Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Armes nucléaires

122 pays déterminés ouvrent une voie (fermée par le Canada)

Vendredi 7 juillet, les Nations Unies ont approuvé un Traité d’interdiction des armes nucléaires. La Présidente de la Conférence des Nations Unies sur l’interdiction des armes nucléaires, Elayne Whyte Gómez, du Costa Rica, a déclaré : « C’est un moment historique, c’est le premier traité multilatéral de désarmement nucléaire à être conclu en plus de 20 ans ».

Le traité couvre tout l’éventail des activités liées aux armes nucléaires, interdisant à tout État partie de s’engager dans le développement, le test, la production, la fabrication, l’acquisition, la possession ou le stockage d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs. Les interdictions s’appliquent également à tout engagement à utiliser ou à menacer d’utiliser des armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs.
C’est une grande victoire pour les peuples du monde entier. Après les armes chimiques et les armes bactériologiques, ce sont maintenant les armes nucléaires qui seront interdites en tant qu’armes de destruction massive, sur la base d’un Traité d’interdiction. L’humanité dispose désormais d’un instrument juridique contraignant pour interdire les armes nucléaires en déclarant, sans ambiguïté, que les armes nucléaires ne sont pas seulement immorales, mais aussi illégales.

Tant d’années et tant de travail acharné de générations de militants contre les armes nucléaires sont couronnés par un succès, aussi relatif soit-il. Ces luttes conduites depuis 1950, ont mobilisé des dizaines de millions de personnes à travers des rassemblements multiformes, mais aussi des appels pressants, souvent initiés par les survivants d’Hiroshima et de Nagasaki (les Hibakushas [1]). Ainsi avons-nous obtenu successivement l’arrêt des essais nucléaires dans l’atmosphère, sous la mer, puis des Zones exemptes d’armes nucléaires sur les ¾ de la surface du Globe et un traité d’interdiction définitif des essais nucléaires (seule dans les dernières vingt années, la Corée du Nord ne le respecte pas, sous la réprobation du monde entier).
Aujourd’hui c’est un traité d’interdiction des armes nucléaires, élaboré dans le cadre de l’ONU et voté par 122 États qui marque une rupture historique au sein des relations internationales en offrant l’opportunité de raviver l’esprit de la Charte des Nations Unies pour construire un processus pacifique de sécurité collective.
Mais le travail ne fait que commencer, car rappelons que l’article 6 du TRAITÉ DE NON-PROLIFÉRATION a été signé il y a exactement cinquante ans (1er juillet 1968), mais non respecté par les cinq membres du Conseil de Sécurité de l’ONU (États-Unis et Russie, qui possèderaient 93% des armes nucléaires mondiales, Grande-Bretagne, France et Chine). Trois de ces pays ont tout fait pour faire dérailler la détermination des 122 pays, avec des instructions strictes de l’OTAN pour forcer ses pays membres à boycotter les négociations ayant conduit au traité.
Merci au Mouvement de la Paix (France) pour la majeure partie du texte précédent.
