Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec solidaire et la pandémie : un suivisme à peine critique de la CAQ

Rater l'occasion de promouvoir dès maintenant l'alternative pro-climat

Dans sa lettre aux membres du 20 mars, la porte-parole du parti se vante d’avoir influencé le Premier ministre caquiste grâce à ses liens personnels avec lui. On peut certes admettre que QS ait servi de canal de transmission, un parmi d’autres, pour inviter la CAQ à prendre ou corriger certaines mesures. L’accès (problématique) à un numéro de téléphone central est une pratique très répandue. Idem pour plusieurs moratoires concernant des organismes directement contrôlés par l’État, comme la Régie du logement et Hydro- Québec, ou encore la nécessité d’obtenir un billet de médecin... quoique ignorée par des gestionnaires du CIUSSS de la Capitale-Nationale. On se réjouit de l’extension marginale du service de garde. On peut penser que le très nationaliste Premier ministre, sous pression des gens d’affaires concernés, n’a pas dû se faire tirer l’oreille longtemps pour inciter à acheter local... sans obligation. Obtenir, comme le fédéral et l’Ontario, le report du remboursement des prêts étudiants démontre plutôt l’affaiblissement du mouvement étudiant depuis 2012.

Il est par contre troublant que malgré la médiatisation récente de la violence souvent meurtrière contre les femmes par des (ex-)conjoints les liens « privilégiés » du parti n’aient pas valu une aide supplémentaire aux centres de crise et aux maisons d’hébergement, même pas le statut de service essentiel, étant donné que la promiscuité du confinement crispera le sexisme au sein des ménages. La porte-parole dit aux travailleurs de la construction « on doit vous soutenir, peu importe la situation » alors que le communiqué de presse précise : « arrêter les chantiers problématiques une semaine ou deux pour les mettre aux normes ». La porte-parole ferme-t-elle la porte entrouverte à la revendication clef d’arrêter complètement toutes les productions et services non utiles à l’immédiate reproduction sociale, et souvent carrément inutiles et anti-climat ? On passe sur son silence à propos de l’insuffisance des fonds de secours, la complexité et souvent la mise en oeuvre tardive des programmes de soutien du revenu, problème de l’heure souligné par un intense débat sur le principal Facebook privé lié au parti.

Le maximum permis par l’assurance-chômage (573$ par semaine) pour tous les gens sans travail

Ne faudrait-il pas prendre sérieusement en considération la proposition suivante des organismes populaires ontariens Fight for $15 and Fairness et le Workers ’Action Centre qui « demandent au gouvernement fédéral d’assurer un paiement minimum hebdomadaire de 573 $ pour tous les programmes de soutien financier pendant la pandémie, qu’ils soient administrés par l’entremise de prestations régulières et spéciales de l’assurance emploi,de l’Allocation de soin d’urgence ou de l’Allocation de soutien d’urgence à venir pour les travailleurs quin’ont pas accès à l’assurance-emploi. 573 $ est la prestation hebdomadaire maximale en vertu des règles actuelles de l’assurance-emploi. […] Le Canada - et les provinces - devraient suivre l’exemple du Québec qui fournit une aide hebdomadaire de 573 $ aux travailleurs qui doivent s’auto-isoler ».

Une telle allocation étendue à toutes celles et ceux privés de travail, quelle qu’en soit la raison et y compris pour tous les gens sans travail pré-pandémie, créerait un programme d’application rapide, peu bureaucratisé, sans humiliant test de revenu et surtout créerait une forte égalité-solidarité citoyenne contre laquelle japperait seulement le ±10% les plus riches. Pourrait s’y ajouter une aide spéciale déjà prévue mais plus généreuse aux familles avec enfants et une annulation temporaire des paiements hypothécaires et des loyers aux frais du capital bancaire et immobilier avec compensation pour les seuls petits propriétaires. Le financement du tout serait bien sûr aux frais principalement du capital financier soit les grandes entreprises et les grandes fortunes qui seraient contraints à assécher leurs fonds dans les paradis fiscaux essentiellement spéculatifs et rarement investis ou investis en fonction du seul profit qu’assure la production énergivore et polluante pour la consommation de masse.

Ce programme serait conditionnel à la seule disponibilité pour les tâches de soutien sanitaire et social pour celles et ceux qui le peuvent avec évidemment une compensation supplémentaire alignée sur ce qui est prévu par les conventions collectives appropriées. Ainsi se mettrait en place la base d’une société égalitaire de « prendre soin » des gens préparant le terrain à une réforme tout aussi égalitaire du système d’éducation et d’investissements massifs dans des infrastructures d’énergie, de transport, d’agriculture, de logement, d’aménagement urbain prenant en charge la dimension de « prendre soin » de la terre-mère.

Marc Bonhomme, 21 mars 2020
www.marcbonhomme.com ; bonmarc@videotron.c a

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