Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Argumentaire : Alternative à la privatisation des énergies renouvelables au Québec

1. Préambule

Le Réseau militant écologiste de QS, en s’appuyant sur le Programme du parti (voir document Extrait du Programme), propose une politique énergétique alternative à la privatisation des énergies renouvelables proposée par la CAQ. Cette politique revoit la production et la distribution dans une perspective de proximité et d’efficacité, la redistribution des revenus énergétiques dans une optique d’équité régionale et la gestion publique des énergies renouvelables (électrique, solaire, éolienne, thermique, etc.) dans une perspective de transition énergétique, juste et démocratique.

2. Politique actuelle du gouvernement de la CAQ

Les politiques du gouvernement Legault en matière d’énergie répondent aux intérêts des capitalistes d’ici et des multinationales. Il s’agit de créer les conditions pour que les investissements privés puissent s’approprier toujours plus des ressources, pour augmenter la production d’énergie et en confier une part de plus en plus grande au secteur privé. Les objectifs des entrepreneurs dans le secteur énergétique vont directement à l’encontre de la lutte aux changements climatiques.

Le gouvernement de la CAQ a lancé une Consultation en ligne sur l’encadrement et le développement des énergies propres au Québec du 1er juin au 1er août 2023 en vue d’un dépôt de loi l’automne prochain. Les mémoires des organisations liées au patronat, présentés à cette Consultation, illustrent clairement cette affirmation. Les mots d’ordre patronaux sont clairs :
● augmenter la production de l’énergie dans l’optique d’une croissance soutenue,
● maintenir le plus longtemps possible l’utilisation des combustibles fossiles,
● privatiser la production des énergies renouvelables,
● affaiblir toute la réglementation bridant les initiatives du privé
● et laisser les mécanismes du marché fixer la tarification de l’énergie pour la majorité de la population.

À titre d’exemples, voici des résumés de ces mémoires.

Les défenseurs du capital fossile insistent sur la nécessité de maintenir la production et la consommation de gaz naturel pour le Québec, si le gouvernement veut pouvoir satisfaire à la demande croissante en électricité. Il faut donc que les entreprises gazières puissent exploiter les réserves de gaz naturel du Québec. Pour permettre cela, la Loi mettant fin à la recherche d’hydrocarbures et de réservoirs souterrains, à la production d’hydrocarbures et à l’exploitation de la saumure, adoptée en avril 2022, devrait être abrogée.

Le conseil du patronat défend pour sa part l’augmentation de la production d’énergie de différents types. Il propose que le Québec défende un mix énergétique comprenant le gaz naturel, l’hydrogène, le nucléaire et de l’énergie renouvelable produite par les entreprises privées.

L’Institut économique de Montréal , invite le gouvernement à créer un climat d’affaires favorable à l’exploitation du gaz naturel au Québec. L’Institut considère que le secteur privé doit contribuer à la solution pour répondre aux besoins d’approvisionnement énergétiques du Québec. C’est pourquoi la réglementation devrait être modifiée pour permettre le développement du secteur privé tant au niveau de la production que de la distribution. De plus, la fixation des tarifs devrait refléter l’évolution des coûts de production du secteur privé.

En somme, la classe entrepreneuriale, malgré ses bons mots sur la carboneutralité, ne veut pas de changements radicaux des modes de production et de consommation. Elle vise essentiellement l’élargissement de ses capacités d’investissements et de la production d’énergie. Elle ne conteste en rien la politique d’exportation qui pourrait amener à nuire à la demande interne. Toute la perspective d’une véritable sobriété énergétique, ainsi que les dangers d’infliger des torts irréparables à la planète sont complètement en dehors de son champ de vision. Ses propositions ne prennent pas en compte les cibles de réduction des émissions de GES nécessaires pour assurer l’avenir de la planète.

