Édition du 17 décembre 2024

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International

Amérique Latine

Toujours dans le collimateur de « l’Oncle Sam »

Les Etats-Unis d’Amérique ont proclamé depuis le XIX° siècle que l’Amérique latine était leur « arrière cour » (Doctrine Monroe). Après plus d’un siècle d’interventionnisme (notamment en Amérique centrale et dans les Caraïbes), après leur soutien direct et indirect à plusieurs dictatures au nom de la Doctrine de la sécurité nationale et de la lutte contre le communisme, auraient-ils mis fin à leur pratique d’ingérence dans la région ?

Nouvelles stratégies impériales

Dans la période qui suit la guerre froide, la chasse gardée latino-américaine n’apparaissait plus dans les priorités immédiates de Washington. Lors des années 1990, les Etats-Unis dominent sans avoir, semble t-il, en face aucun adversaire : la gauche révolutionnaire a été écrasée ou neutralisée par le terrorisme d’Etat ou les guerres civiles ; Cuba est enlisée dans sa « période spéciale » et une grave crise économique à la suite de la défection de l’URSS. Seuls subsistent, au rang des menaces dites « non-conventionnelles » selon le Département d’Etat, la délinquance organisée, le trafic de drogue et d’armes, les migrations Nord-Sud. Depuis la Guerre du Golfe en 1991 et, surtout, le 11 septembre 2001, le Pentagone a les yeux rivés sur le Proche et le Moyen Orient. L’importance des ressources humaines, militaires et les centaines de millions de dollars mobilisés en Irak et en Afghanistan accentuent indéniablement cette tendance de la géostratégie états-unienne enlisée dans ces « nouveaux Vietnam ».

De plus, ces dernières années, les projets des Etats-Unis sont largement bousculés au sud du río Bravo. Outre l’apparition de gouvernements aux accents nationalistes ou anti-impérialistes, le projet d’une grande Zone de libre-échange des Amériques (ALCA en espagnol) lancée par Bill Clinton en 1994, à la suite de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), a échoué. Ce vaste marché, sous contrôle de l’oncle Sam, qui devait entrer en vigueur en 2005, s’est heurté à la résistance des mouvements sociaux (Campagne continentale contre l’ALCA), mais aussi aux réticences des bourgeoisies des grands pays du Marché commun du Sud (MERCOSUR) comme au refus de la Bolivie et du Venezuela bolivarien. Cependant, le mode de domination impérial a su également s’adapter… Dès les années 90, il s’est paré des attributs de la défense de la démocratie et du marché basé sur les préceptes du « consensus de Washington » : libéralisation, privatisation, dérégulation et respect de la propriété privée. Telle a été la ligne suivie depuis : aux interventions militaires trop voyantes a été privilégié une hégémonie économique et le déploiement de tout un arsenal idéologique et institutionnel, habillé des oripeaux de la démocratie libérale, de la coopération internationale et du droit d’ingérence « humanitaire » (tactique dont l’Agence américaine pour le développement international -USAID- est un des parangons).

Les gouvernements des Etats-Unis (qu’ils soient démocrate ou républicain) ont ainsi poursuivi leur politique économique néocoloniale grâce à la multiplication de traités bilatéraux de libre commerce (TLC), avec l’Amérique centrale, la République dominicaine, la Colombie (traité en discussion au congrès), le Nicaragua, le Pérou et auparavant avec le Chili. Ces traités permettent de renforcer la soumission de nombreux peuples, travailleur-euse-s et territoires au bon vouloir des multinationales du Nord, tout en intégrant toujours davantage les économies latino-américaines dans des relations de dépendance, notamment en ce qui concerne l’exportation de leurs matières premières, minerais, produits agricoles, etc...

L’Union européenne a d’ailleurs emprunté la même voie expansionniste, puisqu’elle est devenue le premier investisseur étranger en Amérique latine (devant les USA) et un acteur important dans les processus de privatisation-transnationalisation du système financier et de l’or bleu (l’eau). Elle a aussi su imposer des traités et « accords d’association », qui comme ceux des Etats-Unis, alimentent les résistances des populations car cette expansion du capital transnational a des conséquences non seulement sur les systèmes politiques de la région, mais a aussi des effets de destruction écologique et de déstructuration sociale inédits par leur ampleur. Ainsi, la récente révolte des communautés indigènes natives de l’Amazonie péruvienne, réprimée dans le sang par le gouvernement d’Alan Garcia, est avant tout un refus de la marchandisation de la forêt, due aux TLC signés avec les Etats Unis et avec la Chine, et prévue dans l’Accord d’Association bilatérale avec l’Europe.

