Le choix de l’indicateur
La mesure phare de la Loi sur la réduction de la pauvreté est sans contredit l’instauration d’un seuil officiel de pauvreté. Le Collectif déplore toutefois le choix de la Mesure du panier de consommation (MPC) comme seuil officiel de pauvreté, la jugeant inappropriée du fait qu’elle mesure le taux de couverture des besoins fondamentaux et non la pauvreté.
En effet, la MPC indique le revenu nécessaire pour qu’une personne seule ou une famille puisse couvrir ses besoins fondamentaux (nourriture, logement, vêtement, transport et certains autres biens et services). Pour le gouvernement fédéral, la couverture des besoins fondamentaux serait suffisante pour sortir de la pauvreté.
« Ne plus être pauvre, ça va toutefois au-delà de la capacité à pourvoir à la simple subsistance, affirme le porte-parole du Collectif, M. Serge Petitclerc. Ne plus être en situation de pauvreté doit permettre de faire face aux imprévus et de contrer les effets de la précarité. La sortie de la pauvreté doit également donner accès à une plus grande liberté de choix aux personnes et par conséquent améliorer significativement leur qualité de vie. En choisissant un indicateur qui s’en tient uniquement à la couverture des besoins fondamentaux, le gouvernement laisse de côté les sentiments de sécurité, de stabilité et de liberté économiques qui font partie intégrante d’une existence en dehors de la pauvreté ».
« Le plus grand tort causé par cette loi est l’image incomplète et tronquée de la pauvreté qu’elle instaure, ajoute M Petitclerc. Une personne dont le revenu excède tout juste la MPC sera considérée comme sortie de la pauvreté, alors qu’en réalité elle sera toujours dans un état de précarité financière où chaque dépense compte. Pensons ici aux personnes aînées ou encore aux personnes travaillant au salaire minimum ».
Cible bidon
En choisissant la MPC comme seuil de pauvreté, le gouvernement fédéral se donne toutes les chances d’atteindre les cibles qu’il s’est fixées. Le 26 février dernier, le gouvernement annonçait l’atteinte de la première cible de réduction de la pauvreté. Cette première cible visait à réduire sous la barre des 10 % le taux de pauvreté d’ici 2020. Le gouvernement a profité de la publication de l’Enquête canadienne sur le revenu 2017 pour faire savoir que cette cible avait été atteinte dès 2017, soit trois ans avant l’échéancier de 2020 et, plus étonnant encore, un an avant le dépôt du projet de loi !
« Ça manque un peu de sérieux, critique Serge Petitclerc. Pourquoi le gouvernement a-t-il inclus dans la loi une cible qu’il savait déjà atteinte ? La baisse du taux de pauvreté est en grande partie tributaire de la mise en place, en 2016, de l’Allocation canadienne pour enfants et de la bonification du Supplément de revenu garanti pour les personnes aînées. Le tour était joué ! La première cible était atteinte. »
Comparaisons impossibles
Avec sa nouvelle loi, le gouvernement fédéral cherche à devenir « un chef de file mondial en matière d’élimination de la pauvreté ». Le choix de la MPC comme seuil de pauvreté pose encore ici problème, car aucun autre pays n’emploie la MPC comme indicateur de pauvreté. Comment pourra-t-il comparer ses résultats s’il n’utilise pas le même indicateur de référence que les autres pays ?
« En plus de retenir un seuil de pauvreté qui n’en est pas vraiment un et de s’être fixé une première cible qui est déjà atteinte, le gouvernement adopte un indicateur qui ne permet pas les comparaisons internationales, s’indigne Serge Petitclerc. Le gouvernement a manqué une belle occasion de marquer l’histoire en s’attaquant véritablement à la pauvreté. Certes, le Canada a toutes les chances de bien paraître d’un point de vue statistique à l’intérieur de ses propres frontières, mais améliora-t-il réellement la vie des personnes en situation de pauvreté ? On comprend immédiatement l’importance de choisir un seuil de pauvreté juste. Or le gouvernement a failli à cette tâche. »
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