Les organisations syndicales s’inscrivent en faux contre l’orientation présentée par les organisations patronales. C’est ainsi que la FTQ écrit : « Au-delà de l’identification d’autres sources d’approvisionnement, une clarification doit être effectuée concernant l’efficacité et la sobriété énergétiques. » Cela conduit à proposer une planification et le contrôle public des énergies renouvelables, et une transition juste favorisant une pleine participation des travailleurs et des travailleuses à la planification de la transition. La centrale demande même de revoir les conditions auxquelles les tarifs préférentiels sont octroyés à la grande industrie. En somme, il s’agit là d’une orientation qui s’oppose pied à pied à l’orientation proposée par la classe d’affaires. Les organisations syndicales comprennent qu’il reste très peu de temps pour mettre en place un virage digne des impératifs climatiques.

Les groupes écologistes n’identifient pas clairement le patronat et la logique capitaliste comme un obstacle fondamental à la prise en compte de l’urgence de la crise climatique. Leurs propositions remettent en question les cibles gouvernementales, qui soulignent l’importance de la sobriété et de l’économie d’énergie, affirment le caractère de service public du système énergétique, et demandent le développement public de la filière éolienne avec Hydro-Québec comme partenaire principal en partenariat avec les communautés locales.

Lors de son Conseil national de juin 2023, QS a adopté une proposition du RMÉ pour dénoncer cette consultation « comme un aveuglement volontaire sur la crise climatique en cours ».

3. Situation actuelle d’Hydro-Québec

Au coeur de la vision énergétique du gouvernement caquiste se trouve le détournement du rôle d’Hydro-Québec dont il est question dans cette section.

Hydro-Québec produit de l’électricité grâce aux emprunts et aux investissements de générations de Québécois. Elle distribue l’électricité grâce à l’immense réseau de barrages, de lignes de tension et d’unités de répartition, financé grâce aux emprunts, à la tarification, à la contribution des régions au passage des infrastructures et aux investissements de générations de Québécois. Hydro-Québec est un actif qui nous appartient.

La nationalisation des entreprises productrices d’électricité compte parmi les grands succès économique, social et politique de la société québécoise. Cette nationalisation a été soutenue par la majorité de la population et est bien présente dans le Programme de QS, car elle visait à :

● définir l’énergie commun un bien commun,
● créer un quasi monopole public de sa production et de sa distribution afin de répondre aux besoins de la population en énergie,
● et fournir de l’électricité à un tarif unique, stable et suffisamment bas pour ne pas grever le pouvoir d’achat de la population.

Hydro-Québec a été détournée de cette mission originelle pour lui donner une autre mission, celle d’être une entreprise commerciale à la recherche de dividendes toujours plus imposants versés au gouvernement. Cette logique de profitabilité à court terme minimise les investissements et optimise les revenus afin de répondre aux exigences de revenus du gouvernement provincial. De même, cette logique de marché a pour effet direct de permettre la mainmise de multinationales étrangères sur une part toujours plus grande du développement et des opérations électriques et une proportion de plus en plus grande la production des énergies renouvelables et de soustraire d’importants revenus et bénéfices des mains du secteur public.

D’ailleurs, le premier ministre Legault et le ministre Pierre Fitzgibbon, actuellement ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le ministre responsable du Développement économique régional, visent à approfondir le détournement de la mission d’Hydro-Québec afin de pouvoir développer une économie extractiviste, le but étant de faire du Québec un fournisseur en énergie et en métaux rares, centré sur afin d’attirer un maximum d’entreprises multinationale qui créeraient des emplois payants, mais généreraient des profits importants grâce à nos ressources abordables (voir l’aide toute récente à Ford ).

De plus, le choix de Michael Sabia comme PDG d’Hydro-Québec, reconnu pour ses approches économiques reposant sur les injections massives de capitaux, répond à l’orientation extractiviste que veut imposer le gouvernement à la société d’État. Fitzgibbon s’est dit ouvert à l’énergie nucléaire . Le développement de l’offre d’énergie pour répondre à son orientation extractiviste semble déjà l’orientation défendue par le gouvernement. Le projet de loi annoncé sur l’énergie orientera l’économie du Québec pour les prochaines décennies. Il constitue donc un enjeu majeur.

L’atteinte de ces objectifs économiques passe par l’augmentation rapide de la production d’énergies électriques renouvelables. Le gouvernement Legault envisage donc déjà la construction de nouveaux méga-barrages à des coûts astronomiques par des promoteurs privés. Le gouvernement a lancé en urgence des appels d’offre pour d’imposants blocs énergétiques, imposant du même coup l’implication de la grande entreprise dans la construction de méga-parcs d’éoliennes en territoire habité.

