Édition du 12 novembre 2024

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Europe

Zèle iconoclaste

 
Le 28 juin dernier, les autorités policières suédoises ont inscrit une nouvelle note sinistre à la symphonie montante de l’extrême droite et de sa haine manifeste en autorisant la tenue d’une déplorable manifestation. Cet événement s’est déroulé devant la mosquée de Stockholm, lors de la première journée de l’Eid Al Adha, une fête sacrée pour les musulmans. Un militant d’extrême droite a délibérément profané un exemplaire du Coran en le réduisant en cendres. Ces actes infâmes sont étroitement liés au discours intolérant qui se propage insidieusement en Suède ces dernières années. De nombreuses figures militantes et politiques ont également brûlé et piétiné des exemplaires du Coran, exprimant ouvertement leur mépris envers une religion pratiquée par des centaines de milliers de Suédois. Ces gestes dépassent le simple stade de la provocation isolée, ils représentent l’affirmation d’une idéologie pernicieuse visant à semer la discorde et à fracturer le tissu social. L’incitation à la haine, qu’elle soit motivée par des raisons religieuses, ethniques ou autres, possède un potentiel dévastateur qui transcende les époques et les civilisations. L’histoire regorge d’exemples où de telles démonstrations de cynisme iconoclaste ont engendré des tragédies de grande envergure, marquées par des génocides, des conflits dévastateurs et des ruines déchirantes.
 
Ainsi, il serait judicieux que les autorités suédoises s’intéressent à l’histoire du "calife fou", l’énigmatique Al Hakim Bi-Amr Allah (985-1021). Sixième héritier de la dynastie des Fatimides, Al Hakim régna pendant près de 25 ans à la tête d’un empire s’étendant de l’océan Atlantique à la mer Rouge. Son nom résonnait avec une aura de mystère et d’imprévisibilité. Sous son règne, les vents soufflèrent avec violence, brouillant les frontières de la raison et de l’orthodoxie. Son épopée se compose d’ombres et de lumières. D’un côté, ses excès et sa folie meurtrière marquèrent les esprits de son époque d’une douloureuse empreinte. De l’autre, il sema les graines de la justice sociale en prodiguant aux plus démunis les soins nécessaires pour défier les affres de la famine.
 
Mais le règne d’Al Hakim fut émaillé d’un acte qui marqua les mémoires à jamais, un événement décisif que certains chercheurs attribuent à l’embrasement des croisades : celui de la destruction par les flammes de la vénérée Église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Considérée comme un joyau architectural, cette majestueuse gardienne des prières fut réduite en cendres sous ses ordres, semant la colère et l’incompréhension. C’est un témoignage de la marque indélébile laissée par un seul et tragique événement. La destruction d’un lieu saint vénéré par les chrétiens du monde entier a résonné à travers les âges, gravant le nom d’Al Hakim dans l’infamie. Plusieurs historiens soutiennent que cet acte de profanation fut le catalyseur qui propulsa l’Europe dans une frénésie de zèle religieux. Les répercussions furent profondes, déclenchant des vagues de croisades qui allaient façonner le cours de l’histoire pendant des siècles. Le monde chrétien, animé d’un désir ardent de reconquérir ses lieux sacrés, se lança dans une série d’expéditions militaires qui allaient redéfinir à jamais les frontières de la foi et du pouvoir. Ainsi, bien que l’héritage d’Al Hakim soit complexe, la destruction de l’Église du Saint-Sépulcre reste le sommet indubitable, l’ombre qui obscurcit son passage dans l’histoire. 
 
 
L’incitation à la haine et la profanation ne sauraient être reléguées à la simple trivialité, car elles détiennent la force d’assembler les contours géopolitiques d’une nation. Les échos de l’histoire narrent sans cesse que ces tumultes ne trouvent point leur dénouement au temps présent, mais qu’ils se réverbèrent d’une époque à l’autre, laissant une marque sur la trame sociétale. Les autorités suédoises doivent prendre conscience de la part active qu’elles contribuent à forger au sein de ce climat de tension. En tolérant de tels débordements, elles se risquent à ternir l’auréole de leur héritage progressiste. Les grandes conquêtes sociales risquent d’être éclipsées par le fardeau de leur inertie. Il se révèle dès lors primordial que les dirigeants suédois revêtent la responsabilité inhérente à lutter au maintien et à la promotion de la paix, afin de préserver l’éclat et l’influence bénéfique de la Suède sur la scène internationale.

Sources :

Assaad, S. I. (1971). The reign of al-Hakim Bi Amr Allah, 386/996-411/1021 : A political study. University of London, School of Oriental and African Studies (United Kingdom).

Boomer, M., & Ousterhout, R. G. (2018). The Church of the Holy Sepulchre. In Routledge Handbook on Jerusalem (pp. 169-184). Routledge.

Walker, P. E. (2010). Caliph of Cairo : Al-Hakim bi-Amr Allah, 9961021.

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