Le « charme » du premier ministre canadien n’y peut rien. Face à l’ouragan Trump, la bourgeoisie canadienne retient son souffle et marche sur la ponte des pieds. Si la puissance hégémonique ne faisait pas jusqu’ici la comptabilité tatillonne de ses profits et pertes, dorénavant rabaissé au statut de premier parmi ses pairs, c’est America first. D’un libre-échangisme multilatéral, le président étasunien veut passer à libre-échangisme bilatéral, et non au protectionnisme comme souvent on le dit. Bien que le libre-échangisme du chef de file impérialiste a toujours été lesté d’une forte dose protectionniste comme l’illustre la cinquième ronde du conflit du bois d’œuvre depuis 1980. Cette ronde vaut au Canada un tarif punitif de 25 % qui comme toujours sera jugé illégal dans quelques années... à moins que les ÉU obtiennent la juridiction finale par les tribunaux étasuniens en cas de litige et non par ceux paritaires créés par l’ALÉNA (chapitre 19). Ce sont ces tribunaux opaques, sans appel et hors État, complètement biaisés dans l’intérêt des transnationales, que le Canada veut défendre bec et ongles.
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Dernière partie de l’étude (ndlr-ptag)
La lutte climatique canadienne et québécoise sonnée par le trumpisme
Au Canada, la gauche radicale a laissé échapper le ballon en ne s’engouffrant pas dans la brèche ouverte par le congédiement inattendu, au printemps 2016, de son chef droitiste tout en s’ouvrant à la possibilité de s’opposer à toute construction d’oléoduc charriant du pétrole bitumineux, ce qui avait provoqué l’ire de la grande presse pro-affaire [1]84. Le plus populaire candidat à la course à la chefferie du NPD se concluant cet automne, peut être qualifier de communautariste de gauche tellement il affiche ouvertement son appartenance sikh, tant par son habillement que par sa réserve au nom de sa communauté sur le nouveau curriculum progressiste d’éducation sexuelle du gouvernement de l’Ontario [2]85, dont il est député à son parlement. Il s’oppose aux oléoducs albertains tant celui vers la côte ouest, approuvé par Ottawa, que celui vers la côte est en processus d’approbation. Ce faisant, il tente malgré tout de se concilier le gouvernement NPD albertain qui les approuve et celui britannico-colombien qui tergiverse [3]86. On se dit que l’approbation trumpienne de l’oléoduc Keystone de l’Alberta aux ÉU, dont ce candidat ni les autres ne disent mot, résout la contradiction.
Au Québec, le mouvement anti-pétrole et anti-gaz se cherche depuis que le gouvernement a voté sa loi de décembre 2016 ré-ouvrant les vannes de l’exploitation gazière et pétrolière [4]87 malgré son recul sur l’île d’Anticosti, plus économique que politique [5]88,… et sans perte pour les pétrolières impliquées [6]89. C’est dans ce contexte que Québec solidaire prépare son congrès d’automne afin de se doter d’une plate-forme électorale pour l’élection prévue à l’automne 2018. Il est cependant à craindre que le sujet vedette en soit de nouveau les rapports avec la mouvance nationaliste, cette fois-ci non pas l’alliance avec le PQ, rejeté par le congrès du printemps dernier, mais la fusion avec le petit parti Option nationale [7]90.
Il y a là un beau prétexte pour les directions de s’entendre sur un programme électoral conjoint [8]91 afin de lessiver la radicalité écologique du programme Solidaire confirmé par le congrès du printemps 2016. Pour y arriver, les deux directions distrairont la galerie en réanimant le débat insoluble, étant donné l’actuel rapport de forces, du mandat de l’assemblée constituante : indépendantiste mais anti-démocratique ou démocratique mais fédéraliste [9]92. Voilà le prochain défi des anticapitalistes québécois : une plate-forme d’un Québec indépendant pour le plein emploi écologique [10]93, un projet de société en mesure de revivifier le mouvement social jusqu’à susciter un Printemps érable au carré susceptible de bouleverser le rapport de forces.
Marc Bonhomme, 5 août 2017,
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.ca
[1] Socialist Project, A Leap Toward Radical Politics ? 7/06/16.
[2] Nahila Bendali, Course à la direction du NPD : un débat sous le signe du consensus , Radio-Canada, 3/08/17
[3] Site de Jagmeet Singh, Changement climatique, visité le 3/08/17
[4] Ross Marowits – La Presse canadienne, Pétrole et gaz naturel : les écologistes appréhendent les nouvelles règles québécoises, Le Devoir, 1/08/17
[5] Alexandre Shields, Un « contrat malheureux », mais qui doit être respecté, dit Couillard, Le Devoir, 6/07/16. La
pression populaire, à mobilisation modeste, y compris celle autochtone (innu) dont la portée judiciaire pouvait à terme être embêtante a finalement servi aux Libéraux qui voulaient à la fois se sortir d’une mauvaise affaire mais sans pénaliser les pétrolières et casser du sucre sur le dos du PQ en grande partie responsable d’avoir plongé le Québec dans ce guêpier.
[6] Marie-Michèle Sioui, 115 millions déboursés, pas une goutte de pétrole d’Anticosti, Le Devoir, 29/07/17
[7] Marc Bonhomme, Québec : le congrès Solidaire et ses suites après la demi-rupture avec le PQ , ESSF, 3/06/17
[8] Vicky Fragasso-Marquis – La Presse canadienne, Québec solidaire et Option nationale ont entamé leurs pourparlers de fusion, Le Devoir, 25/06/17 : « Ce premier face à face, qui sera suivi de plusieurs autres rencontres en août et septembre, servira à aborder ‘‘le plus important’’, selon Gabriel Nadeau-Dubois, soit la question des programmes des deux partis. »
[9] Voir mon blogue : « Une brèche cruciale anti-GES devenue l’éléphant dans la pièce »
[10] Voir à cet égard ma proposition sur mon blogue dont des versions plus anciennes ont été publiés par ESSF et par Presse-toi-à-gauche : « Un Québec indépendant de plein emploi écologique pour sortir du pétrole »
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