Hebdo L’Anticapitaliste - 628 (15/09/2022)
Dan La Botz
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Distribution d’eau à Jackson. DR
L’inondation a submergé le système d’eau vétuste de la ville, laissant les 150 000 habitantEs, dont 85 % sont noirs, sans eau potable, sans eau pour les toilettes ou pour se laver pendant une semaine. Une jeune mère, Monica LaShay Bass, a déclaré à un journaliste : « C’est un sentiment douloureux quand vous n’avez pas d’eau, surtout quand vous avez des nouveaux-nés. »
Jackson, Mississipi
Les tempêtes et les inondations sont le résultat du changement climatique, qui s’accélère en raison de l’utilisation du charbon et du pétrole pour alimenter notre économie mondiale capitaliste et qui nous affecte touTEs — mais de manière inégale. Comme à Jackson, ce sont souvent les travailleurEs et les pauvres qui subissent le plus lourdement les conséquences du changement climatique. L’injustice climatique ou le racisme environnemental, comme on l’appelle parfois, est le résultat du système économique et de décisions politiques qui sont similaires dans de nombreuses villes du pays. Mais examinons le cas de Jackson, une version extrême de nombreux problèmes typiques.
Au 19e siècle, le Mississippi était l’un des États américains les plus riches. En 1860, les plantations du Mississippi et ses 430 000 esclaves noirs produisaient un million de balles de coton. La classe des propriétaires d’esclaves était fabuleusement riche alors que la plupart des autres blancs vivaient dans la pauvreté et que les noirs étaient des esclaves. Après la guerre civile américaine qui a aboli l’esclavage en 1865, les planteurs blancs sont restés maîtres de la terre. L’esclavage a été remplacé par le métayage — qui pouvait devenir une servitude pour dettes — et les noirs ont continué à travailler la terre et à produire du coton. Les blancs ont violemment attaqué la population noire, se sont emparés de tous les pouvoirs politiques et, dans les années 1880, ont instauré le système Jim Crow : les noirs n’avaient pas le droit de vote, étaient soumis à la ségrégation raciale et vivaient sous la menace du lynchage. Ce n’est qu’avec le mouvement pour les droits civiques de 1954 à 1968 que les noirs ont réussi à imposer la fin de la ségrégation légale et à recouvrer leurs droits politiques et leurs libertés civiles.
Pourtant, les anciens États esclavagistes du Sud restent les plus pauvres d’Amérique. Le Mississippi est le plus pauvre de tous, avec 18,8 % de ses habitants vivant dans la pauvreté et 15 % en situation d’insécurité alimentaire. Il a le taux de pauvreté des enfants le plus élevé. Il a le deuxième niveau d’éducation le plus bas du pays (après la Virginie occidentale), fait partie des dix États où le logement est le moins abordable et se classe parmi les cinq derniers en matière de soins de santé.
Catastrophe sociale
Jackson, autrefois un peu mieux lotie que le reste de l’État, a subi un déclin spectaculaire au cours des quarante dernières années. En 1980, elle comptait un peu moins de 203 000 habitantEs, dont environ la moitié était blanche, mais des dizaines de milliers de blancs ont quitté la ville, sapant l’assiette fiscale de sorte que la municipalité ne pouvait plus maintenir les services sociaux et publics, comme le système de distribution d’eau. Aujourd’hui, les revenus individuels à Jackson sont en moyenne de 23 714 $, contre une moyenne nationale de 62 518 $. Les habitantEs sont souvent incapables de payer leurs factures d’eau et doivent collectivement des millions de dollars.
Le maire de Jackson est le démocrate Chokwe Antar Lumumba, qui se décrit comme socialiste et révolutionnaire et qui a travaillé avec Cooperation Jackson, un réseau de coopératives et d’entreprises appartenant aux travailleurs et gérées démocratiquement. Mais Lumumba a dû faire face au gouverneur républicain de droite de l’État, Tate Reeves, et au corps législatif majoritairement républicain, qui ont tous deux négligé et puni la ville de Jackson. Maintenant, le gouverneur veut privatiser le système de distribution d’eau.
Il faudrait des milliards de dollars pour réparer le système d’eau de Jackson. Le Congrès sur proposition démocrate a récemment adopté un budget avec des fonds affectés à de tels programmes, mais il faudra des mois, voire des années, pour que l’argent arrive jusqu’à Jackson.
Comme le dit Mme Olugbala-Aziz, une résidente locale : « Nous ne demandons pas des manoirs, nous voulons juste vivre et avoir les choses normales, l’eau courante, l’eau propre. »
La crise climatique touche toute la population mais ce sont d’abord les pauvres qui en subissent les conséquences. Elle doit être combattue par des mouvements de masse au niveau national et mondial.
Traduction Henri Wilno
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