On le sait, les responsables politiques sont « people-isés », beaux, bien habillés, avec de charmantes campagnes. 5 ou 50 clic-clic-clic, 22 ou 318 flash-flash-flash plus tard, et on parle de nous en bien… Cela pourrait être drôle s’il n’y avait pas un méchant agenda semi-caché devant ce nouvel épisode de l’« infotainment », qui est le mode de gestion de la politique aujourd’hui.
Parlons-en un peu de l’agenda semi-caché. Depuis maintenant 60 ans, l’État canadien est ce qu’on pourrait appeler un allié-subalterne des États-Unis. Les structures « fondamentales » de cet État, ses processus politiques, ses interventions dans le monde, ses politiques économiques, sont déterminées, à vrai dire, dominées par Washington. Cela n’exclut pas, de temps en temps, des conflits marginaux, des points de vue différents.
Sur le plan de la politique extérieure, traditionnellement, Ottawa a joué le jeu du « soft power », présent à l’ONU, dans des opérations de « pacification » et de médiation. Le « good cop » faisait bien l’affaire du « bad cop » américain puisque ce soft power restait, en gros, dans les paramètres de la politique impériale américaine. On s’entendait sur les objectifs essentiels : contenir et refouler toute compétition importante (l’URSS à l’époque), bloquer les efforts des États et des peuples de se libérer de la chape de plomb de la globalisation (libre-échange notamment), attaquer directement des forces anti-systémiques, etc. L’un (les États-Unis) le faisait par la force brutale, l’autre (Canada) le faisait avec des « casques bleus » et le multilatéralisme. Entre-temps, Pearson, Trudeau-papa et les autres pouvaient se présenter comme des grands pacifistes, tout en serrant la main à Fidel Castro ou à Nelson Mandela, et en servant, directement et indirectement, les intérêts de l’empire. « The job was done »…
Pendant les longues années de Harper cependant, les rôles se sont inversés. Le crétin de Harper a pensé que le Canada pouvait devenir un bad cop. Entretemps, sous Obama, les États-Unis ont infléchi leur image. En effet, les ravages de Bush avaient tellement fait de dégât qu’il est devenu nécessaire pour l’élite américaine de modifier la tactique de l’Empire, en apparence toujours. Obama était parfait dans ce rôle, en prétendant modérer les ardeurs guerrières, mais en réalité, en continuant la « guerre sans fin ». Alors effectivement entre Barak et Stephen, le courant passait mal … Dans un sens, la visite de Justin la semaine dernière remet les pendules à l’heure du point de vue de l’État canadien.
Alors, distinguons plus clairement l’apparence de la substance. Le gouvernement libéral maintient ses engagements dans la guerre au Moyen-Orient. Il défend les régimes-voyous à commencer par l’Arabie saoudite, la Turquie et Israël, avec qui on fait de « bonnes affaires », sans état d’âme par rapport aux atrocités commises par ces régimes. Ottawa maintient ses engagements dans l’OTAN partout dans le monde. Le « maintien de la paix » permet à ce bras armé des États-Unis d’intervenir massivement en Asie et en Afrique, en flagrant mépris des conventions internationales et de la Charte de l’ONU, et en faisant des milliers de victimes parmi les populations irakiennes, syriennes, afghanes, notamment.
Parallèlement, l’État canadien s’investit à plein dans les traités de libre-échange qui veulent consolider la domination néolibérale sur l’Europe et l’Asie. Il agit en coulisse pour affaiblir les efforts latino-américains pour constituer un bloc régional, ce qui veut dire miner les gouvernements progressistes et appuyer, plus ou moins discrètement, les forces de droite et d’extrême-droite qui veulent ramener le Venezuela, le Brésil et l’Argentine 15 ans en arrière.
Avec Justin, il est probable que le « good cop » mette un peu de sucré sur la sauce en augmentant marginalement les budgets pour l’aide humanitaire et les réfugiés, Cela fera d’autres opportunités pour de belles photos…