Édition du 12 novembre 2024

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Écosocialisme

« Une révolution écologique est nécessaire ». Entretien avec John Bellamy Foster

John Bellamy Foster, éditeur de la revue socialiste étatsunienne « Monthly Review » est économiste et enseigne la sociologie à l’Université de l’Oregon. Il est l’auteur d’une série d’ouvrages consacrés à l’écologie et au marxisme, dont « Marx écologiste » (éditions Amsterdam, Paris, 2011) (*) et « The Ecological Revolution » (Monthly Review Press, New York, 2009). Cet entretien a été réalisé par Aleix Bombilà en juin 2010 pour le journal anticapitaliste espagnol « En Lucha ». (Avanti4.be)

Dans ton livre « Marx écologiste », tu affirmes que le marxisme a beaucoup de choses à offrir au mouvement écologiste. Quel type de travail commun doit s’établir entre marxistes et écologistes ?

Je crois qu’il est important de reconnaître que les marxistes et les écologistes ne constituent pas totalement deux groupes différents. Bien sûr, il est vrai qu’il y a eu des « rouges » qui ont été anti-écologistes et des « verts » anti-marxistes. Mais il n’est pas surprenant que les deux se superposent et qu’ils convergent sans cesse plus. De nombreux socialistes sont écologistes et de nombreux écologistes sont socialistes. De fait, dans un sens, le marxisme et l’écologie, tant classiques qu’actuels, portent la même conclusion. Pour Marx, l’objectif était la création d’une société dans laquelle la relation métabolique (c’est-à-dire la production) entre l’humanité et la nature est rationnellement régulée par les producteurs associés. Le titre original de mon livre auquel tu fais référence aurait du être « Marx et l’Ecologie », mais je l’ai changé pour « Marx écologiste » vu la profondeur des conceptions écologiques de Marx.

Je pense qu’une approche marxiste critique, particulièrement à notre époque, requiert une cosmovision écologique, tandis qu’une écologie humaine critique requiert en dernière instance une orientation anticapitaliste et socialiste (c’est-à-dire marxiste). Quand au travail commun que les marxistes et les écologistes peuvent partager, je dirai que c’est la justice sociale et le respect des équilibres environnementaux : sauver l’humanité et sauver la planète. On ne peut pas attendre pour obtenir l’un sans l’autre et il n’est pas possible de le faire dans le système actuel. (...)

La lutte contre le changement climatique semble un peu abstraite à première vue. Comment pouvons-nous organiser des campagnes contre le changement climatique ayant un impact réel ? Qui doit les promouvoir ?

Le changement climatique et la crise écologique planétaire dans son ensemble, qui est plus vaste encore, représente la plus grave menace que la civilisation matérielle et, de fait, l’humanité, aient dû affronter. Si nous ne changeons pas de cap, nous risquons de voir la disparition de la Terre en tant que planète habitable pour la majorité des espèces vivantes d’aujourd’hui. Mais, comme tu le dis, cela semble un peu abstrait.

Les gens ne peuvent pas le sentir, vu que cela ne se reflète pas de manière constante dans les conditions climatiques à court terme, au quotidien ou même sur une saison. En outre, ce n’est pas un problème qui grandit peu à peu et doucement, il s’accélère au contraire avec toute une série de points d’inflexion et provoque des changements irréversibles. Ainsi donc, la marge de temps pour l’action est très courte et requiert un certain niveau d’entendement sur ce qui est en train de se passer.

Il existe aujourd’hui parmi les scientifiques une certaine unanimité sur la menace, bien que ce ne soit pas dans tous les détails. Il y a très peu de ces gens faisant autorité qui nient la véracité du réchauffement global et leur « science » a été réfutée à plusieurs reprises. Mais l’opinion qui nie ce changement apparaît constamment amplifiée dans les médias, à cause du pouvoir de la classe capitaliste qui considère toute action destinée à affronter le problème comme une menace pour ses intérêts immédiats.

Les gens sont donc plongés dans la confusion et ne savent que penser. En outre, ils sont frappés par d’autres problèmes matériels qui semblent plus immédiats : la stagnation économique, la récession extrême actuelle et les effets destructeurs de la politique néolibérale. Les travailleurs voient comment leur niveau de vie économique décline et ils sont préoccupés par leur emploi, avec un nombre croissant de chômeurs et de pauvres. Il est difficile par conséquent de se concentrer sur quelque chose d’apparemment aussi nébuleux que le changement climatique.

