Cependant cette sortie ne peut se faire dans un tour de clé comme une fermeture d’usine ou d’une centrale thermique ; la fermeture de Gentilly 2 va demander la mise en place d’un plan d’action sur quelques décennies et représentera des coûts importants.
La façon la plus harmonieuse pour y arriver sera la création, un peu comme en Angleterre, d’un organisme qui sera responsable de superviser toutes les opérations de déclassement de la centrale jusqu’à la restauration complète du site et d’élaborer une stratégie pour la gestion du combustible irradié. Hydro-Québec devrait sortir immédiatement Gentilly 2 de ses livres par un transfert de propriété de la centrale vers cet organisme avec la provision d’environ 700 millions de dollars qu’il y a présentement aux livres de la société d’état pour cette fermeture. Le gouvernement assurera au cours des ans les flux monétaires additionnels nécessaires pour compléter l’opération. Ceci enlèverait l’obligation à Hydro-Québec de prendre une charge de 1,5 à 2 milliards de dollars dans le trimestre où une telle annonce serait faite.
Ce secrétariat atomique québécois serait dans une position unique pour créer à Gentilly un centre d’excellence en déclassement nucléaire. En effet, la petite centrale Gentilly-1, qui a fonctionné à peine une centaine de jours est en dormance depuis environ 40 ans. Son niveau de radioactivité est assez réduit pour que l’on commence le démantèlement. Comme elle appartient au gouvernement fédéral, on pourrait obtenir d’Ottawa ce contrat de démantèlement qui permettrait de développer une expertise dans ce domaine.
Le développement de cette expertise permettra non seulement de maintenir un niveau d’emploi plus important, mais aussi de réduire les coûts nécessaires pour démanteler Gentilly 2. Avec une centaine de centrales qui arriveront bientôt à la fin de leur vie aux USA, au coût unitaire d’environ un milliards de dollars uniquement pour leur déclassement, le combustible irradié étant la propriété du gouvernement américain, on voit donc que c’est une industrie de près 100 milliards de dollars qui va se développer et où l’on pourra avoir une longueur d’avance grâce à Gentilly-1 si on joue bien nos cartes.
Quelle que soit la stratégie retenue pour procéder au déclassement de Gentilly2 et pour mettre en place un plan de gestion à long terme du combustible irradié, elle devra être transparente et obtenir un vaste appui populaire. L’annonce de la sortie du nucléaire devrait créer un climat favorable à une large acceptation sociale d’un plan bien présenté.
La création d’un secrétariat atomique québécois pourrait contribuer largement à l’instauration d’un tel climat favorable tout en retirant des livres d’Hydro-Québec ce boulet économique sans pour autant imposer une charge immédiate au gouvernement qui pourra étaler les dépenses additionnelles sur vingt ou trente ans.
Même si l’arrêt du réacteur et le retrait du combustible du cœur du réacteur va diminuer de beaucoup les risques et l’ampleur d’un désastre atomique éventuel à Gentilly, tant qu’une solution acceptable pour l’évacuation des 2500 tonnes de combustible irradié qui y sont accumulées ne sera pas trouvée, le risque de contamination va demeurer élevé.
Un tel secrétariat pourra assurer la population que les opérations qui risquent d’impliquer des mouvements de matières dangereuses se feront en respectant des normes de sécurité les plus élevées. Le personnel d’opération demeurerait à l’emploi d’Hydro-Québec qui deviendrait un sous-traitant de ce secrétariat dont le conseil serait composé de représentants du Gouvernement, d’Hydro-Québec et d’experts indépendants. Une toute petite équipe serait nécessaire pour assurer le fonctionnement de ce secrétariat.
Espérons que la décision d’arrêter la production électrique à Gentilly ne tardera pas et que le déclassement pourra débuter au plus tôt.
Jacques Dagenais
Intervenant privé à Gentilly 2 depuis 1999.