Le public rate le bateau
Le rapport d’analyse de l’Université du Québec en Outaouais présente plusieurs données intéressantes sur l’évolution des services d’aide à domicile depuis la réforme Barrette de 2015. La FSSS-CSN a apporté un soutien à cette recherche. De 2013 à 2019, le nombre d’heures de services d’aide à domicile de longue durée a cru de 168 % chez les fournisseurs privés, de 31 % au Chèque emploi-service (CES) et il a pratiquement stagné dans le secteur public (+4,3 %). Cette augmentation de la place du privé touche tous les services offerts, aussi bien auprès des aîné-es que des personnes en situation de handicap. Pendant ce temps, le secteur public se retrouve avec les cas les plus lourds et le manque de personnel entraîne une surcharge de travail permanente chez les travailleuses et travailleurs des CLSC.
« Avec la réforme Barrette et les coupes budgétaires des dernières années, nous avions de grandes craintes de voir la place du privé augmenter. Malheureusement, nous avions raison. Les besoins en services en domicile sont plus importants que jamais et le réseau public n’est pas au rendez-vous », explique Jeff Begley, président de la FSSS-CSN.
Quels effets pour les usagères et usagers ?
Les effets négatifs du privé dans les services d’aide à domicile sont bien documentés. Le récent sondage mené par la FSSS-CSN auprès des auxiliaires aux services de santé et sociaux (ASSS) apporte un éclairage sur les difficultés vécues sur le terrain. Parmi ces problèmes, les plus importants sont :
– Un taux de roulement beaucoup plus élevé.
– Des bris de services plus fréquents et une hausse des délais pour recevoir les services.
– La difficulté pour les intervenant-es du CLSC de faire les suivis du plan de soins et d’ajuster le niveau de services nécessaire.
– Le privé est un ghetto d’emploi féminin qui maintient des femmes dans de mauvaises conditions de travail et salariales.
La solution : une politique publique pour les pertes d’autonomie
Le Québec doit rapidement rattraper son retard dans les services à domicile. Une étude de l’IRIS publiée en 2017 indiquait que pour parvenir à répondre aux besoins de 40 % de la population touchée en 2021-2022, il fallait investir 4 milliards de dollars. Comme les investissements nécessaires n’ont pas été débloqués depuis, le retard du Québec se poursuit. Avec le dépôt du budget 2020, le gouvernement ne prend pas les moyens de rattraper le retard. La FSSS-CSN demande un plan rigoureux de prise en charge des pertes d’autonomies liées au vieillissement, ce qui doit mener au développement massif des services à domicile dans le secteur public.
« Miser sur le travail des ASSS et des équipes interdisciplinaires est la solution pour répondre aux besoins de la population et ajuster les services en cours de route. Face au manque de personnel dans nos CLSC, il est grand temps d’investir pour augmenter les heures au public et pour améliorer les conditions de travail et salariales. En améliorant les conditions de travail des milliers de femmes qui donnent des services à domicile chaque jour, le Québec pourra enfin donner les services là où les gens veulent les recevoir », de conclure Jeff Begley.
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