Le principe de la gratuité des soins au Québec se désagrège si l’on tient compte de la désassurance à la pièce des services et les frais exigés actuellement aux patients lors de visites en cliniques médicales. Ainsi, les patients doivent débourser de leurs poches des frais illégaux ou des frais déguisés en « coûts des médicaments et agents anesthésiques ». Précisons que nul ne peut nier l’apport des cliniques médicales publiques à gestion privé au sein du réseau de la santé. Il est vrai que leur existence permet en grande partie de désengorger les listes d’attente en établissement.
Cependant, il faut rappeler que la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) paie les honoraires des médecins qui pratiquent en clinique. Ces derniers reçoivent en plus des « frais de cabinet » pour compenser les différents frais d’exploitation hors-établissement. C’est lorsque la pratique à l’extérieur d’un établissement de santé devient plus lucrative pour le médecin que les listes d’attente s’allongent en milieu hospitalier.
La rentabilité avant l’intérêt des patients
Voilà le réel dysfonctionnement de notre système de santé : la logique de la rentabilité et du profit au détriment d’une couverture publique des soins et services qui va dans l’intérêt des patients et de leurs besoins. Ainsi, « Il est inacceptable qu’on autorise la facturation directe aux patients pour bonifier la rémunération des médecins. Cette pratique constitue une double facturation, interdite au Québec depuis le début du régime en 1970, qui serait en outre contraire à la Loi canadienne sur la santé », selon maître Verbauwhede, du cabinet d’avocats Grenier Verbauwhede à l’origine d’une requête pour autoriser un recours collectif sur la surfacturation.
« En contrevenant à la Loi canadienne sur la santé, le gouvernement du Québec risque de se voir imposer des pénalités financières, en pleine période de compressions dans les services à la population. Si on laisse le financement de la santé et des services sociaux se privatiser de la sorte, on s’en va tout droit vers un système de santé à l’américaine. Comment le ministre peut-il s’arroger le droit de décider, unilatéralement, que désormais, au Québec, tous ne seront pas soignés quand ils en ont besoin ? », affirme M. Jean Lacharité, vice-président au comité exécutif à la CSN. « Car il est commun que les patients ne puissent pas accéder aux soins ou aux traitements requis en raison de la barrière que constituent les frais accessoires », poursuit dans la même lignée Paul G. Brunet, président du Conseil pour la protection des malades.
Aucune acceptabilité sociale
« Nous avons été pour le moins étonnés des propos du ministre Barrette laissant sous-entendre une « acceptabilité sociale » des frais facturés dans les cliniques médicales publiques à gestion privée, indique Geneviève McCready, du Comité de lutte en santé de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. « Ce sont plutôt de nombreux échos d’indignation que nous avons recueillis. À ce jour, plus de 600 personnes ont témoigné de frais abusifs par le biais de notre Registre des frais facturés dans le cadre de la campagne « Mettons un frein aux frais ! » du Comité de lutte en santé. De nombreux témoignages démontrent un problème flagrant d’accessibilité ».
De son côté, la représentante de l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec (AREQ-CSQ), Ginette Plamondon, précise que le problème d’accessibilité affecte particulièrement les plus vulnérables de la société et les personnes aînées : « D’année en année, le coût de la vie augmente de manière importante alors que les revenus des retraités stagnent, de sorte que leur pouvoir d’achat diminue sans cesse », affirme-t-elle. « Le ministre de la Santé nous berne lorsqu’il dit vouloir avaliser les frais facturés par les cliniques médicales sous prétexte que les gens acceptent cela ! Au contraire, les personnes aînées réitèrent leur refus de payer pour des frais qui devraient être couverts par le régime public ».
Et le bien-être de la population ?
Par ailleurs, un prix uniforme tel qu’annoncé par le ministre Barrette qui tiendrait compte du prix coûtant des services et d’une certaine marge supplémentaire nous semble des paramètres qui concordent avec une logique de profit plutôt que d’être en fonction de la santé et le bien-être de la population. D’ailleurs, comment le comité tri-partite que souhaite créer le ministre entend-il déterminer un prix uniforme qui soit juste pour les patients sans tenir compte des inégalités sociales ? Nous constatons l’absence de la voix des patients à la table. Nous aurions souhaité que cet exercice en soit un transparent qui suscite une réelle réflexion sur notre système de santé publique (et non pas une lutte d’intérêts entre différentes fédérations et associations qui tentent de jouer des coudes pour obtenir leur part du gâteau).
« Le ministre prétend régler le problème des frais accessoires, mais il l’amplifie en consolidant une pratique déjà abusive et souvent illégale. Il semble nous amener vers la légitimation du principe de l’utilisateur-payeur. Ce qui est contraire aux principes d’universalité et d’accessibilité aux soins qui sont à la base de notre système public », estime Dre Isabelle Leblanc, présidente de Médecins québécois pour le régime public (MQRP).
Le ministre Barrette ne nous fera pas avaler la pilule d’une privatisation en douce ! Il faut que cesse une fois pour toutes la facturation de frais aux patients lors de visites en cliniques médicales.