Tiré du site du CADTM.
Ce 15 février 2019, à Port-au-Prince, la déclaration est destinée aux Haïtiens qui, depuis le 7 février, se soulèvent contre le pouvoir dans les principales villes du pays le plus pauvre d’Amérique latine et des Caraïbes. D’ailleurs, pour éviter toute ambiguïté, l’ambassade américaine précise en direction des forces de l’ordre qui mènent la répression : « Nous félicitons la Police nationale haïtienne d’avoir œuvré pour le maintien de la paix et de la stabilité tout en veillant à ce que les citoyens haïtiens exercent le droit de faire entendre leur voix. » Un droit des plus relatifs, pour qui aime pinailler : des chiffres non officiels font alors état d’une dizaine de victimes et d’une centaine de blessés ; deux semaines plus tard, le nombre des morts s’établira à vingt-six, d’après la Commission inter-américaine des droits humains (CIDH).
Déjà, les 6 et 7 juillet 2018, signe d’une crise profonde, deux folles journées d’émeutes avaient jeté dans la rue des dizaines de milliers d’Haïtiens. Inspirée par le Fonds monétaire international (FMI), qualifiée d’ « irresponsable et inopportune » et de « mépris total de la population » par l’économiste Camille Chalmers, secrétaire exécutif de la Plateforme de plaidoyer pour un développement alternatif (Papda) [1], une hausse allant jusqu’à 50 % des prix des carburants à la pompe venait de provoquer l’embrasement. Pour une multitude vivant avec moins de 2 dollars par jour et, faute de service public digne de ce nom, utilisant le kérosène dans ses foyers, ne serait-ce que pour y faire la cuisine, il s’agissait de la mesure de trop. Car survenant à un moment où déjà s’accumulaient de nombreux motifs d’indignation, dont l’un, particulièrement emblématique : le détournement par la classe dirigeante d’une part importante des 3,8 milliards de dollars du Fonds Petrocaribe, le programme d’aide mis en place par le Venezuela pour financer des projets sociaux [2]. Scandale révélé à l’automne 2017 par un rapport d’une commission du Sénat mettant en cause quinze anciens ministres et hauts fonctionnaires, dont deux ex-chefs du gouvernement. Rapport resté sans suite. D’où l’explosion brutale du mécontentement. Et ces deux jours d’insurrection populaire qui débouchèrent sur la démission du premier ministre Jack Guy Lafontant et le retrait de la mesure contestée sur les carburants.
Six mois plus tard, toujours sur fond de scandale Petrocaribe, les manifestations qui réclament la démission de l’actuel président Jovenel Moïse ont symboliquement repris le 7 février, date anniversaire de la chute, en 1986, de la dynastie dictatoriale de François « Papa Doc » (1957-1971) et Jean-Claude « Baby Doc » (1971-1986) Duvalier.
Car la crise qui fait d’Haïti un baril de poudre a en réalité des racines qui remontent jusque-là. Et pour protagonistes, les mêmes acteurs néfastes et criminels, tant nationaux qu’internationaux.
De Caraïbe en Scylla
Années 1990 : un plan classique d’ajustement du FMI provoque la destruction de la paysannerie. En 1972, le pays était autosuffisant, a rappelé voici peu Camille Chalmers ; il achètera désormais à l’étranger 82 % des aliments qu’il consomme et deviendra le quatrième importateur mondial de riz américain, après le Japon, le Mexique et le Canada ; mais, pendant la décennie dont il est question, 800 000 emplois auront été perdus.
Comment réaliser un tel tour de force ? Le 30 septembre 1991, sept mois après son investiture, un coup d’État renverse le président Jean-Bertrand Aristide (élu avec 67,48 % des voix). L’ex-« curé des pauvres » prétendait faire passer son pays de la « misère indigne à la pauvreté digne ». Sous l’œil approbateur de George Bush (père), le général Raoul Cédras et les groupes paramilitaires du Front révolutionnaire armé pour le progrès d’Haïti (FRAPH) – dont le chef, Toto Constant, avouera qu’il était un agent de la CIA – imposent trois années terreur et de répression. Il faut attendre le 19 septembre 1994 pour que William « Bill » Clinton, en quête d’un succès diplomatique, déclenche l’opération « Restaurer la démocratie », avec l’aval du Conseil de sécurité des Nations unies. Vingt et un mille soldats débarquent à Port-au-Prince. Sans rencontrer aucune résistance, ils rétablissent le pouvoir légitime et (surtout) mettent un terme au flot des boat people qui débarquaient du côté de Miami.
Les archives du FRAPH, qui permettraient de fournir de nombreuses données sur les exactions commises pendant la dictature demeurent en possession du gouvernement étasunien, qui refuse depuis de les rendre au ministère de la justice haïtien.
Ayant dû se soumettre aux nombreuses concessions imposées par Washington pour permettre son retour au Palais national (le siège de la présidence), Aristide gouverne d’octobre 1994 à janvier 1996. René Préval, qui fut son premier ministre en 1991, avant le coup d’État, lui succède et, le 7 février 2001, sera le premier président à terminer sans anicroches son mandat.