S’il faut chercher une révolte massive d’en base sur ce terrain, je crois qu’elle émergera en premier lieu non du centre mais bien de la périphérie du monde capitaliste. Arnold Toynbee, dans ses études sur l’Histoire, parle d’un prolétariat interne et d’un autre externe. Sur le changement climatique, ainsi que dans les révoltes contre le capitalisme en général, c’est le prolétariat externe qui jouera le rôle principal.

J’ai signalé dans mes derniers écrits la possibilité de ce que j’ai appelé un « prolétariat de l’environnement ». Les personnes les plus opprimées dans le monde, qui n’ont rien à perdre, se trouvent sans cesse plus dans certaines régions du Tiers-Monde qui sont et seront les plus affectées par les effets du changement climatique. C’est particulièrement évident avec la conséquence de la montée du niveau de la mer dans le delta du Gange et du Brahmapoutre au Bangladesh et en Inde ainsi que dans les terres basses fertiles situées le long de l’Océan Indien et de la Mer de Chine, dans l’état du Kérala en Inde, en Thaïlande, au Vietnam et en Indonésie.

Certaines régions, comme le delta des terres basses du fleuve de la Perle en Chine, correspondent aux zones qui connaissent le développement le plus rapide (dans ce cas-ci, la région industrielle de Guangdong, de Shenzhen à Guangzhou) et aussi les contradictions de classe les plus aigües. Ainsi, les épicentres mondiaux de la lutte environnementale et de la lutte des classes pourraient coïncider et fusionner.

Il y a deux types de signaux qui indiquent que les bases matérielles de la lutte sociale sont en train de se transformer. Cela est démontré par les guerres de l’eau, des hydrocarbures et de la coca en Bolivie, qui ont contribué à l’arrivée au pouvoir d’un mouvement politique socialiste et indigène.

Même dans les centres du système, les écologistes sont en train de mener à bien une grande quantité de luttes, en particulier le jeune mouvement pour la justice climatique. Bien qu’il n’y ait pas actuellement d’indices d’une révolte d’en bas des travailleurs, et malgré le fait que le mouvement syndical semble être totalement inactif aux Etats-Unis – en particulier dans le contexte de détérioration de l’économie (et de l’environnement) -, il y a quelques espoirs que les luttes reposant sur la communauté, le travail et l’environnement génèrent un nouveau contexte pour le changement. Il faut espérer que quelque chose comme le prolétariat environnemental émergera éventuellement dans le centre également. Si tu lis des œuvres classiques comme « La condition de la classe laborieuse en Angleterre » d’Engels, cela te donne une idée de l’importance fondamentale des luttes environnementales dans la formation de la classe ouvrière anglaise à cette époque classique et dans des formes qui contredisent l’étroite vision productiviste.

La vérité, c’est que, quand il s’agit des contradictions duales représentées par les échecs économiques et environnementaux du système, seuls les socialistes sont capables d’intégrer efficacement ces deux problèmes. Seuls les matérialistes historiques peuvent pleinement incorporer une théorie et une pratique qui reconnaissent qu’il ne s’agit pas de questions séparées, qu’elles ont au contraire une base commune dans le mode de production capitaliste. De fait, je crois que nous assistons à une convergence croissante des visions d’avenir socialistes et écologistes, dans une voie qui nous conduit dans une direction beaucoup plus révolutionnaire que dans le passé.

Mais nous ne devons pas verser dans un optimisme aveugle. Car tout cela requiert aussi une organisation. Et il y a de grands dangers, comme la croissance de l’écofascisme ou des tactiques dilatoires des gouvernements, qui pourraient signifier « la ruine conjointe des classes belligérantes ».

Comment pouvons-nous promouvoir la justice environnementale sans affecter la classe travailleuse ?

On pourrait aussi se demander « comment ne pas fomenter la justice environnementale sans affecter la classe travailleuse » ? Une des premières œuvres sur la justice environnementale est, comme je l’ai déjà signalé, celle d’Engels sur la condition de la classe laborieuse en Angleterre, qui s’est centré sur la manière dont la classe travailleuse était soumise à des conditions de vie toxiques, avec ses conséquences en termes de santé, et en cherchant la forme sous laquelle ceci avait affecté les divisions de classe et la structure urbaine.

