Les innovations et bouleversements technologiques que nous vivons ne sont pas exclusivement… technologiques. Ils sont également socioéconomiques et politiques. C’est sur ces plans que Pierre Henrichon cherche à cerner les nouveaux phénomènes qui accompagnent le déploiement de l’économie numérique et du Big Data. Au-delà des promesses de progrès et de liberté que nous chantent ses principaux laudateurs, dont Google, Amazon et Facebook, quelles logiques, quels intérêts, quels nouveaux pouvoirs se cachent dans la lumière de nos écrans ? Qui possède nos données ? Quels dangers recèle la rencontre entre l’automatisation du travail, le Big Data et la marchandisation du monde ?
Le Big Data n’est pas sans poser de réels défis à nos sociétés, surtout en ce qui a trait à la protection de la vie privée, au travail ou au vivre-ensemble. Les piliers sur lesquels repose la nouvelle configuration de l’économie capitaliste – cybernétique, quantification, dataveillance et néolibéralisme – alimentent une dynamique qui court-circuite le politique, érode la pertinence du travail humain et contribue à la destruction de la société comme lieu de mutualisation des activités, des projets et des risques. En un mot, cette dynamique menace nos sociétés de dissolution et favorise l’épanouissement d’oligopoles de la donnée d’une puissance financière et technologique sans précédent.
Surfant sur la numérisation effrénée du réel, le Big Data permet aux géants du Web et à leurs clients publics et privés d’apprêter les moindres aspects de nos vies en données, c’est-à-dire en marchandises ou en outils de surveillance. Seul ce qui est compté compte : il s’agit de tout mesurer, de réduire la vie à des informations que l’on utilise et s’approprie à notre insu. Au travail, les employés sont mis en concurrence les uns avec les autres à travers l’évaluation continue de leur performance : des individus, on fait des micro-entreprises. À la maison, chaque membre du ménage est réduit aux données qu’il génère, à un nuage dont personne ne perçoit l’ombre : des humains, on fait des profils. Entre les deux, tous nos achats, likes et déplacements sont enregistrés, prêts à servir de boule de cristal pour le département marketing d’une multinationale ou d’un parti politique. Quels lieux nous reste-t-il pour débattre de ces changements, et leur résister ?
Solidement documenté, Big Data : faut-il avoir peur de son nombre ? est non seulement une analyse percutante des dynamiques sous-jacentes au phénomène du Big Data, mais également un vibrant plaidoyer pour éviter que l’humain n’en soit réduit à devenir une forme de capital dont il faut uniquement mesurer le rendement.
À propos de l’auteur
Pierre Henrichon est traducteur et membre du conseil d’administration d’Écosociété. Militant depuis plus de quarante ans dans divers mouvements politiques, il a été présidentfondateur d’Attac-Québec et membre de la Fondation Charles-Gagnon. Il s’intéresse depuis plusieurs années aux liens entre les sciences, les technologies et les évolutions sociales et politiques. Big data : faut-il avoir peur de son nombre ? est son premier essai.
Lancement le 17 mars, 18h, librairie Le Port de tête. Incluant une table-ronde avec Pierre Henrichon, André Mondoux (UQAM) et Nellie Brière.
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