Fort d’un appui populaire qui ne se dément pas, Aristide est réélu on ne peut plus démocratiquement en décembre 2000, à la tête de son nouveau parti, Fanmi Lavalas (Famille l’Avalanche), au grand déplaisir de l’opposition. Afin de le délégitimer, celle-ci a boycotté le scrutin présidentiel – une technique déjà rôdée au Nicaragua en 1984 et ultérieurement reprise au Venezuela en 2005 (législatives), 2017 (Assemblée nationale constituante) et 2018 (présidentielle et municipales).
Non exempt de reproches, mais plus que tout diabolisé par ses adversaires et discrédité par une infernale campagne médiatique, Aristide subit une terrible pression. Des États-Unis à l’Union européenne, du FMI à la Banque mondiale, la « communauté internationale » gèle la plupart de ses aides et de ses prêts, enfonçant par-là même le pays dans le dénuement et le chaos.
Dépourvue de poids réel, bien que financée à coups de millions de dollars par l’US Agency for International Development (USAID), la Fondation nationale pour la démocratie (NED) [3] et l’International Republican Institute (IRI, lié au Parti républicain), la Convergence démocratique (CD) échouerait à le renverser si n’arrivait à la rescousse un Groupe des 184, ensemble d’associations patronales, syndicales, et de la « société civile », auxquelles se joignent les médias, dirigé par André Apaid, un richissime businessman, propriétaire de plusieurs ateliers de misère – les sweatshops. Il est vrai que, entre autres mesures « extravagantes », Aristide a commis l’imprudence de faire passer le salaire minimum de 1 dollar à 2 dollars par jour.
Main dans la main avec la CIA, le Groupe des 184 finance et arme les paramilitaires anti-Aristide – d’ex-membres de l’armée que ce dernier a supprimée en avril 1995 et d’anciens membres du FRAPH – regroupés en République dominicaine sous le nom de Front de résistance pour la libération et la reconstruction d’Haïti. Sous les ordres de leur « commandant en chef » Guy Philippe, un narcotrafiquant notoire, ces « Forces armées du Nord » (comme les a rebaptisées Colin Powell) occupent la ville de Gonaïves, prennent Cap Haïtien, fondent sur la capitale.
Sous la pression conjuguée de la bourgeoisie, de ces rebelles infréquentables et de Washington, Ottawa et Paris, Aristide est « démissionné ». Le 29 février 2004, il se voit obligé de quitter le pays dans un avion américain à destination de la République centrafricaine – où il est « réceptionné » par des militaires français. Ce qu’on appelle un « kidnapping », mais aussi un coup d’État.
« Dans le respect de la Constitution » (sic !), le doyen de la Cour de cassation, Boniface Alexandre, comble « le vide de pouvoir » en prêtant serment comme « président par intérim » devant les ambassadeurs de France et des États-Unis. Ça ne s’invente pas ! Exactement ce que tente de faire aujourd’hui à sa manière, mais sans succès vu la résistance organisée du chavisme, la marionnette de Washington Juan Guaido au Venezuela. A l’époque, la Communauté caribéenne (Caricom), qui rassemble quinze des trente-quatre pays membres de l’Organisation des États américains (OEA), proteste et estime que « les circonstances du départ d’Aristide sont irrégulières ». Elle agit aussi courageusement aujourd’hui en refusant de lâcher Caracas face à la tentative de coup d’État et aux pressions de l’impérialisme « yankee-européen ».
Économiquement dévastateurs pour ses habitants les plus humbles, deux embargos ont frappé Haïti pendant ces années tourmentées. Le premier, de 1991 à 1994, pour faire pression sur la junte militaire afin qu’elle accepte le retour d’Aristide. Le second (2001-2004), pour chasser de la présidence le même Aristide en asphyxiant l’économie du pays. Source d’inspiration : l’embargo illégal imposé (sans succès) par Washington à Cuba depuis les années 1960. Future application : les sanctions financières appliquées par la même capitale impériale au Venezuela à partir de 2015 pour faire tomber Nicolás Maduro.
En cette année 2004, sous les ordres des États-Unis, de la France et du Canada (pays actuellement membre du Groupe de Lima, fanatiquement hostile à Caracas), un Conseil des sages flanque le « président » Alexandre d’un premier ministre, Gérard Latortue. Ancien fonctionnaire international installé en Floride, ce dernier est nommé chef du gouvernement intérimaire le 9 mars alors qu’il habite encore aux États-Unis. Il entre en fonction le 17 avec pour objectif annoncé de « stabiliser la situation ».
Pour l’y aider, une Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haîti (Minustah) ordonnée par le Conseil de sécurité de l‘ONU prend ses quartiers. Elle ne stabilise pas grand-chose. Sa principale contribution au bonheur des populations qu’elle est censée protéger de la peste sera de propager une terrible épidémie de choléra : près de 10 000 décès et 800 000 personnes malades à partir d’octobre 2010, du fait de l’introduction d’une bactérie par un bataillon de casques bleus venu du Népal [4].
