Tiré du blogue de l’autrice.
« La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face. » La colonisation fait aussi partie de ce présent français sur lequel Emmanuel Macron refuse aujourd’hui de poser des mots aussi forts que ceux qu’il avait prononcés durant sa première campagne présidentielle au sujet de l’Algérie. Un présent que subissent au quotidien des dizaines de milliers de Kanak dans un archipel perdu au milieu de l’océan Pacifique, à 17 000 kilomètres de la métropole.
Lorsque les révoltes ont éclaté en Nouvelle-Calédonie au mois de mai, Mediapart a continué de documenter cette crise au cœur de ses engagements éditoriaux depuis sa création. Par le biais d’enquêtes, d’analyses, d’entretiens, mais aussi de reportages réalisés sur place par notre correspondant, le journaliste Gilles Caprais. Six mois plus tard, une fois le calme revenu et l’effervescence médiatique retombée, un impératif s’est imposé : il fallait retourner dans l’archipel, donner à voir et à entendre celles et ceux pour qui rien n’est réglé.
Pendant deux semaines, du 9 au 24 novembre, nous sommes donc partis à la rencontre des indépendantistes kanak, en tribu, dans les quartiers populaires de Nouméa, mais aussi dans la « brousse », au nord de la capitale. Sur notre route, nous avons aussi croisé celle de militant·es loyalistes et d’habitant·es issu·es de toutes les communautés qui composent la mosaïque calédonienne. Autant de personnes qui ont pris le temps, beaucoup de temps, pour se confier sur leurs histoires, leurs inquiétudes et leurs aspirations.
Ce reportage a aussi été l’occasion de mesurer physiquement les effets de la répression qui s’est abattue sur l’archipel au cours des derniers mois. La présence massive des gendarmes, sur les routes, dans les hôtels et dans les bars des quartiers chics de Nouméa ; le vrombissement régulier de leurs drones planant au-dessus de nos têtes ; ce sentiment diffus d’être observés dans chacun de nos mouvements. Mais aussi la dureté d’une capitale scindée en deux, où personne ne marche dans le centre-ville et où les destins se croisent rarement.
Aller en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, c’est aussi se départir de nos réflexes occidentaux pour découvrir un rapport au monde et aux mots différent du nôtre. Les mères y sont appelées « mamans » et les Européens qualifiés de « Blancs », sans que cela revête une quelconque connotation paternaliste ou raciste. La coutume, qui régit la société kanak et place l’humain au cœur de ses préoccupations, imprègne chaque échange. Il n’y a pas de petites phrases, de fausses confidences ou d’écume politique, telles qu’on peut en connaître en métropole. La parole y est aussi directe que précieuse. Et le temps n’a plus besoin de montre.
Durant notre reportage, nous avons aussi pu constater que beaucoup de peurs traversent aujourd’hui l’archipel. Et qu’il en est une qui ronge par-dessus tout les esprits : la peur de l’oubli. L’oubli de celles et ceux qui vivent loin et ne savent rien de ce qui se trame dans ce bout du bout du monde. L’oubli du passé que certain·es voudraient balayer. L’oubli de la culture kanak, de ses langues, et de son lien indéfectible à la terre. L’oubli du monde de l’invisible et de la parole des « vieux ». L’oubli du respect et de l’humilité que chacun·e leur doit.
Six mois après les révoltes qui ont embrasé la Nouvelle-Calédonie, Mediapart est donc revenu dans les lieux de la mobilisation dans l’espoir de conjurer cet oubli. Et vous propose le récit, en six épisodes, d’une indépendance déniée.
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