Qu’en est-il du Canada de Trudeau ?
Une section écrite par Pierre Jasmin, vice-président des Artistes pour la Paix, membre de l’exécutif de Pugwash Canada, qui siège sur le comité de direction du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire et vient d’être nommé co-président d’honneur du Mouvement Québécois pour la Paix.
Le Canada a boycotté ces négociations alors que la Hollande (qui a voté contre, en obéissance servile à l’OTAN) a au moins pris la peine d’écouter les arguments présentés. Quelle honte pour les Canadiens que son gouvernement, dit libéral, ait refusé parfois même d’entendre les arguments d’une vingtaine de groupes pourtant les mieux informés, qui m’ont fait l’honneur de m’informer par des contributions que j’ai essayé au meilleur de mes capacités de transmettre à tous les Artistes pour la Paix :
● les 7200 Maires pour la Paix, avec les maires Gaëtan Ruest (Amqui), Denis Coderre (Montréal), Vickie May Hamm (Magog) etc. : le groupe fut créé par Dr. Tadatoshi Akiba, ex-maire de Hiroshima ;
● les Conférences Pugwash sur la Science et les Affaires Mondiales auxquelles se joignait en 2007, le général Dallaire, pour condamner les bombes nucléaires. Leurs représentants internationaux Dhanapala et Ramusino venant de l’Inde et de l’Italie, deux pays qui ont pourtant boycotté les négociations ont ainsi réagi : « Le Traité est une réjection catégorique des armes nucléaires et assurera une base solide en vue d’un progrès du désarmement nucléaire pour la sécurité de toutes les nations et des citoyens du monde entier. Pugwash espère que TOUS LES ÉTATS SIGNERONT ET RATIFIERONT cet instrument aussitôt que possible pour réaliser l’aspiration de l’humanité à vivre dans un monde libre de toutes les armes de destruction massive.” La déclaration précédente porte la marque de ces deux géants que j’ai eu l’honneur de fréquenter à Berlin en 2011 lors d’un congrès international marqué par de fortes discussions entre Israël et l’Iran dont j’avais improvisé dans la mesure de ma naïveté une médiation qui a permis des échanges plus modérés ; je salue aussi les écrits toujours pertinents de Paul Meyer, vice-président Pugwash Canada et porte-parole de la Fondation Simons, en m’inclinant bien bas devant cette grande dame de Colombie-Britannique, Jennifer Simons ;
● un millier de membres de l’Ordre du Canada qui ont appelé à une Convention nucléaire : 110 d’entre eux, dont Murray Thomson, membre émérite de Pugwash Canada, avaient encore le mois dernier incité avec une lettre vigoureuse le premier ministre Trudeau à lever son inexplicable boycott des négociations, hélas en vain ;
● le Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire, animé avec constance par l’avocate Bev Delong, que les Artistes pour la Paix appuient chaque année à Ottawa en diverses actions d’informations ou de lobbying auprès des députés fédéraux et des fonctionnaires du gouvernement ; le 10 avril dernier, j’ai prié ces derniers de cesser de nier ou de caricaturer la réalité du danger nucléaire en incitant la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland à réviser sa stérile opposition au traité ;

