Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Pourquoi le Tahrir et non les bombes de l’OTAN ?

Autour des récents développements au Moyen Orient, devant les caméras de Radio-Canada, une israélienne pose la question : « Pourquoi ne pas aller protester dans les pays arabes qui mitraillent leur population au lieu de s’en prendre à Israël ? » Il y aurait donc deux poids deux mesures chez les pacifistes pro-palestiniens qui ciblent Israël plutôt que les États arabes répressifs.

La question permet déjà de constater une évolution de la façon de poser le problème. Elle est un aveux de facto qu’il y a de bons motifs d’aller protester là où il y a injustices et surtout quand les institutions de la communauté internationale faillissent à intervenir pacifiquement. La réponse à la question est à moitié exposée par l’interrogation de l’Israélienne puisque les actions seraient valables pour les pays arabes où l’injustice est à corriger. Mais alors pourquoi donc exclure Israël de cette bataille s’il y a aussi injustices en Israël ? À cause de son succès dans bien d’autres cas, la voie pacifique reste toujours à privilégier comme stratégie de solution de conflit. L’ONU y manquant, les citoyens du monde aspirant à la paix ont donc la légitimité de se porter volontaires pour des actions qui on l’avantage d’avoir tiré des leçons d’un XX ième siècle où les guerres n’ont qu’empiré les problèmes jusqu’à la Shoah et la perte des millions de morts. La guerre semble la plupart du temps un remède pire que le mal.

La solution des pacifistes est aussi une leçon tirée de la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Fallait-il laisser Mandela pourrir en prison et ne rien tenter de l’intérieur du pays raciste ? Rappelons que l’escalade des moyens militants contre Israël s’est popularisée quand Mgr. Tutu a comparé la situation des Palestiniens à celle des Noirs sud-africains.

La question reste tout de même très pertinente. Pourquoi prendre Israël pour cible et seulement Israël ?

Depuis le fameux 11 septembre, il est assez répandu de parler de « choc de civilisations ». La principale faiblesse de cette thèse est qu’elle repose sur l’existence de « peuples élus » ayant la responsabilité divine de sauver de leurs « barbares dirigeants » les peuples subalternes et d’imposer aux colonies les vertus d’une civilisation supérieure. Le colonialisme n’a pas marché. Pourquoi insister ?

Mais il y a aussi que ces « peuples élus » se retrouvent la plupart du temps derrière des alliances militaires pro-occidentales. L’intervention de l’OTAN en Libye illustre bien les conséquences de ces affrontements durant lesquelles on fait peu de cas des civils tués même si c’est leurs vies qu’on prétend protéger.

Rappelons que le bombardement de Gaza par Israël se conformait au principe des guerres préventives. Il fait 1,000 morts dont 450 enfants !

Ceux qui pensent qu’on devrait soutenir les insurgés arabes avant les Palestiniens (qui sont tout aussi des arabes) devraient commencer par réfléchir sur ce type de civilisation qui est en train de militariser les rapports Nord-Sud. Et si c’est bien une forme de civilisation du XXI ième siècle à laquelle ils aspirent ?

Mots-clés : Edition du 2011-07-12
Guy Roy

l’auteur est membre du collectif PCQ de Québec solidaire à Lévis.

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