La nuit s’estompe, le coq chante,
Et l’essaim d’ilotes s’abat comme une pluie,
Au soleil levant, sur les cannes battantes.
Machette à la main, l’outil asservit.
Les bâtons amputés, pesés et calculés
Pour des pesos saignants, pour des pesos manquants.
Les faucheurs fauchent, le sucre embauche.
Le soleil s’étonne car de son mirador,
À voir ainsi les ombres de ses ombres s’oblitérer, se corroder,
La canne lui semble la plus tranchante.
Le sucre embaume, faucheur d’hommes.
Résonnent alors les pleurs amers des deuils empruntés…
Veuves de la zafra, mères abandonnées,
Pleurent à la lune blanche une peine créole.
Les âmes du bateye abattu grondent tel un tonnerre lointain
Mais une main vide ne forme jamais qu’un poing.
Les yeux affadis portent un voile assassin.
Parfois le soir, à l’abri des champs,
Les enfants s’abreuvent silencieusement
À la sève des étoiles
Et se nourrissent inlassablement
À la brume des rêves.
Et demain, peut-être, le coq chantera
Un nouveau matin.