Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Débat sur les politiques d’alliance

À propos des "dites" convergences

Pour que Québec solidaire sorte gagnant du débat en cours

Si bien sûr dans un parti comme QS, la finalité d’un débat, c’est le résultat auquel on arrive ( est-on oui ou non d’accord sur des convergences possibles avec les mouvements sociaux, ON et le PQ à l’horizon de 2018 ?), il n’en demeure pas moins que la finalité d’un débat, c’est aussi et peut-être surtout le chemin qu’on aura parcouru ensemble à échanger et à se clarifier les idées : ce qu’on y aura appris ; comment notre compréhension collective du rôle que devrait pouvoir jouer QS dans la période, aura évolué, se sera approfondie, nuancée, affinée.

En ce sens, si le débat est mené de manière féconde et conviviale, la façon dont il a été posé initialement, devrait pouvoir se préciser, s’enrichir, nous faire même découvrir des dimensions non envisagées au point de départ, et ainsi nous renforcer comme collectivité capable d’intervenir avec plus habileté au sein de la conjoncture politique.

Et c’est ce qui est d’ailleurs en train d’arriver : plutôt que de ne se focaliser sur la seule question de savoir si le PQ sous la gouverne de Jean-François Lisée est autre chose qu’un parti néolibéral gangréné par l’identitarisme (avec lequel donc aucune discussion n’est possible à moins, soit d’être un dangereux traitre, soit de se faire avoir !), le débat s’est peu à peu orienté autour de la question : quoi faire à l’horizon de 2018 pour que QS se trouve dans une meilleurs position vis-à-vis du PQ qu’il ne l’est actuellement ? Pour qu’il puisse par exemple occuper sur l’échiquier politique du 21 ième siècle du Québec, le même genre de leadership que possédait le PQ dans les années 70.

Ce qui oblige —si l’on a cet objectif en tête— à avoir un discours clair, et par conséquent à réfléchir aux mots mêmes que nous utilisons, tout en essayant de qualifier et préciser au mieux les rapports que nous déciderions d’avoir en toute indépendance, soit avec les mouvements sociaux, soit avec ON, soit avec le PQ.

S’il est tout à fait possible de parler de convergence (autour d’une plateforme bien définie) avec les mouvements sociaux et Option nationale, par contre il semble plus difficile de parler —stricto sensus— de convergence (et encore moins de plateforme commune) avec le PQ puisque depuis plusieurs années, ce sont plutôt les divergences qui ne cessent de croître entre les deux. Sans parler des changements de chemise auxquels nous a habitués J. F Lisée.

Le mot convergence, tout comme celui de plateforme commune devraient donc être bannis du vocabulaire quand on l’évoque à propos du PQ d’aujourd’hui, tout comme le mot pacte qui renvoie à une forte proximité que nous n’avons pas non plus avec lui.

Mais dire cela —justement parce que les chose sont plus complexes qu’elles n’apparaissent au premier coup d’oeil— ne veut pas dire pour autant qu’il faut se fermer à tout échange exploratoire avec le PQ, surtout si l’on peut s’en servir comme tribune pour faire connaître au grand public nos positions. Ceci ne veut pas dire non plus s’interdire de penser à des ententes circonstancielles de non agression électorale si elles s’avèrent intéressantes pour QS et lui permettraient de faire des percées, notamment en dehors de Montréal.

C’est une question d’ordre stratégique, et non pas morale ou éthique. À peser soigneusement, mais sans a priori ! Qu’est-ce qui servira le mieux au développement de QS ?

Dans le contexte sociopolitique particulièrement hostile qu’aujourd’hui connait la gauche de par le monde, cette dernière (toute tendances confondues) connait trop souvent la tentation soit, de se rigidifier autour d’un cours propagandiste ou principiel (en s’isolant) soit à l’inverse de se compromettre dans des ententes sans principes avec les tenants de l’ordre établi (en se fondant dans le paysage politique et en perdant son côté alternatif). Il y a donc un chemin étroit à trouver, qui n’a rien de facile. Et qui exige une soigneuse réflexion. Pas des anathèmes !

