Déjà que les conservateurs s’en sont donnés à cœur joie dans les coupures sociales, il fallait que les libéraux en rajoutent : coupures en santé publique, en éducation, dans les garderies, à l’aide sociale, dans le financement des groupes communautaires. Les femmes, en trop grand nombre, en subissent les conséquences douloureusement. C’est ce que constate l’auteure.
Dans son avant-propos, Aurélie Lanctôt rappelle que « le désamour des libéraux n’est ni de la haine ni du mépris, c’est une froide indifférence au sort que réserve l’austérité aux femmes ».
De plus, elle met en évidence que le projet politique actuel des libéraux met un frein brutal à l’atteinte de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes.
Pour faire sa démonstration, l’auteure puise ses données du mémoire de la Fédération des femmes du Québec présenté, dans l’indifférence totale, lors de la Commission des finances publiques du Québec , au printemps dernier. À cette occasion, le ministre des finances, Carlos Leitão, et la ministre de la condition féminine, Stéphanie Vallée, ont affirmé que le budget était neutre et que les mesures « de rigueur budgétaire » (lisez « d’austérité ») ne toucheraient pas plus les femmes que les hommes.
L’auteure rappelle que « Au cours des sept dernières années, les budgets du secteur public ont fondu comme neige au soleil et depuis 2010, la masse salariale des employés du secteur public a été amputée de près de trois milliards de dollars. Or, au Québec, le tiers des femmes qui travaillent occupent un emploi dans le secteur public, et les trois quarts des employés de l’État sont des femmes. »(p.16)
L’auteure alimente également son essai des données tirées des recherches de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques portant sur les impacts des mesures d’austérité chez les femmes.
De plus, elle aurait pu souligner que les travailleuses du secteur public, dans la fonction publique notamment, se retrouvent dans les emplois administratifs, souvent dans la mire des coupures du gouvernement. Plusieurs d’entre elles occupent des emplois précaires sans sécurité d’emploi et se retrouvent au chômage suite à l’application des mesures d’austérité.
Ce groupe d’employées n’est pas assez mis en évidence dans le livre à mon avis.
Elle écorche au passage les soi-disant féministes de la classe dominante qui occupent des emplois bien rémunérés dans les hautes sphères financières. Celles-là même qui sont les apôtres du « qui veut peut ». L’auteure critique au passage la parité. Je la cite : « Cela dit, même le jour où nous aurons la parité dans les conseils d’administration et que les directrices d’entreprise gagneront les mêmes salaires que leurs collègues masculins, nous ne vivrons pas dans un Québec beaucoup plus juste et libre si, en contrepartie, l’écrasante majorité des femmes voient sans cesse leurs conditions de vie se détériorer. » (p. 27)
Elle cible les politiques néolibérales et la nécessité d’un changement drastique de notre façon de voir la société, et tout particulièrement, l’économie au détriment des mesures sociales.
Le chapitre sur la restructuration de l’État, la réduction de ses fonctions à la seule surveillance des intérêts économiques privés est d’une acuité remarquable. Elle rappelle les constats de l’IRIS : chaque million investi dans le secteur public créera en moyenne 14,22 emplois, alors que ce même million investi dans le secteur primaire n’en créera que 8,57. (p.38)
La dette et les mesures d’austérités sont bien expliquées concrètement.
L’actualité nous démontre clairement que le but visé par le gouvernement Couillard est d’enrichir ses amis les plus riches. Il trouve bien de l’argent pour les médecins spécialistes et Bombardier. Cependant les plus pauvres, et tout particulièrement les femmes, doivent faire les frais des mesures d’austérité.
Aurélie Lanctôt conclut que « de tous les mouvements sociaux, le féminisme semblait le seul encore en mesure de progresser significativement. La Marche mondiale des femmes, mouvance d’envergure internationale née dans la foule de la marche du pain et des roses de 1995, témoignait de cet élan. Tout observateur raisonnable pouvait conclure que la longue marche vers l’égalité réelle était irréversible.
Mais les libéraux, avec l’austérité, ont trouvé un frein capable d’arrêter sec cette progression historique. D’une compression budgétaire à l’autre, ils s’en prennent aux enseignantes, aux infirmières, aux fonctionnaires et aux travailleuses du milieux communautaires ou des services sociaux ». (p.118-119)
Mais, M. Couillard, les femmes sont courageuses, elles n’arrêteront pas de se battre pour une société plus juste et égalitaire et …elles ont la mémoire longue !
Lanctôt, Aurélie. Les libéraux n’aiment pas les femmes. Essai sur l’austérité. Montréal, Lux Éditeur, 2015.
Monique Voisine
Militante féministe