En ce qui le concerne, Gérard Latortue ne pourra ni rétablir l’ordre, ni résoudre les graves difficultés économiques et financières du pays. Moyennant quoi, au terme du mandat de son patron Boniface Alexandre, le 12 mai 2006, il repartira vivre confortablement du côté de Miami.
La comédie des élections
Désordre et confusion, toujours. Un conseil électoral provisoire (CEP) avait été mis en place par le gouvernement intérimaire pour organiser en 2005 des élections municipales, législatives et présidentielles « libres, crédibles et transparentes ». De scandale en scandale, ce CEP faillira à sa mission. Il faudra sa mise sous tutelle par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), l’OEA et la Minustah, pour qu’il finisse par organiser au début de l’année 2006 des élections prévues pour octobre 2005 et plusieurs fois reportées. Bien qu’élu le 7 février 2006, René Préval ne réussit à s’installer dans sa fonction que le 14 mai. Provoquant de nombreux grincements de dents, il signe l’Accord Petrocaribe avec le Venezuela et affirme sa volonté de continuer la coopération, déjà étroite, surtout dans le secteur sanitaire, avec Cuba. Dans un autre registre, des voix s’élèvent pour demander des comptes au sujet de l’emploi douteux de 900 millions de dollars dont le « gouvernement par intérim » précédent a disposé.
Entre août et septembre 2008, quatre cyclones – « Hanna », « Ike », « Fay » et « Gustave » – ravagent le pays. Cent quatre vingt dix sept millions de dollars de Petrocaribe sont réaffecté aux dépenses destinées à réparer les dommages causés par ces ouragans.
Alors qu’Aristide vit toujours exilé en Afrique du Sud et que, avec plus d’un an de retard, les citoyens sont appelés à élire douze sénateurs le 19 avril 2009, le Conseil électoral provisoire (CEP) écarte de ce scrutin Fanmi Lavalas (FL), le parti demeuré le plus populaire du pays. Cette élimination, note à l’époque le chercheur américain Mark Weisbrot, « peut être comparée à l’exclusion du parti Démocrate ou du parti Républicain aux Etats-Unis [5] ». Persistant dans l’arbitraire, le CEP annonce le 26 novembre 2009 que quatorze formations politiques, dont une nouvelle fois la FL, seront exclus des législatives et présidentielle de 2010. Qui passent soudain au second plan…
Le 12 janvier 2010, d’une violence inouïe, un séisme de puissance 7 sur l’échelle de Richter dévaste l’île et détruit des milliers de bâtiments. On dénombre plus de 230 000 morts, 300 000 blessés et 1,2 million de sans-abri. A Port-au-Prince, une ville de plus d’un million d’habitants située au bord de l’épicentre, les services de base s’effondrent, totalement désorganisés.
Huit mois plus tard, en bras de chemise, manches retroussées, cravate desserrée, les bureaucrates de l’ONU haussent exagérément les sourcils. Haïti n’a reçu que 20 % des 10 milliards de dollars d’aide promis par la « communauté internationale ». Si les États-Unis déboursent 1,2 milliards de dollars, ils en retranchent immédiatement les 500 millions qu’a coûté l’intervention militaire « humanitaire » qui a suivi le séisme.
Nommé à la tête du club sélect de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), Bill Clinton se transforme littéralement en proconsul. De janvier 2010 à avril 2011, le gouvernement étasunien signe 1490 contrats pour un montant total de 194 millions de dollars en vue de la reconstruction ; de tous ces contrats, seuls 23 bénéficient à des sociétés haïtiennes, pour un montant de 4,8 millions de dollars (2,5 %) [6]. Dans le cadre du projet « Winner », supervisé par l’USAID, Monsanto fait le don de 475 tonnes de semences de maïs hybride au gouvernement haïtien. Charité bien ordonnée commence par soi-même, on l’aura compris : si l’habitude est prise d’utiliser ces semences, à la place de celles tirées des récoltes précédentes, il faudra à l’avenir les acheter, avec leurs engrais et herbicides, auprès de… Monsanto [7]. Représentant de cette firme en Haïti, Jean-Robert Estimé a été ministre des affaires étrangères sous la longue dictature des Duvalier.
Dans une orgie de sigles et de 4 x 4, 10 000 organisations non gouvernementales déferlent comme une nuée de sauterelles. Haïti devient la « République des ONG ». Sous perfusion constante, le pays se désagrège encore plus. Ses habitants ? Qu’ils laissent « ceux qui savent » gérer la situation. On leur donne une aumône, on leur conseille de s’en contenter.
Une seule tache de lumière éclaire cet épisode ténébreux : au lendemain même du séisme, l’aide mise à disposition par le Venezuela « socialiste » et « bolivarien ». Dans des conditions financières particulièrement souples, Caracas livre quasiment tout le combustible consommé dans l’île. Les générateurs arrivés par avion fournissent un cinquième de l’énergie électrique du pays. Milliers de tonnes d’assistance alimentaire, montage de campements (théoriquement) provisoires pour abriter des marées hagardes de sinistrés… On peut multiplier à l’infini les théories et les hypothèses : si d’aucuns savent à quoi s’en tenir sur ce qu’est une véritable « aide humanitaire », ce sont les va-nu-pieds haïtiens quand ils évoquent le Venezuela (et les médecins cubains).