Ces préoccupations faisaient partie de la lutte de la classe travailleuse dès ses débuts. La justice environnementale inclut aussi la santé et la sécurité dans les entreprises – et dans un sens plus large de ce qu’on entend généralement par là, en incluant des questions comme la durée du temps de travail, l’intensité des cadences, etc. C’est le développement d’un mouvement syndical de « services » et sa segmentation abandonnant d’autres aspects qui concernent pourtant eux aussi la classe travailleuse qui a fait qu’on imagine que le mouvement ouvrier ne peut se centrer que sur des questions très restrictives et séparées de la justice environnementale. En réalité, cette dernière mesure l’inégalité subie par les gens dans les multiples domaines matériels de la vie.

Bien entendu, l’injustice environnementale aux Etats-Unis est vue, de manière compréhensible, comme étant liée à une question de « race », et peut être d’une manière plus forte que comme une question de classe, vu que son impact majeur repose principalement sur les personnes et les communautés qui sont l’objet d’un « racisme environnemental ». Comme on le sait, les résidus toxiques sont plus souvent l’objet d’un dumping dans les communautés de couleur. On est ainsi souvent confrontés à l’idée erronée qu’il s’agit strictement d’un problème de « race » et non de classe. Ce qui est souvent implicite ici aussi, c’est la notion fausse selon laquelle la classe ouvrière est blanche et que, s’il s’agit d’un problème qui affecte principalement les Indiens, les Noirs, les Latinos et les Asiatiques, cela signifie alors que ce n’est pas un problème de classe. Pourtant, la classe travailleuse aux Etats-Unis est précisément majoritairement composée par les dénommées « minorités raciales ».

Cela n’a donc aucun sens de dire que la classe travailleuse est blanche, comme certains le supposent. La justice environnementale est donc bien à la fois une question de « race » et de classe (et aussi de genre). Elle pose des questions que le mouvement ouvrier contemporain, avec sa position limitée de « négociateur » et avec les divisions « raciales » qu’il a souvent contribué à perpétuer, n’est pas très bien équipé pour affronter. C’est un mouvement socialiste de la classe travailleuse qui pourra aborder la question avec plus de facilité.

Est-ce que l’imposition des industries polluantes constitue une solution ?

Si tu te réfères à une solution définitive, la réponse est non. L’unique solution réelle est de se débarrasser du capitalisme et de créer une société égalitaire et soutenable à charge des producteurs associés. Mais nous devons affronter le fait que le problème de l’environnement, y compris le changement climatique, est en train de s’accélérer. Il s’agit d’une question de survie pour l’humanité et pour la majorité des espèces qui peuplent la Terre.

La marge de temps pour agir si nous voulons éviter une détérioration environnementale irréversible est incroyable courte, c’est une question d’une génération plus ou moins pour mettre en route un changement de cap drastique. C’est du moins ce que la science nous dit aujourd’hui. Dans ces circonstances, nous avons besoin de réponses radicales à court terme et d’une révolution écologique à long terme. Les premières doivent aider à promouvoir les conditions pour la seconde.

A court terme, nous avons besoin, et j’en suis convaincu, d’un impôt sur le carbone comme celui proposé par James Hansen : un impôt progressif mensuel sur les puits de pétrole, les mines, etc., et avec un taux de 100% des revenus ainsi collectés qui soient dirigés vers la satisfaction des besoins des populations. Comme le dit Hansen, l’objectif est de garantir dans la mesure du possible que cet impôt sur le carbone s’impose dans la production et qu’il retombe sur ceux qui ont l’empreinte carbone la plus importante (surtout les riches). Pour sa part, la majorité de la population sortirait gagnante avec la distribution de ces fonds, vu que son empreinte est inférieure à la moyenne par habitant.

Ni le capital ni les gouvernements contrôlés par le capital n’auraient le contrôle de ces revenus, qui reviendraient directement à la population. L’application de cette mesure dans le type de société que nous connaissons serait évidemment difficile. Mais si elle est comprise comme étant à la fois nécessaire pour la protection de la Terre (en augmentant le prix du carbone) et comme une forme de redistribution des richesses favorable à ceux d’en bas, elle pourrait bénéficier d’une grand soutien populaire.

Le fait est que, tant que nous sommes dans une société capitaliste, la voie fondamentale pour le contrôle d’un produit polluant – et, malheureusement, le dioxyde de carbone est devenu cela – sera l’augmentation de son prix. Des formes politiques de régulation plus directes doivent également être utilisées, bien entendu. Il faut, par exemple, interdire la construction de centrales à charbon tant qu’on ne dispose pas d’une technologie permettant de « séquestrer » leurs émanations (et il y a actuellement toutes sortes d’obstacles à cela), et celles existantes doivent être éliminées. Mais pour parvenir à cela à l’échelle nécessaire, il faut une révolution écologique générale qui bouleverse à la fois la manière avec laquelle nous produisons et nous consommons ainsi que la forme d’organisation de notre société.

