Michael, (pseudo pour sa protection) avait 21 ans, étudiaient le droit à l’Université autonome nationale du Honduras. Il était membre du Parti libre, parti de gauche. Avec ses amis, il avait participé à cette manifestation qui visait à bloquer une rue achalandée pour protester contre des allégations de fraudes lors de l’élection présidentielle de 2017. Ensuite, ils se sont arrêtés pour acheter des boissons et se sont assis en cours de route. Un camion portant les insignes de la police hondurienne est arrivé. Très vite ils ont été encerclés par des policiers militaires à la pointe du pistolet qui les ont obligés à prendre des poses pour des images incriminantes. Interviewé récemment depuis un lieu sécuritaire, Michael se souvient : « Nous ne faisions rien. Mais ils ont sorti 8 cocktails Molotov de leur véhicule, les ont déposés devant nous et nous ont dit de ne pas bouger sinon ils allaient tirer. Ils ont pris des photos, des vidéos avec nos noms inscrits dessus. Ils nous ont avertis que s’ils nous retrouvaient dans une autre manif, ils nous feraient disparaitre ».
Quelques heures plus tard, raconte Michael, des policiers militaires masqués de noir se sont présentés chez-lui ; ils le recherchaient. Il n’y était pas. Depuis il n’y est plus. Il craint trop ce qui pourrait lui arriver comme à sa famille. Ses parents ont versé 7,000$ à un coyote, un passeur pour qu’il puisse partir aux États-Unis. Il est maintenant engagé dans ce voyage ; il devrait pouvoir y rejoindre de la parenté. Mais il est malheureux d’avoir dû quitter l’école : « Ils m’ont volé tous mes rêves, celui d’étudier alors que ma mère se sacrifiait pour que me permettre de le faire. Tout ça pour rien ».
Michael fait parti des dizaines de milliers de jeunes qui sont descendus.es dans les rues pour protester contre la réélection de Juan Orlando Hernández du Parti national à la Présidence. Ils pensent que le candidat de l’opposition, La Allianza, Salvador Nasralla, a été frauduleusement privé de la victoire. Il s’agit d’un homme d’affaire populaire, commentateur de sport. Michael explique : « Nous protestons parce que nous sommes convaincus.es que notre Président c’est Salvador Nasralla. Nous savons très bien qu’il y a eut de la fraude et l’incertitude s’est installée au Honduras. La peur de la violence attachée à l’administration Hernandez soutenue par les États-Unis, pousse beaucoup de jeunes à chercher refugelà-bas. Si les États-Unis continuent à soutenir un gouvernement illégitime de narco trafiquants comme Juan Orlando Hernández, ils devraient se préparer à encore plus de jeunes migrants.es venant du Honduras ».
Avant l’assermentation de J.O. Hernandez, la police militaire et la police nationale ont lancé une vaste opération contre les militants.es. Ils sont allés de porte en porte pour rechercher ceux et celles qui avaient été identifiés.es comme les organisateurs.trices des manifestations qui bloquaient les centres urbains depuis l’élection.
Carlos, un jeune militant de 25 ans, de Villanueva Cortès, à pris part aux manifestations dénonçant les résultats de l’élection. Il raconte qu’un employé lui a dit s’être fait offrir 30,000 lempiras, (environ 1,300$ US) pour des informations afin de le retrouver. Les soldats avaient sa photo, son nom et celui de ses amis. Ils se sont aussi présentés chez-lui et questionné sa famille. Donc, Carlos (un pseudo) s’est caché : « Ils m’accusent d’incitation au désordre et au terrorisme » déclare-t-il en refoulant ses larmes. Avec son ami Ramiro (également un pseudo) un autre militant de Villanueva, qui vit aussi caché, ils cherchent des moyens de quitter le pays.
