Notre prochain objectif sera de remporter les élections de 2022, ce qui va demander de doubler nos appuis. Nous avons obtenu environ 650 000 votes le 1er octobre dernier. La CAQ a remporté un gouvernement majoritaire avec 1,5 million de suffrages. Mais pour nous, ce n’est qu’un début. Pour réaliser notre projet politique, il faudra aussi remporter le référendum sur l’indépendance environ trois ans plus tard, ce qui implique de les doubler à nouveau.
En effet, on peut présumer que le taux de participation lors d’un tel référendum sera équivalent à celui de 1995 (93,25%), par opposition aux 66% de la dernière élection. La population ayant augmenté significativement entre 1995 et 2025, le nombre total de personnes inscrites sur la liste électorale devrait alors être supérieure à 6,2 millions. Remporter le référendum nous impose donc d’obtenir au moins 3 millions de voix.
Pour y arriver, il va falloir rallier largement la population autour de notre projet dans toutes ses dimensions essentielles. Il faut donc cesser de penser et termes défensifs ou viser à se tailler une niche politique avec nos sujets de prédilection, notre base naturelle, etc. Il n’y a plus de petits sujets, plus de débats à éviter, plus de clientèle cible ou au contraire négligeable. Ce qui ne signifie pas qu’on n’ait pas de priorités ou de stratégie de communication ou de campagne. Seulement, il faut désormais être capables de parler de tout, avec tout le monde.
Nous ne devons pas seulement attaquer nos adversaires sur leurs points faibles (l’environnement pour la CAQ, par exemple), mais aussi chercher à l’emporter là où ils se croient forts. Nous devons être perçus de plus en plus comme de meilleurs vecteurs de changement et de renouvellement de la vie politique que la CAQ, comme de meilleurs promoteurs du projet indépendantiste que le PQ et comme de meilleurs défenseurs des droits des personnes et des minorités que le PLQ.
Ce dernier point est essentiel. Pour arriver à 3 millions de votes, il va falloir convaincre une bonne partie de l’électorat fédéraliste et de la clientèle traditionnelle du PLQ. Nous n’y arriverons pas en étant associés de près ou de loin au nationalisme conservateur qui a contaminé la CAQ et le PQ et inspiré tant la Charte des valeurs que l’éventuel Test des valeurs.
Sur les signes religieux
Ceci nous amène en toute logique à une prise de position favorable à l’option B dans le débat sur les signes religieux au prochain conseil national. Rappelons que l’option A reprend la notion du rapport Bouchard-Taylor de l’interdiction des signes religieux pour les personnes en « autorité coercitive », c’est-à-dire les fonctions de juge, procureure de la couronne, policières ou policier, ainsi que gardien ou gardienne de prison. L’option B affirme qu’il ne devrait pas y avoir de règle particulière concernant les signes religieux pour certaines professions. Elle reprend les quatre critères énoncés au programme comme les seuls possibles pour restreindre le port de ces signes.
L’option A est une solution en quête d’un problème. Nulle part au Québec le fait qu’une personne exerçant une de ces fonctions portait un signe religieux n’a été la cause d’un problème quelconque. Les personnes qui exercent ces professions sont déjà sujettes à des codes de déontologie, des normes et des règles diverses ; et les personnes qui s’estiment lésées par des actions ou des décisions biaisées de leur part ont des recours légaux. Les partisans de cette option inventent donc des situations conflictuelles imaginaires ou défendent des théories.
Par contre, les conséquences de l’application d’une telle mesure sont, quant à elles, bien concrètes et visent de vraies personnes. On parle, pour les personnes directement affectées, de pertes d’emplois ou d’abandon de choix de carrière. Indirectement, les personnes qui portent ces signes religieux dans d’autres corps d’emploi, même dans le secteur privé, sont stigmatisées par les discours politiques, ce qui encourage les pires racistes à passer à l’acte en espérant bénéficier de l’impunité.
C’est aussi la garantie de problèmes à venir. Une loi reprenant cette idée serait certainement contestée, et avec succès, dans nos tribunaux, sur la base de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Ce n’est pas pour rien que le gouvernement de la CAQ évoquait déjà avant son élection la nécessité de recourir à la clause dérogatoire. Celle-ci doit être renouvelée tous les cinq ans. L’option A est donc la garantie d’une crise politique sur la question des signes religieux au minimum à tous les cinq ans. Aucun gouvernement futur ne pourra y échapper tant que nous n’aurons pas opté pour le respect des droits de toutes et tous.
Seule l’option B permet de régler la question une fois pour toutes, avec clarté et fermeté. Nous n’allons pas légaliser certaines formes de discrimination. Nous rejetons l’idée que les personnes doivent cacher leur appartenance religieuse pour exercer certaines professions. Nous dénonçons comme un préjugé sans fondement l’idée que ces personnes seraient moins professionnelles ou incapables d’impartialité. Nous refusons de reconnaître un « droit de ne pas savoir » à quelle confession religieuse appartiennent les personnes que nous côtoyons, peu importe dans quel contexte.
Je suis profondément convaincu que nous pouvons gagner ce débat dans la population. Nous pouvons le faire bien mieux que les Libéraux précisément parce qu’il est lié, pour nous, à un projet collectif ambitieux, celui de la réalisation de l’indépendance à travers une démarche collective ouverte à toute la population, dans sa plus grande diversité. Nous n’opposons pas les droits individuels et le projet collectif. C’est en respectant les droits de tous et toutes et par une politique d’inclusion que nous pouvons rassembler toute la population autour de la recherche du bien commun. C’est en proposant une indépendance avec du contenu démocratique, social et écologique que nous pourrons rallier plus de 3 millions de Québécoises et de Québécois de toutes origines et de toutes les convictions spirituelles à notre projet. Se contenter d’horizons plus étroits ne peut mener qu’à l’échec, la démobilisation et le triomphe de la politique du ressentiment et de l’individualisme exacerbé.
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