Édition du 17 septembre 2024

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Europe

Pour une Europe des peuples contre l’UE forteresse du capitalisme

L’Union européenne trouve son origine dans la CECA, la Communauté économique du charbon et de l’acier, le « marché commun ». La construction européenne a été basée sur l’idée de la primauté du marché capitaliste, de la production industrielle dans l’intérêt du grand patronat, et pas dans celui des travailleur·euses, ni des peuples qui constituent l’Europe.

20 mars 2024 | tiré du site du CADTM par Eric Toussaint
https://www.cadtm.org/Pour-une-Europe-des-peuples-contre-l-UE-forteresse-du-capitalisme

La logique de l’UE c’est d’être compétitive sur le marché mondial, par rapport à la Chine par exemple, avec ses bas salaires, ce qui implique de pousser vers le bas les salaires européens et les droits sociaux conquis de haute lutte

L’UE est une structure avant tout économique visant à élargir le plus possible le marché commun sur lequel les entreprises peuvent vendre leurs produits… ainsi qu’à exploiter et mettre en concurrence les travailleur·euses en profitant des différences salariales (le salaire minimum légal brut bulgare représente un peu plus de 330 euros soit six fois moins qu’en Belgique et aux Pays-Bas où il atteint environ 2000 euros et en France où il correspond à 1767 euros) et de statuts sociaux, de conquêtes sociales. La logique de l’UE c’est d’être compétitive sur le marché mondial, par rapport à la Chine par exemple, avec ses bas salaires, ce qui implique de pousser vers le bas les salaires européens et les droits sociaux conquis de haute lutte.

De plus, des entreprises peuvent employer en Italie des travailleur·euses qui sont sous contrat bulgare ou polonais, au salaire minimum de leur pays respectif. Les différences de salaires, les différences de systèmes de protection sociale et les différences de fiscalités (impôts et taxes), permettent aux patrons de mettre la pression sur les travailleur·euses en menaçant de délocalisation et en important des produits qui font de la concurrence et du dumping (NDLR : une course au moins-disant social) aux produits locaux.

L’UE impose des contraintes en termes de « libre concurrence » mais aussi à travers les règles sur la dette publique. On peut ici mentionner la fameuse règle de limiter à 3 % le déficit public et à 60 % le rapport entre la dette publique d’un État et son PIB. Ces règles contraignantes donnent des instruments aux gouvernements des différents pays pour imposer l’austérité et la dérèglementation, notamment la privatisation des services publics et des atteintes aux droits et conquêtes sociales.

Lire aussi  :Le retour à la normale de l’austérité en Europe

Des élections se tiendront dans l’UE entre le 6 et 9 Juin 2024 dans les 27 États-Membres de l’UE pour élire le Parlement européen. C’est important de participer aux élections européennes et d’étudier les programmes proposés par les différents partis. En même temps, c’est clair que le parlement européen n’est pas l’équivalent d’un parlement national : il a beaucoup moins de pouvoir, c’est la Commission et le Conseil européens qui élaborent les traités et les règles de fonctionnement.

Le poids des lobbies est fort important sur la Commission européenne, sur les commissaires, mais aussi sur les parlementaires européen·nes

Un autre facteur politique important à ajouter, c’est le poids des lobbies représentant les grandes sociétés transnationales, pas simplement européennes. Le poids de ces lobbies est fort important sur la Commission européenne, sur les commissaires, mais aussi sur les parlementaires européen·nes comme l’a démontré le scandale du « Qatargate » dans lequel des parlementaires belges, grecs et italiens ont été impliqué·es. Ici, on a vu à quel point des États et des entreprises privées essayent d’acheter, de corrompre et d’influencer les décisions pour qu’elles leur soient favorables.

Sur le Big Pharma, voir :Crise globale - Épisode 1 - Les vautours du Big Pharma

On peut citer les « Big Pharmas » qui ont pesé sur les décisions prises par l’UE sur le vaccin contre le Covid-19. On voit la même chose aussi sur les décisions prises par rapport aux pesticides et herbicides dangereux pour la santé publique : dans ce cadre, Ursula von der Leyen a décidé de ne pas appliquer les mesures envisagées, déjà insuffisantes en la matière. C’est une victoire pour les grandes firmes comme Monsanto, Syngenta, etc. Elle a pris comme prétexte les revendications des paysan·nes alors qu’en réalité, c’est largement l’intérêt des multinationales privées qui a été pris en compte.

