Medicare est le nom donné au système d’assurance-santé géré par le gouvernement fédéral des Etats-Unis au bénéfice des personnes de plus de 65 ans. Medicaid est un système d’assurance-maladie, créé en 1965, géré par les Etats et le gouvernement fédéral, pour apporter une aide aux personnes et familles ayant de très faibles ressources.
Comme l’explique, ci-dessous, Margaret Flowers, les deux partis ont une propension à la privatisation. Ce n’est pas qu’ils aient été « induits en erreur » ou qu’ils se soient « trompés de cible » : ils servent simplement les intérêts de leurs commanditaires.
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Les autorités à Washington n’ignorent pas combien les dépenses croissantes dans le domaine de la santé « ravagent » toute l’économie. Même si leur style rhétorique est différent, les projets budgétaires récemment élaborés aussi bien par les Républicains que par les Démocrates attribuent l’augmentation des dépenses de santé aux assurances Medicare et Medicaid. Les restrictions budgétaires ou la privatisation de ces importantes assurances publiques nous pousseront cependant sur une voie dangereuse. Les coûts de la santé continueront à augmenter, alors même que le nombre des patients qui n’auront plus les moyens de se soigner montera en flèche.
Les assurances Medicare et Medicaid devraient être totalement écartées du débat jusqu’à ce que l’administration ait le courage d’aborder les vraies raisons pour lesquelles « nos » coûts de santé augmentent, à savoir le contexte toxique crée par des assurances qui se trouvent entre les mains d’investisseurs et une industrie des soins soumise au profit.
Les dépenses de santé aux Etats-Unis sont les plus élevées du monde, et dans certains cas elles sont deux fois plus importantes que les dépenses d’autres pays industrialisés, alors que ces derniers aboutissent à une couverture presque universelle avec de meilleurs résultats que les Etats-Unis. Nos dépenses dans le domaine de la santé augmentent plus rapidement que la croissance du PIB (Produit intérieur brut), que l’inflation et que les salaires. Quelle que soit la perspective à laquelle on se place, c’est là une situation qui n’est pas viable.
En examinant les différents modèles de systèmes de santé qui existent aux Etats-Unis on peut constater que l’augmentation des dépenses est moindre pour les assurances Medicare et Medicaid traditionnelles (non privatisées) que dans le secteur privé. Ces assurances publiques sont nos assurances les plus efficaces et n’entraînent qu’environ 3% de coûts administratifs, alors qu’elles couvrent les populations les plus vulnérables et en moins bonne santé. Pour les assurances privées, les dépenses administratives et celles pour le marketing sont de 15% ou davantage. La pléthore d’assurances privées accroît encore les coûts et la complexité, les patients et les professionnels de la santé devant se débrouiller avec leurs règles arbitraires et changeantes.
Medicare et Medicaid sont les victimes du modèle actuel de financement du système de santé, fragmenté et axé sur le profit, ce qui a entraîné des prix élevés pour les services de santé et pour les médicaments.
Les assureurs privés du domaine de la santé sont, au fond, des strictes institutions financières conçues pour réaliser des profits en faisant obstacle, en niant et en restreignant l’accès aux soins. Ils n’ajoutent aucune valeur à notre état de santé. En fait, leurs pratiques ont pollué le financement des soins de santé en obligeant toutes les assurances à adopter leurs pratiques pour pouvoir « rester concurrentielles ». Elles ont également fragmenté le marché de la santé et ainsi la possibilité de négocier pour obtenir certains prix pour les biens et les services, ce qui a entraîné des produits pharmaceutiques et des interventions plus chères.
Le bon sens exigerait une suppression des assurances privées chères et dépensières et l’adoption d’un système de santé universel s’appuyant sur les points forts de Medicare, et qui pourrait négocier des prix raisonnables.
