La politique du gouvernement du Québec vise à favoriser l’immigration de travailleurs qualifiés pouvant répondre à des besoins du marché du travail et des gens d’affaires. Comme le soulignait le mémoire de la CSN, "la politique néolibérale (que ce soit celle qui sévit à Ottawa ou à Québec) tend à réduire toute politique de l’immigration à question de marché de la main-d’oeuvre à gérer." C’est ainsi qu’à côté de l’immigration permanente de nature économique s’est développée une immigration temporaire devant répondre à des besoins pointus et conjoncturels du marché du travail. Ce dernier type d’immigration a connu une hausse considérable durant la dernière décennie.
Les gouvernements s’inscrivent dans une logique de capital humain... Ainsi, toute la question pour la consultation gouvernementale est de savoir comment l’immigration doit aider à pourvoir 740 000 postes de travail d’ici 2014. Cette orientation essentiellement centrée sur l’immigration économique ne donne pas des résultats toujours à la hauteur des attentes. Si elle n’est pas accompagnée de mesures favorisant l’intégration économique et sociale, elle peut déboucher, malgré la sélection à l’entrée, à ne pas atteindre ses objectifs. Plus, cette orientation tend à marginaliser les dimensions plus directement humanistes des politiques d’immigration comme la place donnée au regroupement familial et à l’accueil des réfugié-e-s et des sans-papiers.
La condition des personnes immigrantes est de plus plus précaire et difficile.
Les personnes immigrantes se retrouvent dans des emplois de plus en plus précaires et dans des situations plus vulnérables. Ils sont 3 fois plus présents que les Canadien-ne-s de souche dans les catégories de bas revenu. Quand ils obtiennent un emploi, ce sont des emplois déqualifiés qui ne correspondent aucunement à leur niveau de formation. Leurs salaires sont des salaires souvent inférieurs à la moyenne des travailleurs des secteurs concernés. Sans parler des discriminations qui touchent particulièrement les femmes dont le taux de chômage est plus élevé que dans les autres catégories de la population.
Si la majorité de la population immigrante au Québec connaît le français, les conditions du marché du travail qui tend de plus en plus à favoriser les personnes bilingues ne conduisent pas nécessairement à une intégration à la société québécoise. Le gouvernement a haussé le nombre d’immigrants admis au Québec sans augmenter les ressources nécessaire à la francisation et à l’intégration des immigrant-e-s. Est-ce la responsabilité des immigrants si les petites entreprises ne sont pas soumises aux obligations de la loi 101 ? Est-ce leur responsabilité si les budgets consacrés à la francisation sont insuffisants ? (Nous reviendrons la semaine prochaine sur la dimension proprement linguistique du problème).
En ne parlant que de cibles à viser, les partis politiques choisissent une voie facile qui fait l’impasse sur les problèmes réels.
Face aux problématiques rencontrées, les différents partis politiques ont enfourché ce qui semble la solution la plus facile. Le gouvernement Charest propose de revenir à une moyenne de 50 000 immigrés par année pour les années 2012-2015 alors que la cible de 2008-2011 était de 55 000. Legault et l’ADQ proposent de revenir à 45 000 pour les deux prochaines années en prétextant la défense de la langue française et les difficultés du Québec en matière d’emplois. Benoit Charette (ex-péquiste et allié de Legault) propose de passer 54 000 à 40 000 et de remonter progressivement la cible de 2000 par année pendant 5 ans. Le PQ s’inscrit dans la même démarche en affirmant que la cible proposée par le gouvernement est trop élevée.
Le Québec dispose des capacités de recevoir plus d’immigrants et de réfugié-e-s
"Le Québec dispose des capacités de recevoir plus d’immigrants et de réfugiés", écrit dans son Mémoire la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI). Mais, il faut d’une part rompre avec la logique purement économiste qui ne peut déboucher sur une augmentation sans fin de l’immigration temporaire, car elle inscrit la politique uniquement dans une logique marchande visant à satisfaire en temps réel des besoins spécifiques en main-d’oeuvre.
C’est la domination de cette logique marchande qui a conduit à une réduction importante de l’accueil de réfugiées au Québec depuis dix ans alors "que les réfugiés représentaient annuellement entre 20 et 25% du bassin migratoire au Québec" dans les années 90. Il ne faut pas, rappelle le TCRI, réduire la politique d’immigration à sa dimension économique, mais que l’immigration humanitaire reste au Québec une composante essentielle de l’ensemble du mouvement migratoire.
En fait, ce n’est pas le niveau annuel des admissions d’immigrants qui est en jeu mais « la rareté des ressources »
Ce sont toutes les pratiques favorisant l’intégration des nouveaux immigrants qu’il faut revoir :
– efforts à fournir pour favoriser l’intégration à l’emploi,
– réformes qu’il faut introduire à l’éducation des adultes pour améliorer la réussite des jeunes immigrants,
– diversification des modalités du soutien à l’établissement des nouveaux immigrants dans les régions,
– place des femmes immigrantes qui sont particulièrement touchées par l’exclusion,
– place à donner à l’accueil aux réfugié-e-s,
– implication directe des immigrant-e-s et des organisations qui les soutiennent dans ce travail d’accueil, d’accompagnement et d’intégration.
Il faut savoir dépasser la seule approche statistique, si on veut pouvoir déboucher sur une politique d’immigration qui ait vraiment un visage humain.
Ressources :
Cahiers du socialisme : Migrations : stratégies, acteurs et résistances, nº 5, 2011.
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), mai 2011.