Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Construisons un féminisme antiraciste qui prend en compte la lutte contre l’antisémitisme et l’islamophobie

Nous, collectif féministe antiraciste de lutte contre l’antisémitisme, avons envie de vomir de l’état critique actuel du mouvement féministe.

Tiré de Entre les lignes et les mots

Les féministes de gauche, qui composent notre camp politique, sont encore une fois prises dans un jeu dangereux pour nous, juifves, mais aussi pour la lutte féministe et antiraciste : celui de la complaisance avec l’antisémitisme.

Tandis que les féministes réactionnaires sont prises dans des confusions entre lutte contre l’antisémitisme et défense de la politique israélienne.

Dans un contexte français, où on a lu des communiqués de collectifs et partis en soutien entier à toute forme de résistances en Palestine, y compris celle du Hamas ; dans un contexte où on entend une partie de la droite et au-delà soutenir les massacres à Gaza et les violences de la colonisation, et réprimer tout soutien à la Palestine ; n’est-il pas temps de déployer des positions politiques plus complètes ?

Le féminisme décolonial ne doit pas fantasmer une résistance sexiste et antisémite, et la lutte contre l’antisémitisme doit aussi lutter contre la déshumanisation et l’invisibilisation des palestinien.nes !

Dans une histoire de la gauche, qui a nié à l’époque le caractère antisémite du meurtre d’Ilan Halimi, qui ne s’est pas emparée politiquement des attentats antisémites, ni même des féminicides et agressions sexistes antisémites en France ces dernières années, nous ne sommes pas étonné.es de ces confusions.

Et puisque le fonctionnement de l’antisémitisme semble incompris, nous nous devons de le définir dans cette situation : le 25 novembre, pour la marche contre les violences sexistes et sexuelles, c’était considérer que des femmes victimes de telles violences et tuées parce que juives, n’ont pas le droit à notre égard féministe car elles sont israéliennes. Quand on abandonne des femmes pour leur identité, c’est ce qu’on appelle du racisme.

C’est ainsi que dans la tribune « Propagande de guerre pro-israélienne : notre féminisme ne se laissera pas enrôler ! » (21/11/2023), https://www.lemediatv.fr/articles/2023/propagande-de-guerre-pro-israelienne-notre-feminisme-ne-se-laissera-pas-enroler-i7Hc1eCST7miT1iGrjVL3A) vous dites que le signifiant antisémite est mal utilisé : c’est vous qui en faites une coquille vide à force de l’exclure de vos champs d’analyses et de lutte !

Toutes vos connaissances scientifiques et empiriques en terme d’analyse du monde social ne sont malheureusement pas mobilisées dans cette tribune, qui nie l’expérience raciale de la violence. Ne pas vouloir mobiliser le concept de « féminicides de masse » n’empêche pas de parler des violences sexistes et sexuelles perpétrées sur des femmes juives, et une dénonciation sans réserve n’affaiblit pas une analyse du contexte politique.

C’est vous qui projetez un « Orient monstrueux » (selon vos mots) en opposant les femmes palestiniennes et israéliennes selon leurs souffrances et leurs positionnements dans les rapports sociaux de race : ces femmes font toutes parti de « l’orient » que vous méjugez et fantasmez.

De l’autre côté de l’échiquier politique, la tribune « Pour la reconnaissance d’un féminicide de masse en Israël le 7 octobre » (10/11/2023) (https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/pour-la-reconnaissance-dun-feminicide-de-masse-en-israel-le-7-octobre-20231110_EMTPN3H2EBDLJBMLLTZ2SRLY6A/?redirected=1) fait une grave erreur en disant qu’on peut parler des violences perpétrées par le Hamas sans analyser le contexte géopolitique.

Il faut parler de l’étendue de la terreur qui s’abat sur les femmes gazaouies, qui subissent depuis trop longtemps les effets de la colonisation sur les rapports de genre et sur les violences sexistes et sexuelles.

Les mouvements qui se disent « humanistes » et qui emploient des modes d’action symboliques tels que les taches de sang à l’entre-jambe, semblent aujourd’hui incapables de parler de la souffrance des palestinien.nes, car ils sont aveuglés par leur islamophobie et alimente ainsi la réception de la propagande de l’extrême droite au pouvoir en Israël.

La lutte contre l’antisémitisme, ainsi mobilisée par des forces réactionnaires, participe à alimenter d’autres racismes.

Nous, Oraaj sommes sur une ligne de crête, nous tentons de nous rattacher à des AG féministes et décoloniales pour la Palestine, nous tentons de lutter contre l’antisémitisme en même temps, nous tentons de co-construire, tandis que les analyses et rhétoriques antisémites se déploient encore dans les mouvements militants de gauche et d’extrême gauche, et tandis que la répression politique s’abat sur les mobilisations pour la Palestine.

Nous nous retrouvons alors isolé.es à la fois politiquement mais aussi physiquement. Dans cette manifestation de samedi 25 novembre, nous n’avons pas arrêté de nous déplacer pour trouver une place où défiler ; une partie du mouvement féministe est sourde face à nos critiques, une autre tente de discréditer nos dénonciations d’antisémitisme, et ce par plusieurs techniques de décrédibilisation.

La première serait qu’il n’y aurait qu’une instrumentalisation de l’antisémitisme. La deuxième que nous ferions la confusion entre antisémitisme et antisionisme. La dernière étant de nous qualifier de sioniste.

Nous pensons que parler d’antisémitisme uniquement par le biais de son instrumentalisation est une erreur d’analyse, et participe à l’invisibilisation de l’antisémitisme et donc à sa reproduction. Nous pensons que l’antisionisme n’est pas forcément de l’antisémitisme, mais que certaines positions antisionistes sont formées de rhétoriques antisémites.

Nous pensons qu’il y a des sionismes de droite et d’extrême droite, comme celui d’Israël, qui sont des idéologies racialistes et coloniales. Et qu’il y a des sionismes et antisionismes auxquels il faut se référer pour penser l’existence des juifs et palestinien.nes sur un territoire commun.

La question du sionisme et de l’antisionisme prise de manière essentialiste et réductrice, de tous les côtés, ne fait qu’envenimer la situation politique. Ces définitions identitaires sont inopérantes quand elles sont mobilisées pour classer les « bons » et « mauvais » juifs et les « bons » et « mauvais » militants.

Let us tell our stories !

Celles de différentes oppositions à la colonisation et à la politique d’Israël, avec des perspectives multiples liées aux parcours d’exils et de migrations, et aux stratégies d’auto-défense face à un antisémitisme historique, et toujours opérant au présent.

Vous pensez qu’il n’y a symboliquement pas de victimes collatérales de ces positionnements polarisés ? Eh bien vous vous trompez.

Jamais nous ne nous allierons avec les féministes de droite et d’extrême droite, nous voulons construire une lutte féministe de gauche contre l’antisémitisme et pour Gaza ! Nous nous adressons à notre camp politique et l’enjoignons à faire preuve d’auto critique, de féminisme antiraciste et donc contre l’antisémitisme !

ORAAJ, Organisation Révolutionnaire Antiraciste Antipatriarcale Juive
Communiqué par PS

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