Il est contre-productif de discuter de coupes budgétaires pour Medicare et Medicaid avant d’avoir abordé les raisons de fond qui entraînent l’augmentation des coûts. Pourtant, aussi bien les Démocrates que les Républicains ont focalisé leurs projets de budget sur de telles coupes budgétaires.
Le projet de budget de Paul Ryan (républicain du Wisconsin) intitulé « Chemin vers la Prospérité » entraînerait une privatisation complète de Medicare avec l’introduction d’ici 2022 d’un système de coupons, ce qui obligera tous les seniors à contracter une assurance privée. Ce système de coupons n’étant pas conçu pour être indexé à l’augmentation des prix de la santé, les seniors devront avec le temps soit participer davantage de leur poche pour payer les primes d’assurance, soit opter pour des assurances plus étriquées qui les laisseront sans protection en cas de maladie ou d’accident graves. Presque la moitié des bénéficiaires de Medicare ont un revenu inférieur au double du seuil de pauvreté défini à l’échelle férale [pour un foyer de quatre personnes : quelque 21’000 CHF en 2009] et ne disposent donc pas de beaucoup de marge pour absorber un taux croissant des coûts de la santé.
La portée de Medicaid a été restreinte de manière significative dans le projet de budget de Ryan, qui prévoit de réduire les dépenses globales de cette assurance pour une somme de 800 millions de dollars sur dix ans et en modifiant le dispositif pour bloquer les subventions pour chaque Etat. Le blocage des dotations globales fera que chaque Etat continuera à subir des pressions économiques pour limiter le nombre de bénéficiaires de Medicaid et la quantité de prestations couvertes par cette assurance. Et à mesure que la couverture de Medicaid diminuera, les gens seront obligés soit de contracter une assurance privée par la voie des Health insurance exchanges [qui offriront un marché permettant aux individus et aux petites entreprises de contracter des assurances, éventuellement avec l’aide de subventions], soit de solliciter une exonération de primes, soit encore de subir les conséquences de rester sans assurance.
L’administration Obama soutient les coupes budgétaires de Medicare par la voie du Independent Payment Advisory Board (IPAB) qui est chargé de maintenir les dépenses de Medicare par tête d’habitant en-dessous d’un certain niveau, qui est réglé pour rester inférieur au taux actuel d’inflation des coûts de la santé. Plutôt que de prôner ouvertement une privatisation de Medicare comme le fait le projet Ryan, ce projet étranglera graduellement Medicare, laissant les seniors se débrouiller pour trouver des médecins pour les soigner.
En fait le IPAB a été créé dans le Affordable Care Act (ACA). Le projet de budget du président permettra à l’IPAB de réduire les coûts de Medicare. Les dépenses de Medicaid sont également visées par ce projet de budget.
Malheureusement, le Budget populaire (Peoples Budget) préconisé par le Congressional Progressive Caucus [Comité des démocrates progressistes, créé en 1991, a fait une proposition de budget pour 2012] entérine l’approche du président visant à tailler dans les dépenses de Medicare et de Medicaid.
Les coupes dans les budgets de Medicare et de Medicaid révèlent donc une tendance dangereuse à la privatisation des soins de santé aux Etats-Unis
Il existe une tendance croissante à pousser la population vers des assurances privées ainsi qu’une privatisation croissante des assurances de santé publiques. Au cours des dernières années, le nombre de personnes ayant accès à des assurances santé soutenues par les employeurs a diminué [étant donné les pertes d’emplois et les nouveaux contrats d’embauche], mais les profits des assurances de santé privées ont continué à augmenter dans la mesure où elles se mettent à fournir des assurances complémentaires ou nouvelles ainsi qu’à gérer des prestations pour les personnes ayant droit à Medicare ou à Medicaid.
Le ACA pousse davantage de personnes sur le marché des assurances privées en décrétant qu’à partir de 2014 tous les non-assurés n’ayant pas droit à une assurance santé publique devront contracter des assurances privées par le biais des Health insurance exchanges. En outre, le ACA versera des subsides pour l’acquisition d’une assurance privée en utilisant de l’argent public. [Ce système est, en partie, le résultat d’une étude du système suisse d’assurance-maladie effectuée par des membres de l’administration Obama.]
