13 juin 2023 | tiré de mediapart.fr
https://www.mediapart.fr/journal/international/130623/climat-le-rechauffement-s-accelere-l-inaction-perdure
Du jamais vu. C’est, en résumé, ce que rapporte une étude internationale publiée le 8 juin dans Earth System Science Data. Une cinquantaine de scientifiques se sont penchés sur l’état actuel du climat. Après avoir actualisé les principaux indicateurs publiés en 2021 par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), elles et ils estiment que « le réchauffement induit par l’homme augmente à un rythme sans précédent de plus de + 0,2 °C par décennie ».
Les chercheurs précisent : « Les indicateurs montrent que le réchauffement induit par l’homme a atteint + 1,14 °C en moyenne au cours de la période 2013-2022 et + 1,26 °C en 2022. » Et de conclure que nous sommes en pleine « décennie critique » pour espérer opérer « un changement réel de direction pour le climat ».
D’autres études parues ces derniers jours viennent appuyer cette surchauffe planétaire. D’après le service d’analyses météorologiques européen Copernicus, la surface des océans a connu son mois de mai le plus chaud jamais enregistré. « Les températures de surface des océans atteignent déjà des niveaux records et nos données indiquent que la température moyenne sur toutes les mers libres de glace pour mai 2023 était plus élevée qu’à tout autre mois de mai », a alerté le 7 juin Samantha Burgess, directrice adjointe de l’organisation.
La veille, des scientifiques ont annoncé dans la revue Nature Communications que l’Arctique pourrait être privé de glace en été dès 2030. Soit une décennie plus tôt que prévu par le Giec. Après avoir effectué des simulations sur des données d’observation entre 1979 et 2019, les chercheurs et chercheuses jugent que « le premier mois de septembre sans glace de mer interviendra dès les années 2030-2050, quels que soient les scénarios d’émissions ».
Cette disparition d’énormes volumes de glace peut avoir des répercussions terrifiantes, selon l’étude : accélération du changement climatique, avec une augmentation par ricochet des canicules et des mégafeux, ou encore élévation du niveau des mers de plusieurs mètres à la suite de la fonte de la calotte glaciaire du Groenland.
Planète en surchauffe
Cet emballement du climat se traduit depuis quelques jours partout sur le globe. Le Canada a déjà vu brûler depuis janvier près de 5 millions d’hectares de forêt. Lundi 12 juin, le Centre interservices des feux de forêt du Canada a comptabilisé 450 feux actifs, dont 232 hors de contrôle.
Steven Guilbeault, ministre canadien de l’environnement, a confié le 11 juin qu’avec le temps chaud et sec prévu tout au long de l’été, la situation a peu de chances de s’améliorer. Selon lui, ces mégafeux hors norme « prouvent que nous sommes entrés dans l’ère du changement climatique. [...] C’est la nouvelle normalité. Nous devons être mieux préparés ».
Les panaches des feux ravageurs au Canada ont même atteint le nord-est des États-Unis la semaine dernière, tapissant New York d’un brouillard épais. L’Agence américaine de l’aviation civile a dû freiner le transport aérien autour de la métropole et le 7 juin, la qualité de l’air new-yorkais a été qualifiée par les experts de « très mauvaise pour la santé ».
En France, plus de 65 % des nappes phréatiques suivies sont actuellement en déficit.
En Russie, le nord de la Sibérie subit actuellement une vague de chaleur extrême et sans précédent, avec des températures flirtant avec les 40 °C. Et au sud du continent asiatique, la Chine ou encore le Pakistan ont enregistré début juin des relevés dépassant les 49 °C.
La France n’est pas épargnée. Météo France a souligné lundi 11 juin que « depuis le 27 mai, l’indicateur thermique national des températures maximales dépasse quotidiennement 25 °C », une séquence que l’organisme qualifie d’« inédite ».
Concernant la sécheresse, selon les données croiséesde l’Office français pour la biodiversité et du service géologique national, au 12 juin, le niveau des nappes phréatiques était en dessous des normales dans 65 départements de France métropolitaine. Plus de 65 % des nappes phréatiques suivies sont actuellement en déficit.
Une réponse insuffisante
Face à cette accélération du changement climatique, la réponse des États est très loin d’être à la hauteur.
Le 20 mars, le Giec a publié un résumé de ses études climatiques pour conclure son sixième cycle de travail, entamé en 2015. Les scientifiques de l’ONU y ont souligné que le rythme et l’ampleur des mesures politiques prises jusqu’à présent demeurent insuffisants.
Les actuels plans climat des différents pays du globe nous mettent sur une trajectoire de réchauffement d’au minimum + 2,5 °C à la fin du siècle. En 2022, à l’échelle planétaire, les rejets de CO2 liés à l’énergie ont encore augmenté de 0,9 %.
La COP26 de Glasgow (Royaume-Uni) fin 2021 et la COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte) en 2022 ont accouché d’accords internationaux minimalistes où la sortie des énergies fossiles n’était pas mentionnée – à peine peut-on y lire un appel à « l’abandon progressif » du charbon.
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Quant aux cinq majors pétrolières occidentales (ExxonMobil, Chevron, Shell, BP et TotalEnergies), elles ont, pour l’année 2022, totalisé 180,5 milliards de dollars de profits. Un record historique. Alors que ces industriels continuent de forer de nouveaux puits de pétrole et de gaz, le Giec souligne que « les émissions de CO2 projetées par les infrastructures fossiles existantes » nous mènent déjà tout droit dans un monde à + 1,5 °C.
En France, un plan « eau » a été présenté le 30 mars par Emmanuel Macron. Mais cette feuille de route rabaisse les objectifs de sobriété que s’était fixés la France il y a quatre ans lors des Assises de l’eau. Le plan a été qualifié de « document sans calendrier, sans budget et sans territoire » par Antoine Gatet, vice-président de France Nature Environnement (FNE).
Enfin, le 8 juin, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique, a annoncé un plan canicule structuré en « 15 mesures phares ». Le contenu de ces actions ? Nous avertir par SMS « des comportements à adopter pour se protéger » ou encore nous inciter, face au monde qui brûle devant nos yeux, à « poser des stores ».
Mickaël Correia
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