Hydro-Québec verse d’imposantes redevances au gouvernement du Québec grâce aux profits générés. Pour renforcer sa profitabilité, elle a développé une production tournée vers l’utilisation de notre énergie comme appât pour les entreprises énergivores et l’exportation de l’électricité à des prix alléchants vers différents États américains. Cette approche pour générer rapidement des revenus se fait au dépend de la qualité des services, des redevances aux communautés et du pouvoir d’achat de la population québécoise.

Hydro-Québec lance des appels d’offre pour la production électrique via de petits barrages et des parc éoliens. Pour faire vite notre société d’État engraisse ainsi avec les ressources publiques des entreprises multinationales par l’achat à fort prix et des garanties sur d’imposants volumes d’électricité renouvelable. Grâce à de tels généreux contrats, les multinationales précipitent les projets et dictent leurs conditions aux régions, aux municipalités et aux propriétaires de terres et terrains pour le développement des énergies alternatives (immenses éoliennes, installation désorganisée avec bénéfices minimaux aux communautés). L’approche économique cavalière lève l’opposition citoyenne dans la vallée du Saint-Laurent présentement ou plusieurs entreprises ont répondues aux appels d’offres du gouvernement. On impose littéralement une vision économique aux communautés.

Afin de répondre rapidement et avec un minimum d’effort au besoin de puissance lors des périodes de consommation de pointe Hydro-Québec fait alliance avec les gazières. L’entreprise publique a conclu une entente avec Énergir pour maintenir les marchés du monopole québécois du gaz, avec l’aide du monopole canadien du transport gazier TC Energy. L’entente a pour but de poursuivre l’offre gazière au Québec, en période de pointe. Ainsi pour alléger la pointe les québécois vont continuer à importer le gaz de fracturation des États-Unis et de l’ouest canadiens au lieu de faire le virage tout électrique. Pour atténuer le souci écologique, les gazières vont optimalement, dans certains cas, vendre le gaz mélangé à du GNR, et ainsi pouvoir maintenir les systèmes de chauffage existants pour les décennies qui viennent.

Le gouvernement actuel du Québec a adopté le discours des gazières : le gaz de schiste importé comme complément à notre hydroélectricité. Le partenariat avec Énergir pour assumer la pointe de consommation, et Hydro-Québec qui paie pour compenser l’implantation de la biénergie afin que le gaz assume les pointes de consommation est une voie à rejeter. Dans le contexte climatique actuel cette voie misant sur la poursuite de la combustion est inacceptable.

De même, le gouvernement actuel a tout récemment demandé à Hydro-Québec d’évaluer une relance de l’industrie nucléaire comme voie énergétique décarbonée. Non seulement cette voie est-elle extrêmement coûteuse et ne pourra être implantée qu’à très long terme, mais il est surtout faux de prétendre que l’industrie nucléaire n’émet pas de GES.

En effet, pour chaque kilo d’uranium, on doit concasser plusieurs tonnes de roche ce qui génère des centaines de millions de tonnes de résidus solides radioactifs. L’opération d’une centrale à l’uranium naturel (une technologie canadienne qui nécessite l’utilisation de l’eau lourde comme mécanisme de contrôle de la réaction nucléaire en chaîne, et la fabrication de l’eau lourde demande une imposante infrastructure consommant une forte quantité d’énergie soit électrique, soit provenant d’un combustible. La disposition des déchets faiblement radioactifs d’opération des centrales, (et ils sont volumineux), demande le transport des matières vers un site aménagé spécialement et sur des centaines de kilomètres. L’entreposage pour des décennies, à des fins de refroidissement des déchets hautement radioactifs demande des piscines rafraîchies en permanence pour éviter la surchauffe des casques de béton confinant la soupe bouillante et toxique radioactive. Le décommissionnement des centrales nécessitera le découpage robotisé du coeur métallique de la centrale, et la disposition des débris hautement radioactifs dans des conteneurs bétonnés ; une autre immense quantité de matière hautement radioactive ; les robots eux mêmes deviennent hautement radioactifs et doivent être jetés. Les solutions de disposition permanente impliquent de creuser des caves dans le rock à des kilomètres de profondeur ; et d’y disposer les déchets refroidis sous surveillance pour l’éternité. Il est vrai que le processus de fission lui-même ne produit pas de GES, par contre il est impossible d’estimer ce que génèrerait la mise en opération des méga-infrastructures nécessaires à ces réacteurs : les solutions définitives au cumul d’enjeux que soulève le nucléaire étant inconnues.