La moitié des assurés sous le régime de l’ACA sont à terme censés provenir d’une expansion du droit au Medicaid. Néanmoins le Département de la Santé et des Services humains a entraîné la caducité de l’expansion de la couverture de Medicaid autorisées par l’Etat. Un récent rapport de la Maison Blanche a également soutenu le droit des Etats à pousser leurs bénéficiaires de Medicaid en direction des assurances privées par le biais du système d’échanges d’assurance santé.
La privatisation du système de santé est une expérience qui a échoué aux Etats-Unis. Les Etats-Unis se différencient des autres nations en ceci qu’ils permettent à des firmes appartenant à des investisseurs de faire des profits aux dépens des souffrances et des vies humaines. Après quelques décennies, les résultats de cette expérience avec un modèle privatisé de financement de la santé sont clairs et frappants.
Les Etats-Unis connaissent les coûts de la santé par habitant les plus élevé, les prix les plus élevés pour les biens et services médicaux (avec des taux d’utilisation généralement plus faibles) et un manque de contrôle des dépenses pour la santé. Malgré des tentatives pour rafistoler la situation actuelle du système de santé, le nombre de personnes non assurées comme de celles qui n’ont qu’une couverture d’assurance de santé insuffisante – qui les laisse dépourvus des moyens de se procurer les soins nécessaires ou au risque d’échecs sur le plan médical – continue à augmenter. La quantité de souffrances et de décès évitables est plus élevée aux Etats-Unis que dans d’autres pays industrialisés.
En outre, il n’y a pas eu de gains significatifs en matière d’indicateurs de santé importants comme l’espérance de vie ou les taux de mortalité infantile et maternelle. Les inégalités existant dans le domaine de la santé continuent à croître, surtout pour ceux souffrant de maladies chroniques. Les employé·e·s dans le secteur de la santé continuent à ne pouvoir répondre aux besoins car les professionnels de la santé s’épuisent rapidement en essayant de travailler dans le contexte complexe et irrationnel de ce système de santé étatsunien.
Il est temps de reconnaître l’échec de ce modèle où c’est le marché qui commande dans le secteur de soins de santé et d’adopter une réforme globale et efficace de la santé. Un modèle « à l’américaine » pourrait se fonder sur l’assurance Medicare traditionnelle, soit un système avec un seul payeur pour tous ceux qui ont 65 ans et plus. Depuis ses débuts, il y a 45 ans, le Medicare a permis de sortir les seniors de la pauvreté et d’améliorer leur santé.
L’association Physicians for a National Health Program (médecins pour un Programme national de Santé) recommande un Medicare amélioré comme unique système de santé. Un tel système reprendrait les points forts de Medicare tels que sa couverture universelle, son efficacité administrative et la liberté pour les patients de choisir leur prestataire de soins, tout en corrigeant ses points faibles : tels que le manque de dotations globales qui fait qu’il faut payer certaines dépenses de sa propre poche et le faible taux de remboursement.
Aussi bien les Démocrates que les Républicains se trompent de cible lorsqu’ils préconisent le contrôle des coûts de Medicare et de Medicaid sans aborder les causes des coûts croissants de ce système de santé. Au lieu de calquer leur rhétorique sur celle des Républicains, qui en attribuent la responsabilité aux assurances publiques, les Démocrates devraient mettre en évidence les vraies causes de la crise des dépenses du système de santé, à savoir le modèle actuel, fragmenté et orienté vers le profit, et s’engager pour une assurance Medicare nationale améliorée pour tous. (Traduction A l’Encontre)
Margaret Flowers est membre du comité de Physicians for a National Health Program et pédiatre vivant à Baltimore. Elle fait également partie du comité de Healthcare-Now.