Ce boom de claims s’ajoute à celui déjà documenté plus tôt cette année dans le sud-ouest du Québec et concorde avec l’augmentation de la demande mondiale en minéraux, notamment pour fournir les industries militaires et énergétiques. Il concorde également avec le lancement du Plan québécois de valorisation des minéraux critiques et stratégiques à l’automne 2020, de même qu’avec le prix élevé de l’or depuis deux ans, dont 92% est utilisé pour les industries financières et de la joaillerie.
Parmi les faits saillants relevés par les organismes, notons les suivants :
– Augmentation moyenne de 107% des titres miniers depuis deux ans dans les trois régions du sud-est du Québec analysées, dont Estrie (+63,4%), le Bas-Saint-Laurent (+87,5%) et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (+139%). Il s’agit d’une augmentation 2,6 fois plus rapide que la moyenne du Québec (+40,6%) au cours de la même période, et semblable au boom de titres miniers documenté précédemment dans le sud-ouest du Québec (+129% de janvier 2021 à août 2022).
– Plus de 20 000 titres miniers dans le sud du Québec – On compte désormais plus de 20 000 titres miniers dans sept régions du sud du Québec, dont 7 674 titres miniers dans trois régions du sud-est du Québec en date de novembre 2022 : Estrie (1 739), Bas-Saint-Laurent (1 242) et Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (4 693). Plus de 15 000 titres miniers ont été répertoriés dans le sud-ouest du Québec en août 2022 (Laurentides, Lanaudière, Mauricie et Outaouais).
– Plus de claims miniers que d’aires protégées – Deux des trois régions analysées comptent davantage de claims miniers que d’aires protégées en superficie : la Gaspésie (1,6 fois) et l’Estrie (2,6 fois). Les trois régions ont de faibles taux d’aires protégées, loin derrière les cibles internationales de 30% du territoire d’ici 2030 : Bas-Saint-Laurent (3,39%), l’Estrie (3,48%) et la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (7,86%).
– Connectivité et intégrité des milieux naturels menacés – Des centaines de claims miniers sont collés sur des parcs nationaux d’envergure ou carrément à l’intérieur de milieux naturels valorisés, tels que des réserves fauniques et des parcs régionaux, menaçant l’intégrité et la connectivité de ces milieux d’intérêt pour la conservation. Parmi les parcs nationaux et les aires protégées dont la zone tampon périphérique est menacée, il y a notamment le Parc national de la Gaspésiele, le Parc national du Mont-Mégantic, la Réserve écologique Samuel Brisson, la Réserve écologique de la Grande-Rivière, l’Aire de confinement du cerf de Virginie du Ruisseau Grand-Nord, etc. Parmi les milieux naturels valorisés qui ont des claims miniers collés ou littéralement à l’intérieur de leurs limites, il y a les Réserves fauniques des Chic-Chocs et de Matane, de même que la forêt de Hereford. Plusieurs milieux forestiers et agricoles sont également touchés.
– Populations non informées et non consultées – Rien dans la Loi sur les mines n’oblige présentement les entreprises minières à informer ou à consulter les citoyens, les municipalités et les communautés autochtones avant d’acquérir de nouveaux claims miniers sur leurs territoires. D’un simple clic en ligne, n’importe qui peut acquérir un claim avec moins de 45 $. Une fois acquis, le claim confère un « droit exclusif » à son détenteur qui peut alors le renouveler indéfiniment à peu de frais, y conduire des travaux de forage et éventuellement exploiter une mine s’il obtient un bail minier.
– Planification et aménagement intégré du territoire « minés » – En plus de permettre des travaux de forage sans évaluation environnementale et sans consultation publique, il est pratiquement impossible de révoquer des claims miniers avec les lois actuelles. La présence des claims miniers pendant plusieurs années (souvent à des fins spéculatives) empêche la planification intégrée du territoire, de même que la conservation des milieux naturels pendant cette période. Or, Québec accuse déjà des retards importants dans la protection des milieux naturels pour atteindre les cibles internationales de 30% d’ici 2030, surtout dans le sud du Québec.
– Neuf MRC représentant 142 municipalités mobilisées appellent Québec à revoir la Loi sur les mines et les orientations gouvernementales en matière de désignation de « Territoires incompatibles avec l’activité minière » (TIAM), notamment afin de mieux protéger les milieux naturels, les lacs et les milieux récréotouristiques. Un récent sondage Léger indique que trois personnes sur quatre au Québec (75%) se disent en faveur « d’interdire tout projet minier dans des zones touristiques ou de villégiature » ; une proportion semblable (78%) demande « d’exiger le consentement des populations locales (p.ex. : municipalités, Nations autochtones) avant d’autoriser toute activité minière sur leur territoire » ; et la quasi-totalité (89%) souhaite « interdire le rejet de déchets miniers dans tout lac, rivière ou milieu écologique sensible ».
– Solutions recherchées à l’aube de la COP15 sur la biodiversité à Montréal – Le Collectif de la société civile québécoise pour la COP15, lequel rassemble plus de 70 organisations environnementales, syndicales et financières, soutient la fin de la préséance des activités minières et demande la priorisation de la conservation dans la planification du territoire. Les organismes appellent notamment Québec à abroger l’article 246 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, à modifier les orientations gouvernementales régissant les Territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM), et à réviser certains articles de la Loi sur les mines (a. 82, 304, 304.1.1) afin d’élargir leur portée permettant de révoquer des titres miniers pour des raisons d’intérêt public, comme la conservation des milieux naturels.
