AS. Quel est votre bilan de la campagne présidentielle de 2016, de l’enthousiasme pour Bernie Sanders et de l’élection de Donald Trump ?
TM. Eh bien, à l’échelle globale, pays après pays, on voit une colère généralisée produite par le capitalisme. Par l’absence de qualité de vie, par l’inaptitude du système à répondre aux changements climatiques, à la crise des réfugié·e·s, au racisme et au sexisme.
Cette colère n’a pas de porte-parole issu clairement de la classe des travailleurs et des travailleuses. Alors, on assiste à une réponse provenant de l’aile blanche de la droite populiste sur la question du racisme. Et ça explique, en partie, pourquoi Trump a gagné les élections.
Mais, d’un autre côté, on voit croître une aile de gauche populiste qui aspire à une représentation politique de la classe ouvrière. Je pense que c’est fondamentalement ce qu’a représenté la campagne de Sanders en 2016 et ce qu’elle représente pour 2020.
Il faut rappeler que Trump n’a pas été élu par un vote massif de la classe ouvrière. Il avait derrière lui une partie importante de la classe capitaliste – pas la majorité, mais une partie importante.
Celle-ci l’a soutenu en 2016 et continue de le soutenir. Il a gagné un vote fort d’une partie de la classe moyenne. Une section de la classe ouvrière blanche, qui a vécu la désindustrialisation dans le Midwest, a voté pour Trump. Ces travailleurs et ces travailleuses n’arrivaient pas à voir dans Hilary Clinton une réponse à leurs problèmes. Voter pour Trump était donc un gros pied de nez à l’establishment. Et ces électeurs et électrices ne pensaient pas nécessairement que Trump allait gagner.
AS. Comment expliquez-vous le choix de Sanders de se présenter sous la bannière du Parti Démocrate (PD) ?
TM. Sanders représente une nouvelle force de gauche qui croit depuis la récession de 2007. Sa campagne donne une voix à la colère généralisée de la classe ouvrière à l’égard de Wall Street, des grosses compagnies et de la corruption politique. Mais Sanders, se proclame socialiste. Ce qui est une bonne chose. Mais c’est un socialiste réformiste qui fait un choix pragmatique. Il n’est pas démocrate. Il n’y a jamais été enregistré. Il a fait campagne comme indépendant la plus grande partie de sa carrière politique.
Selon lui, les forces à l’extérieur du PD ne sont pas assez fortes pour s’engager dans une course avec un 3e parti. Nous ne sommes pas d’accord avec lui. Ce que sa campagne de 2016 et l’actuelle le prouve, la colère généralisée peut être mobilisée dans un 3e parti. Un parti pour la classe des travailleurs et des travailleuses. C’est possible d’avoir un parti basé sur des centaines de milliers de personnes. Mais Sanders n’a pas pris cette décision.
Nous allons lutter pour chaque vote en faveur de Sanders, même s’il est avec les démocrates. Mais nous lançons un avertissement. Le PD n’est généralement pas si démocrate. Il va utiliser tous les trucs qu’il a dans son sac, toutes les magouilles, pour bloquer Sanders. Le PD est fondamentalement un parti des grosses entreprises, les grandes corporations de Wall Street. Il ne laissera jamais Bernie gagner les élections primaires.
AS. Quelles sont les perspectives de cette campagne ? Que Sanders gagne ou perde, qu’est-ce que SA-USA organise pour l’étape suivante ?
TM. SA va s’investir dans la campagne de Sanders. Il y a des millions de jeunes, de travailleurs, de travailleuses, de syndicalistes, de femmes, d’activistes antiracistes et environnementalistes qui voient en Sanders un espoir et c’est le plus grand potentiel pour gagner les luttes. Pour une assurance maladie pour tout le monde (Medicare for all) ou encore pour un Nouveau Plan Vert (Green New Deal). Alors nous allons nous investir dans ces mouvements et dans la campagne de Sanders.
Sans nous cacher, nous allons mettre de l’avant notre programme socialiste indépendant au sein de ces campagnes. Nous disons que si Sanders est bloqué de façon non démocratique durant les primaires démocrates, il doit immédiatement changer de cap et créer un nouveau parti.
Par contre, s’il gagne les primaires démocrates, ce qui est aussi possible, la possibilité d’un gouvernement Sanders à gauche sera bien réelle. À cette étape, il sera important d’aller au-delà des limites d’un programme réformiste afin d’être réellement en mesure de couper avec le capitalisme. Cette étape sera cruciale.
Malgré les promesses de Sanders, gagner des luttes comme le Medicare for all et le Green New Deal, lutter pour le plein emploi ou contre le racisme dans la justice, ne seront pas possible sous le capitalisme.
Pour y arriver, nous avons besoin d’un programme socialiste. Nous devons gérer démocratique-ment, sous contrôle public, les grosses industries, les entreprises du secteur de l’énergie et les banques. Ce type de débat prend sérieusement forme dans la classe ouvrière. Nous accueillons cette ouverture avec enthousiasme. (Résumé voir lien)
La classe ouvrière des États-Unis bouillonne. Avec les mesures d’austérité, les lois antiavortement et les attaques institutionnalisées contre les personnes migrantes, ni l’establishment traditionnel, ni Donald Trump n’arrivent à canaliser la colère. Et les élections présidentielles américaines se dérouleront l’année prochaine. Au Québec, Alternative Socialiste milite à Québec solidaire (QS), le « Podemos » du Québec (le blog)
28 juillet 2019 Émily P., Alternative Socialiste (CIO-Québec)
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