L’autrice est résidente finissante en médecine familiale et elle écrit au nom du conseil d’administration de Médecins québécois pour le régime public (MQRP).
Nous, médecins qui avons choisi de travailler dans le système public, trouvons un sens profond dans notre travail. Nous avons la chance de traiter une grande diversité de patients et de contribuer positivement à leur bien-être, sans qu’ils aient à se soucier des coûts associés à leurs soins.
Nous sommes conscients des problèmes d’accessibilité et d’organisation dans notre système. Nous voyons le privé non pas comme une bouée de sauvetage à ceux-ci, mais une des causes primaires de l’effritement des soins au Québec. Cela étant dit, la Dre Sauvé indique avoir choisi le privé faute de postes disponibles au public dans sa région. C’est un enjeu qui est de plus en plus rapporté par les médecins résidents qui terminent leur formation en médecine de famille et dans certaines autres spécialités, et qui devrait être reconnu et amélioré par notre gouvernement.
Contrairement à ce que suggère cette lettre, la rémunération des médecins de famille au Québec est plus que décente.
Selon l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), la rémunération moyenne des médecins de famille au Québec en 2022 était de 331 615 $ par année(2). Il nous semble exagéré de qualifier cette rémunération comme étant « non décente », encore moins de « déficitaire », même en prenant en compte les frais de cabinet.
En fait, notre salaire dans le secteur public est compétitif par rapport aux autres provinces canadiennes, et les données de l’ICIS suggèrent que les médecins canadiens sont parmi les mieux payés au monde(3).
Payer en double
Qui plus est, beaucoup d’entre nous ont opté pour des postes où la rémunération est au moins partiellement basée sur le temps de consultation. Cela nous permet de consacrer le temps nécessaire à chaque patient, surtout pour ceux qui ont des problèmes de santé complexes. Ce modèle est en constante évolution et en constante amélioration pour mieux répondre aux besoins des patients et des professionnels de la santé.
L’affirmation selon laquelle le fait de demander aux patients de payer améliore l’accès aux soins est erronée. Cela crée une barrière économique insurmontable pour la grande majorité de la population.
En fait, cela ne rend les soins accessibles qu’à une minorité capable de payer. Les « vrais malades », ceux qui ont des besoins complexes et continus, se trouvent dans le système public parce qu’ils ne peuvent pas se permettre de doubler leurs dépenses de santé et parce que le privé ne les considère pas comme une source de profit qui en vaut la peine.
Nous payons déjà pour notre système de santé public par l’intermédiaire de nos impôts. Lorsque les patients se tournent vers le privé, ils paient en double pour des services qu’ils ont déjà financés par leurs impôts. Cette double facturation n’est pas seulement injuste, elle est également inefficace économiquement et n’améliore pas l’accessibilité. Beaucoup d’études portant sur l’accessibilité des soins dans des pays et provinces ayant des systèmes parallèles privé-public comme l’Australie(4) et l’Alberta(5) démontrent que le recours au privé ne fait qu’augmenter les temps d’attente populationnels.
Il est crucial de faire attention aux discours qui légitiment et normalisent le recours au privé. Ces discours peuvent insidieusement affaiblir notre système de santé public en accentuant les inégalités d’accès et en drainant des ressources essentielles.
Le recours au privé n’est pas une solution viable pour un système de santé accessible à tous.
Notes
1. Lisez « Médecine de famille – Pourquoi j’ai choisi le privé »
2. Consultez le site de l’Institut canadien d’information sur la santé
3. Lisez « Nos médecins parmi les mieux payés au monde »
4. Lisez « Does hybrid health care improve public health services ? Lessons learned from Australia » (en anglais)
5. Lisez « New study shows fewer surgeries performed under Alberta Surgical Initiative » (en anglais)
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