Citations
(organismes nationaux et du sud-est du Québec)
« La survie du caribou de la Gaspésie dépendra de notre capacité à lui laisser davantage de territoire. Les titres miniers qui jouxtent le Parc de la Gaspésie deviendront rapidement un obstacle à l’agrandissement d’un territoire protégé dédié, condition essentielle de sa survie. » – Pascal Bergeron, porte-parole Environnement Vert Plus en Gaspésie
« Les dernières années nous ont permis de réaliser l’importance d’accroître notre autonomie alimentaire. Est-il normal de permettre l’achat de titres miniers sur les terres agricoles fertiles de la vallée du Saint-Laurent et du sud du Québec ? Le gouvernement acceptera-t-il vraiment de sacrifier le garde-manger du Québec au profit de l’industrie minière ? » – Noémi Cantin, coporte-parole du comité citoyen Vivre sans mine en Estrie
« L’actuel régime minier représente un obstacle à la mise en oeuvre du prochain cadre mondial sur la biodiversité, notamment pour l’atteinte de la cible de protection de 30% du territoire. À l’aube de la COP15 sur la biodiversité qui se tiendra à Montréal en décembre, le gouvernement doit prioriser la préservation de la biodiversité dans l’ensemble de ses actions et ajuster ses lois et politiques en conséquence. » – Alice de Swarte, directrice principale à la SNAP Québec
« En décembre à la COP15, les yeux du monde entier seront tournés vers Montréal pour l’avenir de la biodiversité mondiale. Le Québec doit être exemplaire. Or, la présence de titres miniers collés sur le Parc de la Gaspésie empêche la mise en œuvre d’une protection efficace de l’habitat essentiel du Caribou, un emblème majeur de la biodiversité au pays et symbole d’espoir dont les citoyens ont besoin pour se mobiliser face à la perte de biodiversité mondiale » Cyril Frazao, directeur exécutif de Nature Québec
« La protection de l’environnement est à la base d’une industrie minière responsable et compétitive. Le Québec a de nombreux atouts pour se positionner en leader, mais il ne doit pas céder à l’urgence. Le gouvernement doit atteindre les objectifs environnementaux et veiller à l’acceptabilité sociale des projets auprès des communautés d’accueil. » – Martin Vaillancourt, Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement
« Le Québec ne doit pas s’agenouiller devant la demande mondiale pour l’or, ni celle des industries militaires et automobiles américaines. La transition énergétique ne doit pas servir de prétexte pour sacrifier des milieux naturels, s’implanter de force dans des communautés, ou encore bafouer les droits des Nations autochtones. » – Rodrigue Turgeon, porte-parole de la coalition Québec meilleure mine et de MiningWatch Canada
« L’apparition des nouveaux qualificatifs « stratégique et critique » ajoutés à minéraux tend à laisser croire que c’est plus acceptable de miner ces ressources non-renouvelables, comme si l’impact sur les écosystèmes était de facto moins destructeur que pour les autres minéraux. C’est au mieux de la peinture verte et au pire du mépris exprimé à nos populations par ceux qui disent gérer notre capital collectif en notre nom et en bon père de famille » – Henri Jacob, président de l’Action boréale
« Cette urgence d’extraire des minéraux n’a pour impératif qu’une opportunité d’affaires éphémère. Il n’y a rien de stratégique à ce qu’on détruise l’environnement et les milieux de vie avec des machines, qu’elles soient au diesel ou électriques. Le profit à court terme ne fera jamais émerger cette société équitable et écologiste que réclame notre responsabilité actuelle face à la vie et aux générations futures” – Chantal Levert Réseau québécois des groupes écologistes
« Les municipalités ont la responsabilité d’assurer l’approvisionnement en eau potable de leurs citoyens et devraient ainsi avoir leur mot à dire sur les nouveaux projets miniers sur leur territoire. Ces projets comportent toujours des risques pour l’eau en raison de la destruction de milieux hydriques, le rejet d’eau usée et la consommation effrénée d’eau de cette industrie. Nous devons protéger ces milieux, c’est notre eau potable, notre qualité de vie, qui en dépend. » – Rébecca Pétrin, Eau Secours
« Selon nos recherches, nous constatons une importante augmentation de conflits socio-écologiques provoqués par l’expansion de l’industrie extractive. Il y a 25 cas de conflit actuellement au Québec touchant les 17 régions administratives. L’expansion des frontières extractives paraît sans fin, particulièrement maintenant, en lien avec la tendance en vigueur des minéraux pour les technologies de transition énergétique. Les populations touchées exigent d’être informée et de prendre part aux décisions au sujet de leurs réalités » Isabel Orellana, directrice du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté
« La santé du territoire ne peut plus être dissociée de la santé humaine, et il est impératif que les effets associés et cumulatifs des différents projets sur la santé humaine via le territoire soient enfin pris en compte dans la planification économique, industrielle et du territoire de l’ensemble du Québec. Il en va d’une véritable justice environnementale, et de viabilité de notre système de santé, où atterrissent ultimement les citoyen.ne.s affecté.e.s depuis des décennies par des décisions dont il faut enfin changer le régime, dans une optique vraiment plus durable et saine pour les gens et les territoires. » – Claudel Pétrin-Desrosiers, présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
« Le Québec ne peut pas aller de l’avant avec des minéraux dits « d’avenir » avec des lois et des politiques du passé. Il faut moderniser la Loi sur les mines, les règles régissant les Territoires incompatibles avec l’activité minière et doter le Québec d’un véritable règlement environnemental spécifique au secteur minier qui a force de loi » – Ugo Lapointe, cofondateur et coporte-parole de la coalition Québec meilleure mine.
Organismes signataires (alphabétique)
Action boréale
Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME)
Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement (UQAM)
Coalition Québec meilleure mine
Eau Secours
Environnement Vert Plus
MiningWatch Canada
Nature Québec
Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ)
Réseau québécois des groupes écologistes
Société pour la nature et les parcs (SNAP Québec)
Vivre sans mine
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