● l’association internationale des Parlementaires pour le désarmement et la non-prolifération nucléaire (http://www.pnnd.org) (Global Zero UN) : merci à mes amis Alyn Ware et Jean-Marie Collin qui sont souvent venus à Ottawa rencontrer le mouvement anti-nucléaire, malgré notre incapacité à convaincre Harper et Trudeau ; ils ont en plus tant travaillé au regroupement de centaines de parlementaires mondiaux, à l’Union Inter-Parlementaire (UPI) ;
● le sénateur Douglas Roche, co-fondateur de la Middle Powers’ Initiative (avec Jimmy Carter), qui a écrit les ouvrages les plus informés sur le sujet, n’a jamais cessé de dialoguer avec nous tous et réussi à parfois percer le mur du silence médiatique à Edmonton ;
● Cesar Jaramillo, jeune directeur de Project Ploughshares, avec qui j’ai échangé tant d’idées, sans doute celui avec lequel l’entente fut et demeure la plus complète ;
● la spécialiste de l’OTAN Erika Simpson, toujours prodigue de points de vue fort bien rédigés, que j’apprécie pour son franc parler, malgré plusieurs divergences de vue ;
● Dr Phyllis Creighton, grande pacifiste, qui préside chaque été la cérémonie commémorative d’Hiroshima à Toronto où elle m’a reçu en août 2015 en totale complicité ;
● ICANW.org : merci à Béatrice Fihn et à la Canadienne Ray Acheson (Reaching Critical Will, Women’s International League for Peace and Freedom) qui ont mené la lutte du traité dès le début et offert régulièrement des compte-rendus passionnants de leur travail à New York à l’ONU (merci au papa Bob Acheson, homme d’affaires de Toronto, qui a écrit tant de lettres aux députés et qui à mes côtés a incité le CNANW à plus d’audace) ;
● Erin Hunt, qui en dépit de son travail exigeant pour Mines Action Canada, a constamment encouragé nos efforts, en rappelant inlassablement que le projet de Traité d’Ottawa sur les Mines anti-personnel d’abord accueilli avec scepticisme, avait constamment gagné de nouveaux adhérents et sauvé la vie de milliers d’enfants et de paysans (les premières victimes des mines) ;
● Susi Snyder (PAX & dontbankonthebomb.com) dont nous avons souvent relayé les rapports concernant le Canada faisant état de milliards de $ par nos compagnies d’assurance (Sun Life Financial), par nos banques (Banque SCOTIA, …) et par POWER Corporation, consacrés à la fabrication de bombes nucléaires américaines, sans doute la clé qui explique la trahison libérale du bien commun ;
● le Forum Social Mondial où nous avons l’été dernier émis une déclaration travaillée ensemble avec notamment le Brésilien Chico Whitaker et le Montréalais Gordon Edwards, une mine de renseignements sur le nucléaire civil et un militant infatigable ;
● le Mouvement Québécois pour la Paix, gens de grand cœur avec qui les APLP manifestaient au cœur de Montréal le 17 juin dernier [2] ;
● Peggy Mason et Steven Staples de ceasefire.ca et l’Institut Rideau, solidaires ;
● 3711 savants (y compris des prix Nobel) du monde entier dont on peut consulter la déclaration (the Future of Life Institute) : https://futureoflife.org/nuclear-open-letter/
● la porte-parole des Affaires étrangères du NPD, madame Hélène Laverdière, une alliée sûre, et la chef du Parti Vert, Elizabeth May, complice de Pugwash dès 2007, qui n’ont hélas jamais suivi mes conseils d’unir leurs forces (comme ces partis le font depuis un mois en Colombie-Britannique) ;
● nos amiEs du Mouvement pour sortir le Québec du Nucléaire ;
● enfin, des artistes militants exceptionnels tels les Raging grannies (avec Marguerite Bilodeau), les Mémés déchaînées (dirigées par Louise-Édith Hébert), Judi Richards, Guylaine Maroist, Éric Ruel, Sylva Balassanian, Raoûl Duguay, Izabella Marengo, Derek Paul, Lilya Prim-Chorney, André Jacob, André Cloutier, André Michel, Christian Morin, Camille Pelletier, Odette Bougie, Sébastien Dhavernas et non le moindre, notre président domlebo…
L’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est, avec l’appui unanime des communautés autochtones du monde entier, font la leçon aux arrogants Blancs qui se croient civilisés
C’est à nous tous de faire en sorte maintenant que ce traité suscite des débats dans tout l’espace public et obtienne un retentissement mondial digne de sa courageuse interdiction des soutiens techniques, financiers, logistiques participant à l’existence des armes nucléaires et de son affirmation sans ambigüité, que par leur seule présence, les armes atomiques constituent un risque majeur de catastrophe humanitaire.
Le traité ouvre la porte à un monde où une majorité morale d’États a décidé de réprouver l’ordre établi nucléaire délinquant, malgré les milliards de $ investis par la maintenant CRIMINELLE industrie des armes nucléaires, puisque 122 pays la qualifient à juste titre ainsi : l’ONU a rassemblé une majorité de pays contre cette turpitude ! L’Afrique, l’Amérique du Sud, l’Asie du Sud-Est, presque entières, avec l’appui unanime des communautés autochtones du monde entier, font la leçon aux arrogants Blancs qui se croient civilisés ! À nous de le rappeler sans cesse, en particulier aux dirigeants occidentaux dégénérés à qui nous donnerons la chance de signer à leur tour ce traité présenté dès le 20 septembre à l’Assemblée générale des Nations-Unies !! Prochaines manifs : le 5 août en mémoire d’Hiroshima et le 23 septembre, partout dans le monde !

[1] Voir le film Plus jamais d’Hiroshima (ONF, prix Génie 1983) de Martin Duckworth, lui-même APLP de l’année 2002 et Prix du Québec 2015
[2] voir http://www.artistespourlapaix.org/?p=13550

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