Retardée en raison des événements, l’élection présidentielle a finalement lieu le 28 novembre 2010, dans un climat de grande tension. A la situation chaotique créée par des millions d’habitants déplacés et le grand nombre de personnes ayant tout perdu, y compris leur carte d’électeur, s’ajoutent les graves irrégularités constatées le jour du scrutin. Mais le pire est encore à venir. Annoncés début décembre, les résultats provisoires placent Jude Célestin, le dauphin du président René Préval, en deuxième position (22,48 % des voix) derrière la professeure et ex-« première Dame » Mirlande Manigat (31,37 %) [8]. Très ostensiblement soutenu par l’ancien porte-parole de l’ambassade américaine Stanley Schager, qui a joué un rôle essentiel pendant le coup d’État de 1991 et la période d’embargo, le candidat de Washington, Michel Martelly, n’arrive qu’en troisième position (21,84 %). Il s’agit d’un ancien chanteur néo-duvaliériste et provocateur, violemment anti-Aristide, surnommé « Sweet Micky » ou « Tet kalé » (crâne rasé). La rue s’enflamme pendant trois jours d’émeute qu’organisent « spontanément » ses partisans.
Sur la base d’un rapport de l’Organisation des États américains (OEA), les principaux bailleurs de fonds, États-Unis en tête, exercent de fortes pressions pour exclure Célestin du deuxième tour, au profit de Martelly. Quasiment deux mois après le premier tour et alors que l’annonce du résultat tarde, la représentante des États-Unis devant l’ONU, Susan Rice, exige des autorités haïtiennes « un processus crédible représentant la volonté du peuple haïtien ». Pour éviter un vide du pouvoir, la « communauté internationale » demande au président Préval de rester à son poste au-delà de l’échéance constitutionnelle de son mandat, le 7 février. A condition toutefois, précise le 30 janvier la secrétaire d’État Hillary Clinton en visite à Port-au-Prince, que le CEP accepte la recommandation de l’OEA et exclue Célestin du second tour. On arrose, on négocie, on menace, on fait jouer les influences. Le CEP finit par comprendre ce qu’on attend de lui et décide enfin d’inverser les résultats.
Dirigeant de l’Inité (en créole Unité), le parti présidentiel, le ministre de la justice Paul Denis dénonce ouvertement les instigateurs – les États-Unis, la France et le Canada – de cette manœuvre, assimilable à un troisième coup d’État : « Ils ont tiré des résultats de leurs poches, ils agissent comme des colons, mais il y a des hommes et des femmes dans ce pays qui exigent d’être traités avec dignité ! »
Cause toujours… Au terme du second tour, Martelly l’« emporte » avec 67,57 % des suffrages exprimés contre 31,74% pour Mirlande Manigat. L’enthousiasme qui a porté le nouveau président au pouvoir est tel que son parti, Respons Peyizan (Réponse paysanne), porte triomphalement… trois représentants à la Chambre des députés et aucun au Sénat (Unité, la formation du candidat à la présidence écarté, obtient 48 des 99 sièges du Congres y 17 élus sur 30 au Sénat).
Plus de 70 % de la population vit toujours avec moins de 2 dollars par jour. A partir de la fin 2013, les mouvements de protestation se multiplient. Un an plus tard, les revendications se durcissent. Elles exigent tant la démission du premier ministre Laurent Lamothe que celle du chef de l’État et réclament la tenue d’« élections libres ». Le mandat du Parlement devait se terminer le 12 janvier 2014 : Martelly a reporté les élections législatives et municipales sans fixer de nouvelle date. Ce vide politique lui permet de gouverner par décrets. Bien qu’aucune règle d’un Etat de droit ne soit plus respectée, l’OEA, que dirige encore le chilien José Miguel Insulza, considère qu’il n’y a ni rupture ni altération de l’ordre démocratique.
Le 26 mai 2015 restera un jour sombre, tant pour l’Amérique latine que pour Haïti. A Washington a lieu la cérémonie d’investiture de l’uruguayen de « centre gauche » Luis Almagro, nouveau secrétaire général de l’OEA. « Je concentrerai mes efforts pour faire de l’Organisation un instrument efficace en faveur des intérêts de tous les Américains, qu’ils viennent du centre, du sud, du nord du continent, ou de la Caraïbe », affirme-t-il sans rire en professant cette promesse qui n’engage que ceux qui la croient. Totalement inféodé à Washington, l’individu va trahir tous ses engagements et se mettre au service quasi exclusif de la déstabilisation du Venezuela. C’est dire que la situation haïtienne ne constitue en rien, pour lui et ses commanditaires, une quelconque préoccupation.
