Le Duhaime nouveau
Éric Duhaime, qui fait ces jours-ci la promotion de son livre L’État contre les jeunes, n’était tout simplement plus reconnaissable. À croire qu’il s’était bourré de tisane avant de se présenter en ondes ??? Le porte-parole du Réseau Liberté-Québec, qui a déjà proposé le plus sérieusement du monde qu’on passe la hache dans tous les programmes sociaux, avait perdu son ton habituel d’exalté qu’on lui connaît.
En fait, Éric Duhaime était d’un tel calme qu’il a presque réussi à faire passer son adversaire, Jean-François Lisée, pour un gauchiste un peu trop « agressif »… L’homme paraissait si « doux » que même l’animateur Guy A. Lepage, oubliant la faiblesse de ses arguments, s’est senti obligé de se porter à sa défense. Pourtant, Duhaime a ressassé hier soir les mêmes âneries de droite qu’il nous a servies depuis déjà trop longtemps.
« Convertir » plutôt que « convaincre »
La force de Duhaime, il faut le reconnaître, est de répéter ses « supposées vérités » avec aplomb, avec la foi du nouveau converti, faisant du même coup oublier qu’il ne démontre rien. Comme tous les extrémistes de son espèce, Éric Duhaime n’en a cure de faire la preuve de ce qu’il dit. Il n’est pas là pour « convaincre » mais pour « convertir ».
Pendant que Jean-François Lisée s’adressait hier à l’intelligence des gens avec force arguments, Duhaime tentait plutôt d’atteindre les émotions du public en répétant ses « mantras populistes de droite ». Une fois encore, il a dénoncé l’étatisme, appelant à la privatisation de grands pans de l’État québécois. Il le fait en omettant cependant de dire que c’est justement l’interventionnisme de l’État qui tend à assurer une retraite dans la dignité, des soins de santé ou sociaux à tous les citoyens peu importe leur fortune, une éducation de qualité pour tous, des services de garde accessibles, etc.
La nouvelle stratégie de la droite libertarienne
Éric Duhaime s’est bien gardé d’élever la voix hier. Pourtant, ses propos n’ont pas été moins dangereux qu’à l’habitude. Peut-être même plus. En effet, alors que pratiquement personne ne s’identifiait à sa croisade contre les « communistes et islamistes imaginaires », la réaction risque d’être très différente quand il s’efforce, comme il le fait, d’engager les jeunes et les « baby-boomers » dans un conflit intergénérationnel. Depuis la sortie de son livre, Éric Duhaime a laissé dans son garde-robe son costume de grand défenseur du libre marché et des grandes sociétés, ce qu’il est toujours, pour revêtir son uniforme de champion des intérêts des jeunes. Et c’est extrêmement habile.
Éric Duhaime et sa clique du Réseau Liberté-Québec, constatant l’impopularité des idées de droite du Tea Party — idées qu’ils partagent — auprès de la grande majorité de la population, notamment les jeunes, ont choisi de changer de stratégie pour gagner des adeptes. Et comme l’a toujours fait la droite par le passé, on cache nos propres idées impopulaires pour se poser en défenseurs des uns contre les autres. Bref, la vieille stratégie de diviser pour régner.
Un conflit intergénérationnel au profit d’Éric Duhaime et de sa clique
C’est à cela que se résume l’approche de Duhaime avec L’État contre les jeunes. Il s’agit essentiellement d’un brûlot pour attiser et alimenter le conflit et l’envie entre les jeunes et les « baby-boomers ». Pour arriver à ses fins, pour convaincre les jeunes de livrer au marché les bienfaits de l’État-providence en les privatisant, Éric Duhaime les trompe en leur faisant croire que les « baby-boomers » sont en train de vider la caisse pour les laisser sur la paille. Il parle et parle sans cesse du fardeau de la dette, l’exagérant démesurément, pour laisser volontairement sous silence les actifs qui seront également légués aux jeunes, à la fois sur le plan personnel et sociétal, par des « baby-boomers » qui ont enrichi le Québec à tous les points de vue (Hydro-Québec, systèmes publics de santé et d’éducation, etc.).
Un Éric Duhaime beaucoup plus dangereux
Éric Duhaime a réussi un grand exploit hier sur les ondes de la télévision d’État. Plutôt que de vociférer comme un exalté, il a choisi de baisser le ton et de parler aux jeunes. Ce faisant, il a également démontré qu’il est beaucoup plus dangereux lorsqu’il délaisse l’agression pour se placer en mode séduction… bref, lorsqu’Éric Duhaime réussit à cacher et à faire oublier… le vrai Éric Duhaime.