Existe-t-il une solution collective possible à la crise écologique au sein de ce système (énergies renouvelables, amélioration des transports publics, fin des grandes infrastructures…) ?

Encore une fois, il n’existe aucune solution définitive à l’intérieur de ce système. Mais nous pouvons promouvoir des réformes collectives de l’intérieur du système, ce qui va à l’encontre de sa logique et jouera un rôle important dans la transition vers un autre système contrôlé par les gens. La nouvelle société surgira de l’intérieur de l’ancienne. Fred Magdoff et moi avons discuté en détail du problème du capitalisme et de l’environnement dans un article de mars 2010 de la « Monthly Review », intitulé « What Every Environmentalist Should Know About Capitalism » (« Ce que tout écologiste doit savoir sur le capitalisme »).

Le point essentiel, qui requiert évidement une élaboration, c’est le fait que le régime du capital repose sur la création de valeur de manière auto-expansible. Pour son existence même, le capitalisme requiert une croissance économique constante et, de manière plus explicite, une accumulation de capital constante. Ce système peut être jusqu’à un certain point très clairement efficace dans la stimulation de la production et dans le développement économique. Mais il est également très exploiteur et, en dernière instance, il conduit à la destruction des conditions environnementales nécessaires à l’existence. L’unique solution réelle, sociale et écologique, est une société non centrée sur la croissance économique en soi, mais bien sur le développement humain soutenable.

Quelles que soient les mesures introduites pour moderniser le capitalisme et le rendre « écologique », le système requiert une croissance constante de la production. Si on remplace le transport privé par des transports publics, si on introduit les énergies renouvelables et adoptons d’autres mesures collectives, tout cela peut aider. Mais ces mesures tendent à être limitées vu l’objectif global d’accumulation du système. Le passage aux ressources renouvelables, par exemple, est important. Mais, pour cela, on a précisément besoin d’un système qui permette leur renouvellement. Ce qui n’est pas le cas du capital qui repousse sans cesse toutes ces frontières et limites.

Cela ne signifie pas qu’il faudrait renoncer à la promotion de solutions plus sociales, collectives et publiques. Mais nous devons reconnaître qu’en allant toujours dans cette direction-là, cela signifie aller toujours à l’encontre de la logique du système et que cela nécessite une organisation radicale. Nous parlons donc de créer, en partie à l’intérieur du capitalisme, l’infrastructure pour un type de société différent.

Avec une pression constante d’en bas, on peut conquérir certaines choses, tant que cela n’affecte pas substantiellement l’objectif d’accumulation du système. Mais si ce dernier est mis en péril, c’est l’accumulation du capital qui va l’emporter et il est probable que les petites victoires nous seront arrachées. L’unique réponse – et pas simplement posée comme une question de justice, mais aussi de survie – est de pousser les choses au-delà de ce que le capital est disposé à accepter ; autrement dit, promouvoir les besoins humains et collectifs au-delà de ce qu’on appelle le système de « marché ». Dans ce cas, si nous allons suffisamment loin que pour marquer une différence réelle, il s’agit alors d’une révolution écologique et sociale et d’une transition vers un autre type de société.

Certains mouvements sociaux croient qu’il est possible de vivre en marge du capitalisme. Crois-tu que c‘est possible ou bien que cela ne conduit qu’à une atomisation de l’opposition ?

Le socialiste nord-américain Scott Nearing, qui a écrit pendant de nombreuses années une rubrique dans la « Monthly Review », a été l’un des penseurs les plus influents de l’autosuffisance et du soutien au mouvement paysan. Il ne fait aucun doute que ce type de séparation individuelle vis-à-vis de la logique principale du système et ses effets (un mode de vie en dehors du système) constitue une sorte de résistance passive – mais une résistance tout de même.

Tout au long de l’histoire de l’humanité, face à des systèmes répressifs, des êtres humains ont décidé de « retourner à la terre » et de cultiver leurs propres potagers, pour ainsi dire. Cela peut représenter une forme de cure ou de regroupement. Bon nombre de ceux qui ont été dans cette direction générale ont été des pionniers dans les alternatives d’agriculture, y compris l’agriculture écologique, pour une agriculture ayant un soutien communautaire.

