable ce n’est pas tel ou tel haut fonctionnaire ou politicien dont on fera le veau sacrificiel pour sauver le reste du système, le vrai coupable ou plutôt la vraie coupable c’est l’idéologie neolibérale qui prêche la démolition des services publics et le « tout au privé ».
Le débat se réduit actuellement à la notion de quelques « pommes pourries » et ça, la gauche ne peut pas laisser faire. C’est certain que ce ne sont pas tous les politiciens qui se remplissent les poches, le point n’est pas là. Le point est que quand, par faute de ressources internes, une municipalité, un gouvernement, un organisme public quelconque, confie la préparation d’appel d’offre au privé et que les même firmes qui ont développé l’appel d’offre soumissionnent sur le contrat, exécutent le contrat ou le font faire par des « associés » et qu’ensuite d’autre privés ou le même, inspecte les travaux on est certain qu’on va se faire fourrer.
On peut déjà prédire et sans boule de cristal, que dans deux ans, après le rapport de la Commission, après quelques poursuites au criminel d’une poignée de haut fonctionnaires et si on est chanceux de quelques politiciens, après la nouvelle loi du PQ, nos braves commentateurs et spécialistes s’empresseront de nous expliquer que l’on peut dormir tranquille… le mal a été endigué.
Il n’en sera rien, tant et aussi longtemps que l’on confiera l’expertise et le contrôle sur des travaux publics de toute nature au privé, le public sera exposé à tous les abus. Parlant du futur je ne vous mentionnerai qu’un seul exemple en train de se dérouler sous nos yeux et il n’est pas du domaine de la construction mais les fonds publics vont se faire saigner tout autant
Chronique d’une catastrophe annoncée : Les CHU
On a parlé des Ministères et des municipalité mais une autre hydre s’apprête à pousser dans nos services publics : les PPP. Les deux méga-hôpitaux de Montréal pourraient bientôt signer des contrats pour confier au privé l’entretien des nouvelles bâtisses et des équipements de ces deux géants de même que la gestion tout leur système d’approvisionnement.
Des contrats secrets, des firmes privées, une expertise qui disparait de la sphère publique et un secteur public qui se retrouve rapidement à la merci d’un privé qui, fort d’un contrat en PPP de 30 ans, va se régaler en extras et autres surfacturation. Tout ça ne vous dit rien… on s’apprête à reproduire dans le système de santé, le même système qui nous a mis à la merci des requins du privé au niveau gouvernemental et municipal.
Nos méga-hôpitaux en PPP se révéleront un gouffre financier. Les syndicats du secteur public peuvent démontrer que la main-d’œuvre de métier des sous-traitants du privé coûte, au minimum, 20$ de l’heure de plus que lorsque les travaux d’entretien des hôpitaux sont faits à l’interne et ça, c’est aujourd’hui, alors qu’on est pas encore prisonniers d’un contrat PPP, et on a pas encore parlé des profits que les firmes en PPP ne manqueront pas d’ajouter à la facture qu’ils présenteront au gouvernement.
Si on n’arrête pas cette catastrophe annoncée, dans 20 ans, on aura une autre commission d’enquête qui « découvrira » les turpitudes du privé au CHUM et au CUSM.
Que peut faire QS ?
Certainement pas se contenter de demander la démission de Tremblay. La gauche doit aller là ou les « spécialistes », « analystes » commentateurs, et autres acrobates de la pensée magique n’iront pas. Ces bonnes âmes ne dépasseront jamais le niveau de la recherche de quelques « pommes pourries ». Ils n’iront jamais jusqu’à dénoncer la logique intrinsèque du capitalisme et de son idéologie neolibérale. QS a deux ans, pour démolir brique par brique l’édifice idéologique du néolibéralisme. Il n’y a que QS pour le faire… à condition de les trouver…