Ramiro, âgé de 21 ans, figurait sur la même liste que Carlos. Tous les deux sont allés se réfugier à l’ouest du pays, avec d’autres jeunes qui sont convaincus d’être en danger. Selon Ramiro, les soldats arrêtent des gens sans raison, sans justification.
Quand Ramiro est entré en clandestinité, il a laissé derrière lui son fils de 3 ans et sa femme. Mais lors de notre entrevue, ils sont arrivés en visite. (…)
Les jeunes représentent plus de 50% de la population hondurienne. Ils sont la cible non seulement de la police mais aussi de gangs violents. Beaucoup pensent que leur seule option est de quitter le pays.
Selon Michael : « La plupart d’entre nous ne voulons pas partir aux États-Unis ; nous aimons notre pays. Mais si nous ne partons pas, le gouvernement va nous tuer. Ils disent que nous sommes membres des maras, une organisation violente aussi appelé le Mara Salvatrucha ou Ms-13, mais nous ne sommes que des étudiants.es à l’Université ».
En plus, le chômage est endémique au Honduras. « Tout augmente, la nourriture, l’essence, et il n’y a pas d’emplois, déclare Jennifer, une jeune femme de 29 ans qui vit à Tegucigalpa. Elle a participé à une manifestation devant le Parlement : « Nous voulons du changement, nous voulons que le pays aille mieux ». Elle a demandé à ce que son vrai nom ne soit pas utilisé et raconte qu’elle a aussi songé à partir : « Ce n’est pas possible de vivre ici. La violence augment toujours, il n’y a pas d’emplois, pas de services de santé et pas d’éducation. Ce gouvernement n’a rien fait pour nous. Il n’y a pas de médicaments dans les hôpitaux, les écoles n’ont pas de matériel mais il y a de l’argent pour les gaz lacrymogènes pour réprimer le peuple ».
Lors de la première élection de J.O. Hernandez en 2013, la pauvreté touchait environ 64% de la population. Trois ans plus tard elle en atteignait 66%. La pauvreté est le facteur majeur de l’immigration vers le nord. La violence en est l’autre.
Marlon Ochoa, directeur de la campagne électorale de l’Alianza, analyse ainsi la situation : « La migration survient pour des raisons économiques et de sécurité. Mais aussi, en partie, parce que les projets d’extraction et de développement du gouvernement ont été imposés aux habitants.es. Pendant que les États-Unis disent fournir de l’argent pour diminuer les causes de l’immigration, en fait ils y contribuent ».
Une étude de la Asociación de Investigación y Estudios Sociales en 2016, montre qu’annuellement, entre 2009 et 2013, le nombre de migrants.es honduriens.nes a doublé en partance vers d’autres pays d’Amérique centrale, vers l’Europe et les États-Unis. On estime qu’en 2015, environ 375,000 honduriens.nes vivaient sans papiers aux États-Unis.
Et une autre étude du Pew Charitable Trusts démontre que le nombre de mineurs.es non accompagnés.es se présentant à la frontière américano-mexicaine à sérieusement augmenté en 2017. Quelques semaines après l’investiture (du Président actuel), la Honduran Radio America a publié un rapport où l’ambassadeur du pays au Mexique déclarait qu’on s’attendait à ce que jusqu’à 60,000 personne migrent chaque année.
Depuis le coup d’état de 2009 qui a renversé le Président démocratiquement élu, Manuel Zelaya, le Honduras est devenu lieu emblématique de la mise en place de tous les plans de développement voulus par Washington. Cela comporte les promotions pour les investissements étrangers dans les mines, les énergies et des projets de mégas infrastructures. Il y a eut une progression marquée de ces efforts depuis le coup d’état. Le gouvernement hondurien fait la promotion du pays en insistant sur son « ouverture au monde des affaires ».
Le Honduras est un allié de premier plan pour endiguer l’immigration vers le nord. Le Président Hernández a été parmi les premiers soutient au plan américain appelé Alliance pour la prospérité. Son but est de favoriser le développement en vue de faire cesser l’immigration vers le nord de l’Amérique centrale mieux connu sous son appellation militaire, le Triangle nordique.