Nous ne devons pas sous-estimer l’impact que ces actions peuvent parfois avoir en créant des alternatives fondamentales pour le développement d’une nouvelle société qui se niche d’abord dans les interstices du système. Mais la véritable lutte pour créer une nouvelle société requiert, en outre, la résistance active et l’organisation politique : une révolte directe contre les rapports sociaux de production existants. Aussi, les forces accumulées pendant une période de « retraite » doivent faire partie elles aussi d’une telle résistance active.

Se retirer complètement d’un système capitaliste globalisé est en grande partie une illusion. Il est intéressant de noter comment Nearing combine sa vie en autarcie avec une résistance continue et active. Il a travaillé à partir des deux extrêmes. Nous avons aujourd’hui besoin de personnes qui sont actives dans leur résistance. Si elles peuvent combiner cela avec diverses formes visant à se libérer du système, c’est encore mieux.

Le mouvement pour la décroissance promeut des initiatives individuelles et collectives dans la recherche d’alternatives au capitalisme. Quelle est ton opinion sur lui ? Comment pouvons-nous décroitre globalement à l’intérieur du système capitaliste ?

On ne peut pas. Le capitalisme repose sur l’accumulation ; il s’agit d’un système où l’alternative se résume à « croître ou mourir », et cela à une échelle sans cesse plus globale. Quand il n’y a pas de croissance économique, et en particulier de croissance du taux de profit, les choses déraillent et le système entre en crise, comme aujourd’hui. Et cela se traduit par un chômage massif.

Il y a tout un tas de bonnes choses à dire sur le mouvement pour la décroissance. Cependant, il repose sur le présupposé irréel selon lequel un état stationnaire serait possible, autrement dit une économie de croissance zéro. Il s’agit là tout simplement d’un malentendu quant à la nature réelle du capitalisme. Comme l’a écrit l’économiste Joseph Schumpeter, le capitalisme sans croissance est une contradiction en acte. Il est exact que nous avons besoin d’une nouvelle structure économique centrée sur l’autosuffisance. Une réduction générale de la production économique au niveau mondial et en particulier dans les pays riches pourrait s’accompagner de progrès dans le développement humain soutenable, dans l’amélioration des conditions de vie réelles de l’humanité, en passant d’un individualisme possessif au collectivisme. Mais pour qu’une telle chose soit possible, il faut une économie socialiste.

Si l’alternative au capitalisme est une économie démocratiquement planifiée, comment devrait-elle fonctionner pour inclure les questions écologiques ?

Je crois que nous devons rappeler l’avertissement de Marx dans « Le Capital » sur le fait « d’écrire des recettes de cuisine pour les marmites du futur ». Ce serait une erreur que de tenter de décrire le plan détaillé d’une société socialiste et la manière dont elle intègrera les questions écologiques.

Cependant, je crois que Paul Burkett a brillamment démontré dans un article intitulé « Marx’s Vision of Sustainable Human Development » (« La vision de Marx sur le développement humain soutenable »), en octobre 2005 dans la « Monthly Review », que la notion de Marx du communisme reposait sur un développement humain soutenable et que c’est uniquement en ces termes que nous pouvons comprendre comment devrait fonctionner une société de producteurs librement associés qui régulent leur métabolisme avec la nature.

Hugo Chávez avait définit la lutte pour le socialisme du 21e siècle en termes de « triangle élémentaire du socialisme ». En accord avec cette conception, dérivée de Marx, le socialisme consiste alors en : 1) la propriété sociale des moyens de production, 2) la production sociale organisée par les travailleurs et 3) la satisfaction des besoins sociaux.

D’après moi, on peut aussi parler d’un « triangle élémentaire de l’écologie », découlant directement de Marx et qui mène la lutte à un niveau plus profond. Il peut être défini comme ; 1) l’usage social – et non la propriété – de la nature, 2) la régulation rationnelle par les producteurs associés du métabolisme entre les êtres humains et la nature et 3) la satisfaction des besoins sociaux, non seulement des générations actuelles, mais aussi de celles du futur.

Source :
http://www.enlucha.org/site/?q=node/2190
Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

(*) http://www.contretemps.eu/lectures/bonnes-feuilles-marx-%C3%A9cologiste-john-bellamy-foster

Aleix Bombilà

Auteur pour le journal anticapitaliste espagnol « En Lucha ».

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