Montréal, 12 juin 2019 - Le projet de loi 34 du gouvernement sur la tarification d’Hydro-Québec est inacceptable et rétrograde, selon le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) qui intervient régulièrement à la Régie de l’énergie. Il fait fi de toute logique économique et de toute notion de saine administration publique, tout en s’acharnant à démolir la régulation publique indépendante. En plus, il n’est que poudre aux yeux : les Québécois ne reverront pas leur 1,5 milliard $ en trop-perçu de sitôt. Et s’ils devaient être remboursés, les sommes devraient plutôt provenir du gouvernement qui a encaissé lui-même ces trop-perçus que d’Hydro-Québec, qui ne les a plus.
En effet, le gouvernement prévoit un gel des tarifs pour un an seulement et le remboursement d’une première tranche de 500 millions $ en provenance des montants cumulés dans les comptes d’écarts d’Hydro-Québec au 31 décembre 2019. Or, ces sommes représentent les trop-perçus (écarts de rendement) actuels. On veut donc prendre l’argent des clients d’Hydro-Québec pour rembourser l’argent qu’on leur a préalablement pris en trop !
Dans son projet de loi, le gouvernement décrète un gel des tarifs pour l’année à compter du 1er avril 2020 et prétend que ce gel se traduira par des économies d’un milliard sur une période de cinq ans. Or, qui peut dire s’il n’y aurait pas eu de gel de tarifs de toute façon ? Rappelons qu’en 2011 et 2012 les tarifs ont connu des baisses d’un peu plus de 0,4 %.
Pour le ROEÉ, cette décision apparaît parfaitement arbitraire et à très courte vue. Christian Simard, directeur général de Nature Québec et membre du ROEÉ, rappelle que « la Régie de l’énergie a justement été créée pour sortir l’arbitraire et le politique de l’établissement des tarifs ». Pour les années 2021 à 2024, le gouvernement propose des hausses de tarifs équivalentes à l’inflation. Ceci est un non-sens. Il n’y a aucun lien logique entre les tarifs et l’inflation, ceux-ci sont liés au remboursement des immobilisations et aux frais d’entretien du réseau.
Les grandes industries, cependant, recevront un beau pactole puisque leur tarif sera majoré sous le taux d’inflation. Conséquemment, cette politique affectera l’interfinancement au détriment de la clientèle résidentielle qui devra assumer une part encore plus grande année après année des coûts comparativement aux autres grandes industries.
Mais il y a plus encore. Alain Saladzius, président de la Fondation Rivières et membre du ROEÉ, rappelle que « pour le moment, tout porte à croire que les Québécois se feront vraisemblablement facturer une foule de frais illégitimes, comme le remboursement d’une somme de 35 millions de dollars qu’aura coûté le déversement de mazout aux Îles-de-la-Madeleine en septembre 2014, malgré le fait qu’Hydro-Québec ait reconnu sa responsabilité ». Puisqu’Hydro-Québec devra geler ses tarifs en 2020, il serait probable qu’elle doive couper dans l’entretien de son réseau pour compenser l’impact tarifaire de ce type de dépenses.
La Régie de l’énergie a le pouvoir de baisser, geler ou augmenter les tarifs en fonction de la preuve présentée. Elle assure également une certaine transparence du processus, approuve les immobilisations et les programmes commerciaux, composantes qui seraient retirées si le projet de loi 34 devait aller de l’avant. Les membres du ROEÉ soulignent que la participation des intervenants environnementaux et des groupes de consommateurs dans le cadre des requêtes tarifaires d’Hydro-Québec a permis d’éviter que celle-ci ne gaspille des centaines de millions de dollars et contribue à conserver de bas tarifs, par exemple en empêchant Hydro-Québec d’avoir recours inutilement à la centrale thermique de Bécancour en périodes de pointe de la demande. Le nouveau cadre réglementaire ne permettra pas aux intervenants et à la Régie de l’énergie d’exercer annuellement cette vigilance, ce qui, à terme, pourrait coûter cher aux Québécois.
Le ROEÉ, fondé en 1997, participe activement aux consultations et audiences de la Régie de l’énergie, ou auprès d’autres forums pertinents, afin de défendre de manière efficace le point de vue des groupes et organismes à vocation environnementale dans le domaine énergétique. Les membres du ROEÉ font connaître au grand public les enjeux soulevés à la Régie en les commentant et en sensibilisant sur la question environnementale dans le domaine énergétique. Le ROEÉ est composé de sept groupes environnementaux, soit l’Association madelinienne pour la sécurité énergétique et environnementale (AMSÉE), Écohabitation, la Fédération québécoise du canot et du kayak, la Fondation Rivières, Nature Québec, le Regroupement pour la surveillance du nucléaire et le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ). Le ROEÉ est favorable à une compétence complète de la Régie sur Hydro-Québec, incluant la distribution, la production, la planification intégrée des ressources et le processus public.
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