Édition du 18 juin 2024

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Economie internationale

Souveraineté alimentaire vs Objectifs du millénaire

L’OMC ne peut rien faire car son mandat lui impose de ne considérer la question alimentaire qu’en fonction des profits des transnationales et des États les plus riches. C’est ainsi qu’elle va encourager le « dumping » alimentaire vers les pays du Sud pour ultimement détruire les productions agricoles locales incapables de lutter contre cette concurrence illégale.

Les chiffres comme toujours parlent d’eux mêmes. L’ Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, et le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) estiment qu’en dépit d’une certaine amélioration récente qui aurait permis de retomber sous le cap du milliard, 925 millions de personnes continueront à souffrir de faim chronique cette année, soit un recul de 98 millions par rapport au 1,023 milliard de 2009.

En bref, le nombre d’affamés dans le monde demeure inacceptable, tant humainement que politiquement.

J’écris ces lignes quelques minutes après l’ouverture du Sommet de New York ou Barak et ses amis doivent revoir leurs stratégies quant à la question de la faim dans le monde qui rappelons-le, est le premier des Objectifs du Millénaire qui engageait à réduire de moitié le pourcentage d’affamés de 20 à 10 pour cent d’ici 2015. Mais à cinq ans de la date butoir, ce pourcentage est toujours de 16 pour cent.

Même le directeur de la FAO, M. Jacques Diouf annonce que « la réalisation des objectifs de réduction de la faim convenus par la communauté internationale est gravement menacée », notamment, à cause des récentes hausses des prix alimentaires.

Hors, ils étaient bien davantage à Copenhague les scientifiques et hauts gradés des Nations Unies qui réclamaient haut et fort des décisions politiques de la Communauté internationale qui auraient permis de lutter efficacement contre les changements climatiques. Malgré ces position claires et une mobilisation populaire large, les décisions ont été bien peu nombreuses… bien évidemment, le seul enjeu qui vaille vraiment la peine d’être protégé, c’est « sacro-saint développement économique ».

À New York, la question de la faim dans le monde sera décortiquée en fonction des mêmes intérêts. Le Panel sur la faim positionne très clairement leurs débats : How can international commitments support national efforts to ensure food security ? Comment les compromis internationaux peuvent-ils soutenir les efforts pour atteindre la sécurité alimentaire ? Et donc, par exemple, comment l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) avec ces 1000 ententes de libre-échanges qui interdisent aux pays du Sud d’appuyer leur secteur agricole ou de fermer leurs portes au blé canadien peut soutenir les efforts pour atteindre la sécurité alimentaire dans les pays les plus pauvres ?

La réponse simple car l’OMC ne peut rien faire… au mieux. Elle ne peut rien faire car son mandat lui impose de ne considérer la question alimentaire qu’en fonction des profits des transnationales et des États les plus riches. C’est ainsi qu’elle va encourager le « dumping » alimentaire vers les pays du Sud pour ultimement détruire les productions agricoles locales incapables de lutter contre cette concurrence illégale. Et donc créer davantage de faim dans le monde.

Contre la faim : la souveraineté alimentaire

Plus de 70 pour cent des personnes les plus démunies, les affamés du monde survivant avec moins d’un dollar par jour - vivent dans les zones rurales. Cela représente un milliard d’êtres humains, dont quatre sur cinq pratiquent l’agriculture sous une forme ou une autre. Le fait que leur nombre continue d’augmenter même en période de supposée croissance économique indique lui aussi que la faim est un problème structurel et systémique. La seule lorgnette économique non seulement ne suffit pas à considérer l’ensemble des solutions éventuelles, mais davantage, le système capitaliste mondialisé actuel implique dans son essence que ce problème est insoluble !

La notion de souveraineté alimentaire donne aux populations le droit de définir leur politique agricole et alimentaire à partir des besoins des populations et de son environnement et non à partir de règles du commerce international. L’exemple récent des mouvements paysans haïtiens refusant la culture et l’importation des semences génétiquement modifiées de la compagnie MONSATO est venue nous rappeler qu’il est inacceptable qu’un autre pays (dans ce cas les USA) ou l’OMC, ou encore le système international « humanitaire » ne puisse imposer une doctrine qui ne soit pas basé sur la capacité d’une société de produire suffisamment pour ses besoins dans le respect de son environnement.

En clair, la notion de souveraineté alimentaire relocalise les productions agricoles près des consommateurs et donc réduit d’autant les coûts de transports (en plus de diminuer les émissions de gaz à effets de serre) et de conservation. Elle permet aux petits producteurs locaux de produire et distribuer à moindres coûts, sans concurrence illégale (subventionnée) internationale.

Cette notion donne aux paysannes et aux paysans un rôle central dans l’alimentation de la population de leur région. Elle leur recrée ainsi une légitimité sociale dont le système actuel les a souvent privés. La souveraineté alimentaire en effet s’oppose à la concentration actuelle du « pouvoir alimentaire » dans les mains de l’industrie et de la grande distribution. C’est au pouvoir politique de réguler la production, les marchés, la distribution en tenant compte de tous les acteurs de la chaîne alimentaire.

Enfin, la souveraineté alimentaire ne s’attache pas qu’à l’alimentation de la population actuelle, mais aussi à celle des générations futures, donc à la préservation des ressources naturelles et de l’environnement. C’est pourquoi il faut développer des modes de production agricole qui diminuent les émissions agricoles de gaz à effet de serre, favorisent la biodiversité et la santé.

J’ai lu et relu le programme du Sommet de New York… le mot souveraineté malheureusement n’y figure pas …

Tiré du Journal des Alternatives

Michel Lambert

Directeur général d’Alternatives.

http://journal.alternatives.ca

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