Visant à élire l’intégralité des députés et deux tiers du Sénat, le premier tour des élections législatives, le 9 août 2015, donne lieu à un « formidable engouement » : le CEP enregistre 128 partis et pas moins de 1 855 candidats plus ou moins opportunistes pour les 139 sièges à pourvoir. L’engouement s’arrêtera là (il ne faut pas prendre les Haïtiens pour des crétins) : le taux de participation n’atteint que 18 % à l’échelle nationale (10 % dans le département de l’Ouest, le plus peuplé du pays, qui englobe la métropole de Port-au-Prince). Pour connaitre le nom des candidats retenus au second tour, prévu le 25 octobre, le CEP recommande de consulter son site internet… auquel il est impossible de se connecter (pour peu d’ailleurs qu’on possède un ordinateur et qu’on puisse essayer). Au bout du compte, seuls trois députés sur 119 seront élus ; aucun sénateur. En raison des violences l’ayant entaché, le scrutin devra être réorganisé dans une vingtaine de circonscriptions.
Le second tour du 25 octobre coïncide avec le premier de la présidentielle. Dans la perspective de cette dernière, et pour noyer les partis traditionnels, en particulier Fanmi Lavalas, Martelly a fait légiférer et réduire les conditions à remplir pour créer un parti et se présenter. Objectif atteint : on dénombre cinquante-huit candidats – beaucoup plus que de programmes ou de lignes politiques. Pendant plusieurs semaines, l’opposition (crédible) dénonce la préparation de fraudes massives au profit de Jovenel Moïse, représentant du Parti haïtien Tet Kale au pouvoir (le PHTK), avec l’appui explicite de Martelly et implicite du Core Group – les « pays amis » (États-Unis, France, Canada, Union européenne, OEA, ONU).
L’exportateur de bananes Jovenel Moïse l’emporte avec 32,76 % des voix devant, une fois de plus, le dauphin de René Préval, Jude Célestin, de la Ligue alternative pour le progrès et l’émancipation d’Haïti – une formation de centre droit. Crédité de 25,29 % des suffrages, Célestin dénonce « une farce ridicule ». De nombreux autres candidats – Sauveur Pierre Etienne, Moïse Jean-Charles, Jean-Henry Ceant, Steeven Benoit I., Charles Henry Baker, Eric Jean-Baptiste et Samuel Madistin – annoncent avec lui qu’ils ne reconnaissent pas les résultats et réclament une commission d’enquête indépendante.
Il en faudrait davantage pour émouvoir la « communauté internationale ». Selon la mission d’observation de l’OEA, la journée électorale s’est globalement bien déroulée. Du côté du gouvernement étatsunien, de l’ONU et de l’Union européenne, on ne cesse de se féliciter et d’exhorter à ce que le processus électoral soit mené à son terme au plus vite, c’est-à-dire, comme prévu, le 27 décembre.
Malgré ces diktats, la pression grandissante de la rue ne le permettra pas. Le 21 décembre, le CEP doit annoncer le report du second tour de la présidentielle et des législatives partielles au 24 janvier 2016. Meetings et manifestations se multiplient à travers le pays, provoquant un nouveau renvoi sine die des scrutins à une date ultérieure. Washington s’énerve : l’administration de Barack Obama a dépensé 33 millions de dollars pour organiser ces « élections » ! Au lieu de se soumettre, les protestataires sont galvanisés. Le 7 février, Martelly termine son mandat sans pouvoir transmettre le pouvoir à un successeur. Le 14, au terme d’une longue séance de nuit, sans base légale ni constitutionnelle, le Parlement élit Jocelerme Privert « président provisoire » pour cent vingt jours.
Aucune solution n’a été trouvée lorsque ce mandat d’un nouveau type se termine le 14 juin. Malgré l’opposition de l’ambassadeur des États-Unis, Peter Mulrean, une Commission indépendante de vérification et d’évaluation électorale a été créée. Le 26 mai, après un mois de travail, son président François Benoit a remis son rapport et, en précisant qu’il était notamment impossible de retracer l’origine de 40 % des votes, a affirmé : « Il serait juste et équitable que, au moins au niveau des élections présidentielles, le processus soit repris à zéro. »
Il devient de plus en plus difficile de passer outre. Le 6 juin, sous la pression des foules, des défilés et des rassemblements « anti-ingérence », le président du CPE Léopold Berlanger annule le scrutin contesté et informe que les deux tours d’une nouvelle présidentielle auront lieu le 9 octobre et le 8 janvier 2017. Devant tant d’impudence – une décision souveraine ! – les puissances impériales s’étranglent. « Le peuple haïtien mérite que sa voix soit écoutée et non différée », s’emporte à Washington le porte-parole du Département d’État. Tout aussi irritée, l’Union européenne décide de suspendre sa mission d’observation électorale, dirigée par l’espagnole Elena Valenciano.
Les vagabonds, le sans-abris, les sans ressources, les infirmes et les enfants abandonnés subissent un nouveau coup du sort le 4 octobre lorsque l’ouragan Matthew dévaste le sud du pays. Plus de 540 morts : cette nouvelle tragédie oblige à reporter le premier tour de la présidentielle, qui aura finalement lieu le 20 novembre 2016.