C’est ce qu’il nous faut souhaiter pour le temps qui nous reste avant le congrès : trouver cette voie nuancée et alternative qui tienne compte de la situation délicate dans laquelle nous nous trouvons.

Pierre Mouterde
sociologue essayiste

Pierre Mouterde

Sociologue, philosophe et essayiste, Pierre Mouterde est spécialiste des mouvements sociaux en Amérique latine et des enjeux relatifs à la démocratie et aux droits humains. Il est l’auteur de nombreux livres dont, aux Éditions Écosociété, Quand l’utopie ne désarme pas (2002), Repenser l’action politique de gauche (2005) et Pour une philosophie de l’action et de l’émancipation (2009).

Messages

  • Le texte de Pierre Mouterde, sans contexte, vise les meilleurs avancées politiques possibles de QS, à l’interne et à l’externe.
    Au coeur de son argumentation pour une conciliation dans les positions, après avoir reconnu le faussé énorme qui sépare QS su parti Québeécois, Pierre ajoute :

    "Mais dire cela —justement parce que les chose sont plus complexes qu’elles n’apparaissent au premier coup d’oeil— ne veut pas dire pour autant qu’il faut se fermer à tout échange exploratoire avec le PQ, surtout si l’on peut s’en servir comme tribune pour faire connaître au grand public nos positions. Ceci ne veut pas dire non plus s’interdire de penser à des ententes circonstancielles de non agression électorale si elles s’avèrent intéressantes pour QS et lui permettraient de faire des percées, notamment en dehors de Montréal."

    Comme l’auteur le dit dans son texte, il faut choisir ses mots.... surtout le sens des mots et des actions qui entourent les "mots". Ne pas "se fermer à tout échange exploratoire" avec le parti québécois. Justement, si pour montrer de l’ouverture puisqu’il semble que de cela il s’agit, faudrait-il aussi que QS soit ouvert à avoir des échanges exploratoires avec la CAQ ? C’est certains que Legeault aurait autant d’intérêts que Lisée pour de telles conversations.

    Les véritables échanges sur la place publique se feront dans la campagne électorale elle-même. Il va de soi que les militants et les militantes solidaires, eux et elles, avant et durant la campagne électorale se rencontrent dans les syndicats et les mouvements sociaux avec des péquistes de toutes tendances... c’est avec eux et elles, dans l’action que l’unité d’action s’effectue... Quant aux communications "d’appareil à appareil", jusqu’à maintenant elles n’ont fait qu’embrouiller les cartes et ce fut Péladeau et c’est maintenant Lisée qui ont tiré profit des parasites qu’ils ont semé dans la tête d’un certain nombre de solidaires.

    Ensuite "Ceci ne veut pas dire non plus s’interdire de penser à des ententes circonstancielles de non agression électorale si elles s’avèrent intéressantes". Encore une fois, cette pensée et cette ouverture serait-elle valable si à son tour Legeault présentait une telle ouverture pour bloquer les libéraux dans certains comptés... Pourquoi vis-à-vis d"un adversaire faudrait-il être ouvert et être fermé vis-à-vis de l’autre ! Quant à y être, pourquoi ne pas former un seul bloc politique de tous les adversaires du PLQ... et former un gouvernement de coalition ?

    Je respecte l’intention politique de l’auteur. Mes doutes et ma critique porte sur la cohérence du "scénario" d’ouverture présentée. Ce scénario demeure un "scénario", une projection qui encourage les militants et militantes à donner du crédit politique au parti de Lisée et, en fin de compte à participer à son élection... En retour de quoi ? On suppose, sans évaluation quantitative, gagner 1 ou 2 comptés ? Plus d’écoute auprès des petits bourgeois du programme QS ?

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