En vertu de cette entente, des clients d’Énergir qui utilisent le gaz pour leur chauffage résidentiel et leur chauffe-eau sont invités à passer à la biénergie, employant électricité et gaz fossile. Hydro-Québec et Énergir avaient prévu convertir le chauffage de l’ensemble de la clientèle d’Énergir à la biénergie en 15 ans, soit de 2021 à 2036. Leur plan était de remplacer les équipements au gaz lorsqu’ils allaient atteindre la fin de leur vie utile (après 15 ans). À ce rythme, c’est 540 000 tonnes de GES qui devaient être réduites en 2030.
Des équipements au gaz qui polluent pendant plus de 20 ans !
Or, selon les informations obtenues par les groupes, la durée de vie utile des équipements de chauffage au gaz naturel ne serait pas de 15 ans, mais serait plutôt de 21.5 ans en moyenne pour les systèmes résidentiels, tandis que celle des systèmes des plus grands bâtiments serait plutôt en moyenne de 23 ans. C’est donc dire que chaque nouvel appareil installé au Québec polluera pendant plus de 20 ans, soit encore plus longtemps que le prétendait Énergir.
En considérant une durée de vie utile plus longue des équipements de chauffage que prévue initialement, la réduction des GES à l’horizon 2030 sera moindre puisque moins d’appareils seront convertis à la biénergie.
Conséquemment, la réduction de GES n’atteindra pas 540 000 tonnes de GES, mais tout au plus 400 000 tonnes en 2030 pour l’ensemble du Québec, dont environ la moitié des réductions sont prévues sur le territoire de la Ville de Montréal. Un écart de 35% comparativement à ce que promettaient les distributeurs d’énergie.
Hydro-Québec et Énergir retardent dangereusement la sortie du gaz dans les bâtiments au Québec
Il est également déplorable de constater qu’Hydro-Québec et Énergir attendent la fin de vie des équipements aux gaz pour ajouter une thermopompe ou une chaudière électrique au système de chauffage des clients d’Énergir. Concrètement, il serait possible d’ajouter dès maintenant une thermopompe à un système au gaz et ainsi réduire immédiatement les GES de plus de 70%, mais les deux monopoles refusent de le faire et préfèrent attendre la fin de vie des équipements au gaz avant d’agir. Ils souhaitent également profiter de leur programme afin de remplacer les équipements de chauffage au gaz en fin de vie par des appareils complètement neufs lors de la conversion à la biénergie électricité-gaz. Or, l’Agence internationale de l’énergie est catégorique, il faut interdire l’ajout ou le remplacement de systèmes ou appareils fonctionnant au gaz (chauffage, cuisinière, chauffe-eau, etc.) dans les bâtiments au plus tard en 2025.
Pollueur-payé : la société québécoise paiera 2,4 milliards à Energir !
Depuis plus d’un an, les groupes citoyens, environnementaux et syndicaux s’opposent fermement à la volonté d’Hydro-Québec de compenser monétairement Énergir pour ses pertes de revenus potentielles suite à la mise en place d’un programme de biénergie.
Ce projet propose qu’entre 2022 et 2030, Hydro-Québec paie une compensation à Énergir d’un montant de l’ordre de $ 400 millions ! Cette compensation pourrait être prolongée et l’opération coûterait à la société québécoise jusqu’à 2,4 milliards $ d’ici 2050 pour compenser les pertes de profits de la gazière Énergir ! Les groupes rappellent que la Régie de l’énergie a rendu la semaine dernière son verdict sur la demande de révision de sa décision sur le programme de biénergie gaz et a interdit à Hydro-Québec d’augmenter les tarifs de tous ses clients pour payer Énergir afin de compenser la baisse de ses ventes de gaz naturel. Cette décision empêche ainsi que les consommateurs d’électricité renouvelable paient pour compenser un pollueur lorsqu’il se retire ou est forcé de se retirer d’une activité polluante et destructrice pour notre environnement. Ce serait tout le contraire du principe du pollueur – payeur inscrit dans la Loi sur le développement durable !
Des solutions sans gaz et 100% renouvelables existent !
Hydro-Québec devrait maintenant mettre fin à son entente avec Énergir et se concentrer sur d’autres solutions aux problèmes climatiques et à la gestion des pointes de demande d’électricité. Les groupes rappellent que la fine pointe de demande en électricité au Québec est en moyenne de moins de cent heures par année. Hydro-Québec devrait, entre autres, intensifier ses efforts pour promouvoir l’installation de thermopompes à climat froid et d’accumulateurs de chaleur, deux technologies éprouvées qu’elle maîtrise et dont elle assure déjà la promotion. Hydro-Québec pourrait déjà offrir le chauffage 100 % électrique en incorporant des technologies qui lui permettront de gérer les pointes de demande, sans avoir recours au gaz fossile. La société d’état a déjà ces technologies en main ; elle en fait d’ailleurs la promotion et la commercialisation entre autres par le biais de ses filiales Hilo et Evlo et de subventions qui existent pour les thermopompes et les accumulateurs de chaleur. Pourquoi a-t-elle décidé de privilégier l’entreprise privée Énergir plutôt que ces technologies novatrices qu’elle maîtrise déjà ?
Il est temps pour Hydro-Québec de devenir le vaisseau amiral de l’électrification dont le Québec a besoin pour réussir sa transition. Le premier geste à poser pour y parvenir est d’arrêter de servir de cheval de Troie pour le gaz dans les bâtiments.
Ce blogue est co-signé par Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie à Greenpeace Canada, Jean-Pierre Finet, analyste au Regroupement des organismes envionnementaux en énergie (ROEÉ), Émmanuelle Rancourt, chargée de projet experte Énergie à Nature Québec et Jacques Rousseau, secrétaire général au Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ).
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