Bénéficiant d’un financement direct des États-Unis à travers l’USAID, le PHTK de Jovenel Moïse peut se permettre de faire une campagne nationale. C’est donc son candidat qui l’emporte au premier tour avec 55,67 % des voix, devant Jude Célestin (19,52 %), Jean-Charles Moïse (Piti Dessalines ; 11,04 %) et Maryse Narcise (Fanmi Lavalas ; 8,99 %). Trois des neuf membres du CEP refusent de signer la feuille des résultats. Seuls 21 % des 6,2 millions d’électeurs se sont déplacés pour voter.
Corruption au plus haut niveau
Mieux vaut tard que jamais ! Le 5 janvier 2017, Guy Philippe, narcotrafiquant notoire, ancien militaire, ex-commissaire principal de police, entraîné par les forces spéciales américaines en Équateur dans les années 1990 et « commandant en chef » des « Forces armées du Nord » qui ont contribué au renversement d’Aristide en 2004, est détenu par la brigade haïtienne de lutte contre le trafic de stupéfiants et des agents américains de la Drug Enforcement Administration (DEA), puis immédiatement extradé aux États-Unis. Un mandat d’arrêt émis par la DEA pesait sur lui depuis dix ans, sans que personne ne pense vraiment à l’arrêter. Mais, fraîchement élu sénateur du département de la Grand’Anse pour le compte d’une plateforme, le Consortium national des partis politiques (CNPP), alliée du PHTK, il allait bénéficier de l’immunité parlementaire. Le couperet tombe quatre jours avant qu’il ne prête serment. Sans faire plaisir à tout le monde. Le 15 mars, le Sénat de la République votera une résolution condamnant l’arrestation et la déportation vers les États-Unis de tout citoyen haïtien, « notamment celle du sénateur élu de la Grand’Anse Guy Philippe » [9].
Le 18 janvier, quelques jours avant la prestation de serment du 7 février, et deux précautions valant mieux qu’une, quatre députés ont instamment demandé au nouveau président du Sénat, Youri Latortue, et au bureau de l’Assemblée nationale de clore l’enquête ouverte contre celui qui vient d’être élu chef de l’État, mais ne jouit pas encore de l’impunité attaché à la fonction, Jovenel Moïse, pour des soupçons de « blanchiment » d’argent. Une entreprise qu’il a dirigée a été identifiée comme bénéficiaire de fonds pour un projet de construction d’une route sans signature de contrat.
Sénat et Assemblée se montrent compréhensifs : ils ne s’attardent pas sur ces soupçons. Le risque définitivement écarté, Moïse prête serment et nomme premier ministre le président du Rotary Club, Jack Guy Lafontant.
Aristide avait supprimé les Forces armées ; Moïse les rétablit quand se répand la nouvelle que, motivés par « le retour à l’ordre constitutionnel », les casques bleus de la Minustah vont quitter le territoire le 15 octobre. Après treize années d’une présence perçue comme une occupation, celle-ci n’a jamais su se gagner la confiance des Haïtiens. De plus petite taille, une Mission des Nations unies pour l’appui à la justice en Haïti (Minujusth) prend le relais pour contribuer à la formation de la police haïtienne (14 000 membres pour 11 millions d’habitants).
Toutefois, à partir de juillet 2018, c’est le ressentiment populaire qu’alimentent des révélations sur les avantages présumés des fonctionnaires, le débat sur l’utilisation discutable des fonds Petrocaribe et l’augmentation des prix des combustibles qui relancent la tension. Puis l’insurrection populaire. « Environ trois milliards des fonds de Petrocaribe ont été gaspillés durant le gouvernement de Martelly, s’indigne Henry Boisrolin, du Comité démocratique haïtien, et, quand on lui a demandé ce qui s’est passé avec cet argent, il a répondu qu’il avait construit les hôtels Marriott, Oasis, etc. Ce sont les hôtels qui ont été attaqués, où des autos ont été incendiées et où de nombreuses choses ont été détruites. C’est une tromperie. Un président qui quitte le pouvoir et reconnaît qu’il a acheté une maison pour 9 millions de dollars, puis prétend qu’une banque les lui a prêtés. Un ex-président qui demande un hélicoptère à la République dominicaine pour fuir le pays avec sa famille [10]… »
De la quinzaine d’anciens ministres et hauts fonctionnaires épinglés par l’enquête du Sénat, aucun n’a été poursuivi. Pas plus que les banques qui les ont aidés dans leurs détournements de fonds. Confronté aux marées humaines descendues dans les rues, à l’appel du mouvement #PetroCaribeChallenge, le président Moïse, le 18 octobre 2018, appuie l’ouverture d’une enquête. Le 19 novembre, le dos au mur, les représentants des trois pouvoirs de l’État se retrouvent pour se pencher sur la crise politique, économique et sociale qu’affronte le pays. La répression s’abat. Féroce. Indiscriminée.
« Il n’est plus possible d’ignorer les évènements de La Saline [un quartier réputé hostile au pouvoir], estime le quotidien Le Nouvelliste, le 4 décembre. En plein jour, des hommes armés assoiffés de sang, des membres de gangs connus, appuyés (…) par un blindé de la BOID [Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale de la Police nationale] ont tué hommes, femmes, enfants, charcuté et brûlé des cadavres ».