L’administration Trump a poursuivi ce qu’avait fait celle de B. Obama, à savoir, se servir de l’Alliance pour la prospérité pour contenir l’immigration venant du Guatemala, d’El Salvador et du Honduras. Ce plan encourage les investissements privés dans la région, veut y améliorer la sécurité et lutter contre la corruption.
En février dernier, Rex Tillerson, (alors Secrétaire d’État américain) à fait un discours dans lequel il s’exclamait : « Le développement économique et la sécurité se renforcent mutuellement. Quand les gens vivent dans la pauvreté, la délinquance et le crime peuvent sembler la seule possibilité pour vivre. L’immigration légale et illégale augmente puisque la population cherche de meilleures chances ailleurs. Les innocents.es deviennent alors plus facilement les victimes des cartels de la drogue, des trafiquants d’humains.es et des policiers et gendarmes corrompus ».
Mais l’Alliance pour la prospérité a été vivement critiquée par les militants.es et les analystes. Tous et toutes soulignaient que ce plan fait peu pour résoudre les problèmes à la source de l’immigration. Quique Vidal Olascoaga des Voces Mesoamericanas à San Cristóbal de la Casas au Chiapas au Mexique, explique que : « L’Alliance arrive comme une bombe pour amoindrir les racines de l’immigration centroaméricaine. En réalité elle provoque une augmentation significative de la dépossession des terres dans les zones rurales et la criminalisation des protestations puisque les plans d’investissements sont considérés comme une priorité nationale. En fait il s’agit de protéger les investissements des compagnies américaines ».
Une des critiques souligne aussi que l’Alliance à surtout créé des emplois mal payés. Elle favorise des mégas projets qui contribuent au déplacement des populations et pousse ainsi à l’immigration.
La coordonnatrice de la Pastorale pour la mobilité humaine est Sœur Lidia Mara Silva de Souza. Elle est aussi membre de l’Ordre missionnaire scalabrinian. Elle considère que : « les États-Unis n’ont accordé aucune attention au développement et à la solidarité avec nos pays. Leur intérêt est d’y installer leurs grandes compagnies au plus bas prix possible ».
L’introduction de ces mégas projets a généré d’intenses conflits sociaux et de la violence contre les communautés qui résistent. L’assassinat de la militante reconnue Berta Cáceres en 2016, est une preuve de la volonté sans borne affichée par l’État hondurien de garantir ces projets. L’atmosphère de violence et de menaces qu’ils amènent dans la région contribue aussi à pousser la population à partir.
L’émigration vers les États-Unis et dans d’autres pays de l’Amérique centrale est aussi alimentée par ce même type de politiques et projets soutenus par les dirigeants.es américains.es.
Marcos (un pseudo) vit dans le village maya d’El Pojom dans le Huehuetenango au Guatemala. En 2017, il est parti aux États-Unis où il a trouvé un travail dans un restaurant du sud du pays. Il prévoit n’y rester que quelques années pour envoyer de l’argent à sa famille.
Entre temps, le gouvernement (guatémaltèque) à approuvé des plans pour l’introduction d’un projet hydroélectrique dans son village. Il a alors pensé qu’il était trop dangereux d’y retourner : « J’ai décidé de ne pas y retourner parce qu’il n’était pas clair que les supporters du projet ne me tuerait pas ».
Ce projet hydroélectrique est très controversé. Il fait parti du réseau de transmission du Système d’interconnexion électrique pour l’Amérique centrale. Tous les réseaux de la région sont interconnectés. C’est un élément fondamental des efforts américains pour contrôler le développement (de l’Amérique centrale) avec son Alliance pour la prospérité. Mais cela génère d’énormes conflits sociaux dans les communautés où les compagnies veulent construire les barrages nécessaires.
