Les femmes, ce matin, sont fières. Nous avons interrogé une femme qui se prenait dans les bras avec une autre : « Nous sommes les premières à être arrivées en centre-ville. La police n’a pas osé intervenir, c’est la preuve que même les fous respectent les femmes », nous disait-elle, ce matin.
Elles ont défilé d’abord sur la place de l’Indépendance. Là, elles ont été stoppées par la police et ont été cantonnées devant le ministère de l’Intérieur pendant à peu près trente minutes. Puis, elles ont décidé de marcher, bravant les cordons policiers.
Nous avons vu des policiers sortir des grenades de gaz lacrymogène et ne pas oser les lancer sur ces femmes qui chantaient pour la paix.
« Nous sommes là contre le 3e mandat »
« Nous sommes les mères. Ce sont nos enfants qui sont tués. Ce sont nos enfants qui sont en prison. Nous sommes là pour le respect des droits humains. Nous sommes là contre le troisième mandat », scandaient-elles
Toutes ces femmes ont ensuite rejoint d’autres groupes qui arrivaient d’une autre direction. A Bujumbura, nous avons ainsi assisté à des situations incroyables où il y avait des cordons de police qui bloquaient ces femmes et qui les empêchaient de se rejoindre. Puis, elles se mettaient à courir pour se rejoindre sans que la police n’ose intervenir.
Lorsque les policiers essayaient de les bloquer, à chaque fois, elles s’assayaient par terre, mains en l’air, et toujours en chantant. Puis, elles se remettaient en route au grand dam des forces de sécurité.
A plusieurs reprises, des policiers énervés les ont menacées avec des grenade de gaz lacrymogène mais d’autres les ont découragés. Il fallait voir ces femmes se mettre à courir entre les policiers qui étaient sans cesse en train de reculer pour reformer les barrages. Finalement elles se sont retrouvées à plus de 200.
Prières, hymne national, chants pour la paix, elles ont fait ce que les hommes n’ont jamais réussi à faire, c’est-à-dire défiler dans le centre ville. Les hommes, des jeunes des quartiers populaires ou des étudiants pour l’essentiel, ont pourtant essayé, ces deux dernières semaines, mais ils ont toujours été bloqués dans les quartiers périphériques par les forces de sécurité, la police et surtout avec des gaz lacrymogènes, camions anti-émeutes et tirs à balles réelles.
« Si ça avait été des hommes, ça fait longtemps qu’on les aurait dégagés », a expliqué, à RFI, un policier.
« Ils savent que tirer sur nous, ça donnerait une image encore plus désastreuse à la police burundaise », a confirmé l’une des manifestantes.
De 10h00 à midi, ce dimanche, elles se sont dispersées petit à petit - quand elles l’ont décidé - se prenant dans les bras, pleurant aussi pour certaines, pour « rejoindre les hommes restés à la maison », disaient-elles amusées. Elles sont heureuses aujourd’hui d’avoir réussi là où les hommes ont échoué.
L’opposant Audifax Ndabitoreye arrêté quelques heures
L’opposant burundais Audifax Ndabitoreye, candidat déclaré à l’élection présidentielle, figure de la contestation et membre de la société civile a été arrêté quelques heures à l’issue de la réunion des ministres de la communauté des États d’Afrique de l’Est, à Bujumbura. Une réunion pour tenter de remettre le processus électoral sur les rails dans la crise politique que traverse le pays. Et à laquelle devrait succéder, le 13 mai, un sommet régional en Tanzanie.
Sur son mandat d’arrêt figurait le chef d’inculpation d’insurrection, sans plus de précisions. Selon une source policière, il aurait été vu plus tôt distribuant de l’essence aux manifestants. Accusations que l’intéressé dément.
Les représentants politiques se sentent menacés
La plupart de ces représentants de partis se sont éclipsés avant la résolution de la crise, par crainte eux aussi d’être arrêté. Mais Chauvineau Mugwengezo, le président de l’UDP, un parti non reconnu par les autorités, est resté. Pour lui, qui comme Audifax Ndabitoreye avait appelé à manifester, il devient difficile de participer à ce type de réunion qui vise à apaiser le climat avec les autorités.
La police tire sur des manifestants
Au moins quatre personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par balle à Bujumbura lors d’une manifestation contre un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Un premier bilan faisait état de trois morts, mais « un quatrième manifestant a succombé à ses blessures », a déclaré une figure de la société civile, le défenseur des droits de l’Homme Pierre Claver Mbonimpa.
Ces nouvelles victimes portent à treize le nombre de morts liées à la répression des manifestations, qui ont débuté le 26 avril. Dix opposants, deux policiers et un soldat ont été tués.
Les manifestants disent inconstitutionnel un éventuel nouveau mandat du président Nkurunziza, arrivé au pouvoir en 2005, après la signature de l’accord d’Arusha. Cet accord, qui met fin à dix ans de guerre civile au Burundi, limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Or, le chef de l’Etat a été réélu en 2010.
Burundi : un haut responsable en fuite dénonce un "coup d’État"
Le vice-président de la Cour constitutionnelle du Burundi, en fuite depuis lundi, s’est exprimé sur France 24 par téléphone depuis le Rwanda. Sylvère Nimpagaritse dénonce "un coup d’État constitutionnel" au Burundi, où la Cour a validé mardi la candidature de Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat.
Dans la rue la situation s’est apaisée, même si les contestataires ont à nouveau dressé des barricades dans certains quartiers. Les autorités proposent une trêve aux manifestants.
Que va faire l’armée ?
C’est une des questions cruciales du moment. Les divisions sur le troisième mandat se retrouvent en effet au sein même de l’armée, qui a pour le moment joué la neutralité sur le terrain.
Le ministre de la Défense, le général Pontien Gaciyubwenge, a demandé que cessent "les atteintes aux droits" constitutionnels des Burundais, faisant apparemment allusion à celui de manifester pacifiquement. Mais le chef d’état-major, le général Prime Niyongabo, proche de Pierre Nkurunziza, a garanti que les militaires resteraient loyaux aux autorités.
L’attitude du corps militaire reste la grande inconnue. Reconstituée au sortir de la guerre civile, l’armée compte en effet, selon les termes de l’accord d’Arusha, deux corps censé respecter une parité ethnique, dans un pays très majoritairement peuplé de Hutu. Elle est ainsi considérée comme plus neutre et mieux respectée par la population qu’une police jugée aux ordres du pouvoir.
Mais elle n’en est pas moins tiraillée du fait de sa composition : des chefs d’ex-rébellions hutu, comme le CNDD-FDD, et d’anciens officiers de l’armée tutsi opposés pendant la guerre civile, s’y côtoient.