Aide humanitaire
Début 2019, un nouveau scandale fait exploser les secteurs populaires de colère et de frustration. Grâce à Hugo Chávez et Nicolás Maduro, le Venezuela est le pays du monde qui, ces vingt dernières années, a le plus aidé Haïti. Le 10 janvier, alors que Maduro, réélu avec 67,84 % des votants, prêtait serment pour son second mandat (2019-2025), le secrétaire général de l’OEA Luis Almagro, chaque jour un peu plus à la botte de Washington, a convoqué une session extraordinaire et Haïti a été l’un des dix-neuf pays (sur trente-quatre) qui ont annoncé ne pas reconnaître le chef de l’État vénézuélien. Un coup de poignard dans le dos au plus fort de la tentative de coup d’État qu’organisent l’Empire et ses supplétifs latino-américains et européens.
Dès lors, une rage totale, sans merci, définitive, s’empare des opposants. Scènes chaotiques, pillages, émeutes en février. Les mouvements, syndicats, partis et dizaines de milliers d’anonymes avancent trois revendications : la démission immédiate de Jovenel Moïse ; le jugement et la condamnation des responsables du pillage du Fonds Petrocaribe ; l’appui au gouvernement vénézuélien et le rejet de l’ingérence américaine dans les affaires de la région.
Jovenel ne semble pas saisir la nature des événements lorsqu’il déclare, de façon irresponsable, « je ne mettrai pas le pays entre les mains de bandes armées et de narcotrafiquants », ravivant la colère de la population.
La peur étreint le milieu des affaires. Le 15 février, Washington appelle Port-au-Prince à faire ce que la « société civile » et surtout la Chambre de commerce et d’industrie d’Haïti (CCIH) recommandent : l’ouverture d’un dialogue, des améliorations politiques et économiques, et une lutte contre la corruption. Dès le lendemain, le premier ministre Jean-Henry Céant obtempère et annonce quelques mesures – réduction de 30 % du budget de son propre bureau ; audit de tous les organismes autonomes de l’Etat afin de récupérer les fonds détournés ; assainissement des douanes, suppression des monopoles, relèvement du salaire minimum journalier ; nomination de nouveaux directeurs des institutions de lutte contre la corruption ; mise en place de conseils d’administration à la tête des organismes autonomes de l’État ; réhabilitation du Fonds de développement industriel (Fdi) ; diminution des prix des produits de première nécessité.
Il ne manquait qu’un grand classique à ce déchaînement de violence pendant lequel des manifestants ont été assassinés par dizaines : le chapitre « barbouzerie ». Celui-ci a surgi le 18 février lorsque la police a appréhendé huit individus – cinq américains, un serbe et un russe résidant aux États-Unis, un haïtien – en possession d’un véritable arsenal : 6 fusils d’assaut, 5 pistolets Glock, 15 chargeurs de fusil d’assaut, environ 500 cartouches, 3 téléphones satellitaires, plusieurs plaques d’immatriculation et 2 drones professionnels. L’un d’entre eux, un ancien « marine » à la longue trajectoire militaire, Kroeker Kent Leland, figure comme associé et chef d’opération de Kroeker Partners, une compagnie de sécurité privée (CSP) basée à Baltimore, dans l’État de Maryland, aux États-Unis. Les autres américains – Christopher Michael Osman, Christopher Mark McKinley, Talon Ray Burton et Dustin Porte – sont d’anciens officiers de l’US Navy.
Selon la police haïtienne, ces hommes ont affirmé participer à une « mission gouvernementale » après avoir été interpellés. Sans doute pas au courant, le premier ministre Jean Henry Céant, les a dans un premier temps qualifié de « mercenaires » et de « terroristes ». Ce qui a amené le gouvernement américain à intervenir. Et, après que des conseillers du président Moïse aient tenté de soustraire les détenus aux autorités policières, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Jean Roudy Aly, à autoriser leur retour aux États-Unis. Le jour même, ils quittaient l’aéroport international de Port-au-Prince sur un vol commercial d’American Airlines à destination de Miami.
Attendus à leur arrivée, ils ont déclaré aux autorités américaines qu’ils se trouvaient en Haiti pour assurer la sécurité privée d’un « homme d’affaires » travaillant pour le compte du gouvernement haïtien. Bien qu’ayant été arrêtés en Haïti en possession d’un arsenal de guerre totalement illégal et plus que suspect, ils ont été immédiatement libérés, après avoir été simplement « débriefés » [11].
Le 26 février, le président Jovenel Moïse a procédé à l’installation d’un Comité de facilitation du dialogue inter-haïtien de sept membres. Toutefois, avant même se présentation publique, deux de ses membres avaient déjà jeté l’éponge – dont Charles Suffrard, issu d’organisations paysannes. De son côté, n’ayant rien abandonné de ses revendications, le regroupement Konbit òganizasyon politik, sendika ak popilè projette de nouvelles journées de mobilisations, pour continuer, entre autres objectifs, d’exiger le départ du président Jovenel Moïse.