4 Que voulons nous ?

Hydro-Québec doit être au coeur d’une planification écologique et démocratique pour répondre aux impératifs d’une transition juste et aux besoins en énergie de la population du Québec.
Cette planification, portée par une politique visant d’abord et avant tout l’économie d’énergie, la sobriété énergétique et la sécurité énergétique des collectivités, reposera sur trois éléments indissociables :
● la nationalisation totale de la production énergétique électrique au Québec, pour :
◦ assurer l’homogénéité de l’accès à l’énergie au niveau du Québec et l’unité sur l’ensemble du territoire d’un tarif unique, stable et suffisamment bas pour les citoyens ;
◦ mettre fin à la privatisation des opérations et de la production électrique et de ses mécanismes afférents (subventions aux multinationales, tarifs privilégiés, appels d’offres, etc.).
● la socialisation décentralisée de la production électrique. Les communautés et les régions doivent participer à la gouvernance du secteur énergétique, bénéficier plus directement des retombées économiques et aux divers aspects de la gestion du secteur de l’électricité et ainsi :
◦ consolider les économies régionales et locales, en participant activement à la gouvernance d’Hydro-Québec ;
◦ S’impliquer dans la redistribution, la production de proximité et les mesures de sobriétés énergétiques, les pouvoirs régionaux pourraient remplacer graduellement la taxation foncière par des sources de revenus issus de l’efficacité et de la transition vers l’électricité source de revenu ;
◦ faciliter l’implantation rapide des micro-réseaux de distribution intelligents et de réseaux d’échange de chaleur ; les structures qui permettront l’intégration des unités énergétiques décentralisées et véritablement l’atteinte d’objectifs de réduction et de plus grande efficacité énergétique.
● l’implication décisionnelle directe des acteurs régionaux, tels que les municipalités locales et régionales de comté (MRC) et les Régies régionales d’énergie, comme maîtres d’oeuvre des projets résultants de cette Politique, pour :
◦ adapter la nationalisation aux réalités régionales et favoriser l’autonomie énergétique des régions et municipalités ;
◦ s’approprier, construire et gérer les installations énergétiques sur des sites respectant les aspirations de la population.

Si on s’oppose aux grands barrages, aux combustibles fossiles et au nucléaire ; on doit proposer une alternative. Les technologies les plus prometteuses qui se développent présentement se greffent idéalement à des petits réseaux énergétiques décentralisés (micro-grids). Deux types de réseaux semblent émerger présentement : les micro-réseaux électriques intelligents, et les réseaux municipaux d’échange de chaleur. Ces réseaux permettent d’intégrer toute une gamme de ressources énergétiques décentralisées, selon le cas des ressources produisant de l’électricité ; ou des ressources produisant de la chaleur. Le solaire, l’éolien et l’aérothermie, le contrôle des objets connectées et le stockage par batteries s’intègrent bien à un micro réseau électriques intelligents comme celui expérimenté à Lac Mégantic par Hydro-Québec. Pour les réseaux de chaleur ; le solaire, la géothermie, l’aérothermie et les ressources calorifiques industrielles ; ainsi que les réseaux d’égouts tempérés sont capable d’optimiser l’équilibrage des sources de chaleurs. Le virage vers les petits réseaux de redistribution électrique et de chaleur surtout dans les centres urbains est la voie d’avenir incontournable pour une gestion énergétique accessible à tous, de proximité, sécuritaire et au bénéfice des communautés. Les villes et régions auront un rôle capital à jouer dans l’implantation des solutions énergétiques.

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