Lire aussi : Bilan d’étape des réponses économiques à la crise liée à la pandémie du coronavirus en Europe

En ce qui concerne l’UE comme « puissance », l’UE est incapable ou refuse d’agir de manière positive dans la politique internationale sur des conflits extrêmement graves, soit sur le territoire européen soit à proximité de l’Europe. Le poids de l’UE par rapport au conflit extrêmement grave en Ukraine, suite à l’invasion par la Fédération de Russie, est très faible car tout est déterminé par la situation subordonnée de l’Europe au sein de l’OTAN. Dans cette alliance, ce sont les États-Unis qui décident largement du cours de la guerre ou de l’existence ou non de négociations pour y mettre fin. Ce qui est sûr, c’est que les dirigeant·es européen·es profitent de la guerre pour encourager l’augmentation des dépenses militaires et pour renforcer le complexe militaro-industriel européen. En Palestine, ce sont aussi les USA qui appuient directement Israël et, dans leur sillage, l’UE fait de même. Elle laisse Israël se livrer à une politique génocidaire contre le peuple gazaoui, à un renforcement des colonisations illégales et des mesures brutales contre l’ensemble du peuple palestinien. L’UE refuse de suspendre les accords commerciaux et culturel avec ce pays qui pratique l’apartheid et l’écrasement du peuple palestinien.

En Palestine, les USA appuient directement Israël et, dans leur sillage, l’UE fait de même

L’UE exerce un pouvoir fort quand il s’agit de se comporter comme Europe Forteresse : là, elle emploie de grands moyens et elle a un budget très élevé pour Frontex, avec des hélicoptères, des avions, des bateaux, du personnel nombreux pour empêcher les candidat·es réfugié·es et les migrant·es en général d’arriver sur le territoire européen.

Lire aussi  : Mettre fin aux politiques migratoires inhumaines de l’Europe forteresse

L’UE signe aussi des accords de partenariat économique avec des pays ou souvent des ensembles régionaux : la communauté d’Afrique occidentale (CEDEAO), la communauté andine, ou le MERCOSUR (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), actuellement en négociations. Ces accords imposent, généralement, aux pays ou aux ensembles de pays, l’ouverture maximale aux intérêts économiques des entreprises européennes. En échange, l’UE ouvre son économie à des pays où les règles phytosanitaires ne sont pas du tout les mêmes qu’en Europe, tels que le Brésil et l’Argentine, principaux producteurs de soja transgénique pour nourrir le bétail. Cette réalité est dénoncé à juste titre, par exemple par les paysan·nes actuellement en lutte et dont les produits sont « en concurrence » avec les produits des gros exportateurs de l’agrobusiness très puissant, argentins ou brésiliens dans le cas de l’accord avec le MERCOSUR. Ces accords sont favorables aux intérêts des gros importateurs européens mais défavorables aux petits producteurs locaux tant des pays du Sud Global que d’Europe.

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Au début de la crise du COVID, Mario Draghi, qui avait achevé son mandat à la tête de la BCE fin 2019, avait déclaré, avec Christine Lagarde qui venait de lui succéder, qu’il fallait augmenter la dette publique pour faire face à la pandémie. Il s’est bien gardé de proposer de faire payer le coût de la lutte contre la pandémie et ses effets multiples aux grandes entreprises privées qui profitaient de la crise : le Big Pharma, les GAFAM, les chaînes de distribution. Pour convaincre l’opinion publique de ne pas se poser de questions sur la manière de financer la lutte nécessaire contre la pandémie, les dirigeant·es européen·nes ont assoupli temporairement les règles budgétaires. Maintenant que la dette publique a fortement augmenté et que le coût de son refinancement a explosé en raison de l’augmentation des taux d’intérêt, les mêmes dirigeant·es annoncent l’approfondissement des mesures d’austérité en affirmant que la dette publique a atteint un niveau insoutenable. Il faut encore et toujours dénoncer avec force ces politiques austéritaires, lutter pour l’annulation des dettes publiques illégitimes.

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Il faut aussi réfléchir en termes de refondation de l’Europe. On a évidemment besoin d’une structure européenne mais pas celle prise par l’UE, la zone euro, etc. Il faut désintégrer cette Europe du Grand Capital et la remplacer par une autre Europe aux services des peuples. Il faudrait un processus constituant authentiquement démocratique et partant d’en bas. Cela passerait aussi par des élections démocratiques au suffrage universel pour élire des délégué·es à une Constituante européenne. Ces parlementaires auraient donc le pouvoir d’élaborer une nouvelle constitution de l’UE et la doter de structures réellement démocratiques, avec un vrai Parlement doté de pouvoirs législatifs. La proposition de nouveau traité constituant devrait être soumis à un grand débat et ensuite un référendum au suffrage universel dans chaque pays avant d’être considéré comme approuvé. La nouvelle Europe des peuples devrait être véritablement solidaire à l’égard des peuples du Sud Global et verser des réparations pour le pillage économique, pour les violations des droits humains provoquées par les gouvernants et les grandes entreprises européennes depuis des siècles jusqu’à aujourd’hui, pour les dégâts écologiques catastrophiques causés par les politiques encouragées par l’UE… Il faudrait une Europe féministe, écologique, socialiste, internationaliste et pacifique.

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