Le 1er mars dernier, en visite à Port-au-Prince pour discuter avec les dirigeants du secteur politique, du secteur privé et de la « société civile », le numéro trois du Département d’État aux affaires politiques David Hale, a averti haut et fort les « décideurs politiques », mais surtout ceux de l’opposition, que « les États-Unis, n’accepteront pas qu’Haïti devienne une menace pour la région ». Genre : « elle est déjà très menacés par Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. » Il a ajouté que l’administration Trump « mettra tout son poids dans la balance » pour forcer les protagonistes à discuter « pour sortir le pays d’une crise politique qui a trop durée ».
Ses déclarations n’ont pas obtenu un franc succès auprès de l’opposition radicale qui se méfie comme de la peste de la prétendue position de conciliation de Washington. Selon André Michel, l’un de ses porte-parole, « les Américains ne comprennent pas bien la crise politique haïtienne ». Plus direct encore, Jean Clarens Renois, candidat présidentiel en 2015 pour le compte de l’Union nationale pour l’intégrité et la réconciliation, a tranché : si resurgit un fort mouvement populaire, « la rue sera plus forte que les États-Unis ».
En attendant, à travers son dernier rapport trimestriel (1er mars 2019) adressé au secrétaire général des Nations unies, la Minujusth vient de souligner que « les conditions de vie de la population haïtienne se détériorent de plus en plus ». Selon ce rapport, et pour l’ensemble du pays, 5,5 % et 27 % des personnes interrogées se trouvent respectivement dans des situations d’urgence et de crise alimentaire ; 2,26 millions de personnes sont classées comme étant en situation d’insécurité alimentaire « et ont besoin d’une aide humanitaire à cet égard » [12].
Quelqu’un pourrait-il en aviser Donald Trump, son vice-président Mike Pence, son conseiller à la sécurité nationale John Bolton, son secrétaire d’État Mike Pompeo, le président colombien Ivan Duque ainsi que le « président » vénézuélien fantoche autoproclamé Juan Guaido (et même Emmanuel Macron) ? Plutôt que de laisser pourrir dans la ville colombienne et frontalière de Cúcuta, la pseudo « aide humanitaire » que trois avions cargo C-17 de l’armée américaine ont déposé pour organiser un show destiné à déstabiliser le Venezuela, que ne redirigent-ils ces cargaisons inutiles en direction d’Haïti, pays qui en a réellement besoin et ne les refusera pas ? Il est vrai que la concurrence risque d’être rude en cas de relocalisation. Affecté par la fermeture de la frontière qu’a entraînée la rupture des relations diplomatiques entre la Colombie et le Venezuela, le maire de Cúcuta, César Rojas, critique vertement le président Ivan Duque pour les conséquences négatives que subit sa ville du fait de la politique irresponsable qui en a fait l’épicentre d’un véritable fiasco. Lui aussi réclame désespérément une aide. Située dans une province, le Nord Santander, où deux municipalités atteignent 92 % de pauvreté, Cúcuta est l’une des villes les plus misérables de Colombie, avec, en ce qui la concerne, 34 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.
Source : Mémoire des luttes
Notes
[1] AlterPresse, Port-au-Prince, 13 juillet 2018.
[2] Lancé en 2006 par le président Hugo Chávez, Petrocaribe permet à dix-sept pays d’Amérique latine et des Caraïbes d’acquérir des produits pétroliers à un coût avantageux et de payer leurs factures sur 25 ans à un taux d’intérêt de 1 %.
[3] Selon Allen Weinstein, l’homme qui a créé la NED à l’époque de l’administration Ronald Reagan, « une grande partie de ce que nous faisons aujourd’hui l’était déjà, mais en secret, par la CIA, voici 25 ans ». (Washington Post, 21 septembre 1991).
[4] La contamination a été causée par les eaux usées et une grande quantité de matières fécales directement déversées dans un affluent de la rivière Artibonite, près de laquelle était installé le campement de la Minustah.
[5] « Des élections fondamentalement viciées en Haïti », Center for Economic and Policy Research (CEPR), Washington, janvier 2011.
[6] Frédéric Thomas, L’échec humanitaire. Le cas haïtien, Centre tricontinental (Cetri), Charleroi, 2013.
[7] Benjamin Fernandez, « Quand Monsanto vient au secours d’Haïti », Le Monde diplomatique, juin 2010.
[8] Présidente du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes de 2006 à 2015, Mirlande Manigat est l’épouse de Leslie Manigat, brièvement chef de l’État du 7 février au 20 juin 1988, date de son renversement par les militaires.
[9] Le 21 juin 2017, Guy Philippe a été condamné à une peine légère de neuf ans de prison par la justice américaine pour blanchiment d’argent – entre 1,5 et 3,5 millions de dollars entre 1999 et 2003 – provenant de la drogue.
[10] http://www.rebelion.org/noticia.php?id=244087
[11] D’après l’une des thèses qui circule (et que nous ne confirmons ni n’infirmons, faute d’informations de première main), la mission en Haïti de Kroeker Partners – spécialisée dans la protection d’infrastructures critiques (ports, aéroports, centrales électriques, banques) – était « top secret ». Seuls quelques membres de l’Exécutif en étaient informés, la Police nationale n’ayant pas été impliquée en raison d’un manque de confiance dans sa direction.
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