Expansionnisme militaire

Cette logique est accompagnée d’un volet militaire. De fait, la présence yankee s’est diversifiée et modernisée. Ceci passe par le projet de création d’une « force militaire sud-américaine » contrôlée par le Pentagone (sorte « d’ALCA militaire ») ou par l’influence omniprésente du commandement Sud de l’armée des Etats-Unis, aujourd’hui basé à Miami. L’ogre du Nord participe activement à l’armement de certains pays, dont prioritairement ces deux principaux alliés stratégiques : le Chili et la Colombie. Cette dernière a une place de choix dans ce dispositif, en tant que quatrième destinataire d’aide militaire des Etats-Unis dans le monde. Le plan Colombie est un véritable plan de guerre contre-insurrectionnel dissimulé en « guerre à la drogue ». « L’Initiative Merida » (appelée plan Mexico par les critiques) est fondé sur le même modèle mais pour le Mexique et l’Amérique Centrale. De même, le plan Puebla Panamá, avec ses mégaprojets d’infrastructures pour relier, par des couloirs logistiques et biologiques, le Mexique et l’Amérique centrale, ainsi que l’« Initiative pour l’intégration de l’infrastructure sud-américaine » (IIRSA) participent à l’affirmation impérialiste dans la région. Le maintien de certaines velléités des USA -tout comme le changement relatif de période- ont, par ailleurs, été largement confirmées lors de la tentative de coup Etat, en avril 2002, contre le gouvernement d’Hugo Chavez, mais aussi lors du coup d’Etat le 28 juin dernier au Honduras. Au-delà des contradictions réelles au sein de l’appareil d’Etat états-unien et du changement de discours comme de tactique par l’administration Obama, on ne peut que constater que si les Etats-Unis ont déclaré, dans un premier temps, « illégal »le coup d’Etat, c’est pour ensuite appeler à la négociation avec le gouvernement de facto, tout en maintenant une partie de l’aide militaire à un pays qui avait été leur tête de pont dans la guerre contre la révolution sandiniste, dans les années 80… Le rôle joué par l’Union Européenne au Honduras n’en n’est pas pour autant moins ambigu, puisqu’on attend encore qu’elle se prononce contre toute élection qui serait organisée par le gouvernement putschiste ou qu’elle suspende son aide économique, et ce malgré l’ampleur de la répression du mouvement populaire.

Aujourd’hui, quatorze bases américaines sont installées en Amérique latine et Caraïbes. Elles sont situées sur les territoires de pays alliés, sauf Guantanamo à Cuba (base militaire américaine depuis 1903) et encerclent le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur. Le Pentagone ainsi que le Ministère de la Guerre des Etats-Unis viennent de décider d’en installer sept sur le sol Colombien, après l’initiative prise par le Président équatorien Rafael Correa d’ordonner la fermeture de la base aéronavale de Manta en Equateur. Cette dernière était le principal centre d’espionnage électronique et satellitaire du Pentagone en Amérique du Sud. Pour pouvoir maintenir son contrôle dans la région, l’administration d’Obama a renoué avec la doctrine de la Sécurité nationale, appelée aujourd’hui « Sécurité hémisphérique », qui propose d’isoler n’importe quel gouvernement qui contrarierait les intérêts de Washington, comme par exemple le gouvernement bolivarien au Venezuela (qui n’a pourtant jamais pratiqué d’expropriation majeure de capital transnational en 10 ans de « révolution bolivarienne »). En outre, l’armée US a réactivé la Quatrième Flotte en 2008, avec l’intention « de combattre le terrorisme », les « activités illégales », cette flotte vise un interventionnisme de type aéronaval et non terrestre. Tout cet ensemble correspond donc clairement à un message de guerre.

Plus que jamais, mettre en action notre internationalisme !

En France et en Europe, en tant que militant-e-s internationalistes, notre solidarité passe par le soutien aux revendications des travailleur-euse-s, des mouvements sociaux et des peuples indigènes d’Amérique latine et des Caraïbes qui luttent et exigent le retrait total des bases militaires étrangères sur leurs territoires. Nous appuyons particulièrement les revendications du Front national de résistance hondurien qui souhaite poursuivre le processus de démocratisation et de mobilisations entamé sous Zelaya (le président déchu) et appelle au maintien de la revendication d’assemblée constituante dans un pays où la Constitution est l’une des plus antidémocratiques au monde. Nous exigeons par ailleurs l’arrêt des persécutions et la libération de tous les prisonniers politiques qui résistent aux oligarchies locales alliées des impérialistes, ainsi que l’abolition de tous les traités qui menacent les peuples, leurs territoires et leur environnement. Nous participerons ainsi au contre-sommet organisé à Madrid, en mai 2010, durant le Sommet des chefs d’Etats d’Europe et d’Amérique Latine afin soutenir le combat unitaire des deux côtés de l’Atlantique contre les transnationales et les traités de libre-échange.

Source : Amériques Latines en lutte

Tiré du site du Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde.

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