M. Olascoaga explique : « Depuis 7 à 8 ans, ces mégas projets sont devenus beaucoup plus sérieux. Ils coïncident avec la signature des accords de libre échange et la montée de la pauvreté parmi la paysannerie. Ils ajoutent aux discriminations historiques qu’on toujours subit les Amérindiens.nes, les descendants.es des peuples africains, les paysans.nes, les femmes et les enfants. Tout cela contribue à la montée de l’immigration ».
Les représentants.es du gouvernement américain soutiennent que ces projets vont améliorer les conditions économiques de la région et faire baisser les coûts de l’énergie. Rex Tillerson l’a dit dans son discours : « Nous avons la chance de développer un partenariat pour l’énergie qui s’étendra dans tout l’hémisphère occidental, au bénéfice de tous les citoyens et toutes les citoyennes. Nous ne pouvons nous permettre de gaspiller ce moment ».
Mais les résidents.es d’El Pojom ne croient pas que ce sera à leur avantage. Plus de 4,000 rédients.es de San Mateo Ixtatán (…) se sont mobilisés.es et opposés.es (au projet) de crainte de dommages environnementaux et d’évictions futures. Lors d’un référendum municipal en 2009, la population a rejeté tout projet du genre par une majorité écrasante. Mais la compagnie à poursuivi ses plans jusqu’à ce qu’elle soit forcée de temporairement suspendre ses opérations à cause de l’importance des protestations. La compagnie, Proyecto de Desarrollo Hídricos S.A. à tenté d’ouvrir un dialogue avec les résidents.es dans le but de mettre fin aux protestations.
Selon Marcos : « La police et les soldats protègent la compagnie ce qui rend les gens encore plus en colère. Peu importe que vous soyez un.e dirigeant.e ou non, dès que vous ouvrez la bouche pour exprimer votre désaccord, ils vous criminalisent ».
En janvier 2017, une manifestation a eut lieu près du site de construction. Des gardes de sécurité privés ont ouvert le feu sur les manifestants.es et ont tué Sebastián Alonzo Juan âgé de 72 ans. Peu après, l’épouse de Marcos a décidé d’aller le rejoindre aux États-Unis avec leur fille de 10 ans : « La situation se dégradait pour elles, explique Marcos. La police a été envoyée pour intimider les gens et elle lancé des gaz lacrymogènes contre la population. Notre maison a été touchée. Cela affecte les femmes et les enfants. Quand les militaires et les policiers.ères protègent la compagnie d’électricité, qui protège les citoyens.nes » ?
Le Guatemala fait parti des pays clés dans la stratégie avec laquelle les États-Unis ont longtemps tenté de promouvoir leur politique d’expansion de l’énergie. En février 2016, le Commandement sud des États-Unis a financé une étude conduite par le Corps des ingénieurs de l’armé américaine pour investiguer la possibilité d’employer l’armée guatémaltèque pour protéger et distribuer l’énergie. Le Corps des ingénieurs a refusé de nous parler des résultats de l’étude. Mais, avant cette étude, l’administration de l’ancien Président guatémaltèque, Otto Pérez Molina, avait installé un campement militaire dans un village isolé et avait ainsi contribué à la peur et à la colère liées au projet.
Pour Marcos comme pour les autres guatémaltèques, la violence à San Mateo Ixtatán rappelle les horreurs de la contre insurrection militaire au cours des années 1980. Durant ce conflit armé interne qui a duré 36 ans, plus de 200,000 personnes ont été tuées et on estime à 45,000 le nombre des disparus.es. Plus d’un million de Guatémaltèques ont été déplacés. Marcos et sa famille ont subit cette violence. En 1982 sont grand-père à disparu aux mains des militaires. Ses restes n’ont jamais été retrouvés : « Si nous sommes déplacés, où irons-nous ? Le gouvernement est contre nous et retourner au pays dans ces circonstances……je ne veux pas y retourner ».
Un message, un commentaire ?