Au nom des 65 comités de citoyens représentant plusieurs dizaines de milliers de citoyens préoccupés par le développement de cette filière sur le territoire où ils habitent, nous, du Regroupement Interrégional sur le Gaz de Schiste de la Vallée du Saint-Laurent (RIGSVSL) ne reconnaissons pas la légitimité du comité de l’ÉES qui a été constitué.
Nous dénonçons avec vigueur le parti-pris du comité qui accepte la présence de représentants des compagnies gazières et exclut tout représentant reconnu par les groupes écologistes et les comités de citoyens.
Nous dénonçons avec vigueur que l’étude enclenchée exclut d’emblée la pertinence du développement de cette ressource énergétique dans le contexte de l’ensemble du développement énergétique du Québec, de la lutte aux GES et du développement agricole dans la Vallée du Saint-Laurent.
Depuis le début des travaux de l’industrie sur le territoire que nous habitons, des milliers de citoyens se sont préoccupés des impacts de développement de cette ressource qui demeure, est-il besoin de le rappeler, une propriété collective, qui pourrait devenir une épine au pied de la majorité de la population. Au-delà des lignes de partis politiques et des groupes de pression, l’engagement des citoyens a suscité une importante mobilisation pour la défense des intérêts de la population. Cet automne, une cinquantaine de citoyens bénévoles se sont rendus à leurs frais en Pennsylvanie, pour voir à la défense de l’intérêt public. Ce n’est pas le coeur qui manque à l’ouvrage...
Aujourd’hui, le délai trop court réservé à la présente consultation confirme pour nous le manque de respect à l’égard des citoyens qui n’ont pas les moyens du puissant lobby de l’industrie pour veiller à la préparation de ses représentations. En outre, l’absence d’un représentant des citoyens au sein du comité révèle un manque flagrant de sens démocratique. Ce n’est pas ce traitement que tant de dévouement citoyen mérite.
L’industrie et le gouvernement, dont les préjugés favorables à l’industrie gazière sont connus, représente l’importante majorité des membres de ce Comité, ce qui nous incite à douter de son objectivité dans l’accomplissement de son mandat. Ce faisant les travaux qui sont en cours et les conclusions qui en émaneront risquent sérieusement de manquer d’impartialité et... de crédibilité.
En réponse aux critiques de notre regroupement, Robert Joly, président de l’ÉES déclarait publiquement le 1er novembre dernier que « l’idée, ce n’est pas d’avoir des gens qui ont un parti pris pour ou contre cette industrie. Nous avons des gens avec des connaissances diverses afin d’aller chercher l’information la plus crédible et valide possible ». Madame Marianne Molgat, qui travaille pour la gazière Talisman Energy, fait partie du comité, n’a-t-elle pas un parti pris avoué ? Quel citoyen fera contrepoids à sa présence ?
Vous répondez : « Pour nous, il est primordial d’avoir quelqu’un qui connaît la manière dont les compagnies gazières fonctionnent. Les membres du comité ont signé un code d’éthique. Si Mme Molgat peut bénéficier d’informations privilégiées d’autres compagnies, elle va se retirer de ces discussions ».
Pourquoi ne pas avoir constitué un comité crédible aux yeux des citoyens ? Pourquoi ne pas tenir les membres de l’industrie à l’écart des travaux tout en exigeant leur disponibilité pour répondre aux questions soulevées par le comité ? L’objectif premier doit être la défense de l’intérêt public et non la promotion de l’industrie.
Les citoyens sont les premiers véritables experts de leur milieu de vie. Les agriculteurs sont les premiers experts des terres où ils oeuvrent. À titre de copropriétaires de la ressource, les citoyens sont non seulement les premiers interpelés par ce développement, mais leur préoccupation doit constituer la priorité des travaux du comité. C’est de l’avenir du bien-être collectif dont il sera question durant vos travaux d’étude.
Par conséquent, en tant que regroupement de citoyens, nous réitérons notre demande de voir nommer au moins un représentant des groupes de citoyens au sein de ce Comité. Cette présence s’impose : il en va de la crédibilité même de vos travaux. À défaut de quoi, l’acceptabilité sociale, qui demeure un des piliers fondamentaux du concept de développement durable, sera vraisemblablement discréditée.
Vous demandez à la population de faire connaître ses commentaires sur votre plan de réalisation. Constatant les délais que vous imposez, nous craignons que ces consultations superficielles ne servent qu’à cautionner, sous prétexte de consultation et de dialogue, la fabrication d’une fausse acceptabilité sociale.
Le printemps dernier, Michael Binnion président de Questerre affirmait que « L’ÉES (...) est en réalité moins un exercice méthodique, rigoureux et scientifique qu’un « exercice politique et éducatif » qui permettra aux Québécois d’apprivoiser une industrie étrangère à leur culture et à la « bureaucratie francophone » de se mettre à l’heure de cette technologie ». Il ajoute que « l’industrie ne s’attend pas à grand-chose en étudiant six puits au Québec dans les deux prochaines années. On n’en apprendra pas plus que ce qu’on a appris en forant 40 000 puits ailleurs en Amérique. C’est un exercice pour les gens du Québec qui pourront s’éduquer sur cette question. Mais c’est plus important comme exercice politique pour convaincre les Québécois qu’on peut exploiter sécuritairement ».
Si on se fie aux commentaires de monsieur Binnion, membre influent de l’APGQ, votre mandat ressemble davantage à un exercice visant à convaincre la population du bien-fondé de la filière plutôt que de discuter et d’établir le bien-fondé véritable de cette filière énergétique.
En orientant vos études vers l’établissement de la pertinence socio-économique, les mesures d’atténuation ou de mitigation des technologies d’exploration et d’exploitation, vous tentez de rendre acceptable ce qui pour nous demeure inacceptable. Vous ne cherchez pas à établir, sereinement et posément, le bien-fondé ou non de la filière énergétique du gaz de schiste et ce, en rapport avec les autres énergies plus propres et renouvelables, mais bien de servir les intérêts d’un lobby puissant et du gouvernement qui s’en fait le promoteur au détriment de l’intérêt public.
Nous demandons que le comité de l’ÉES élargisse son mandat à l’étude de divers choix énergétiques en vue de les comparer et d’en recommander le développement. Nous pensons non seulement à l’énorme potentiel des économies d’énergie et de l’efficacité énergétique, mais aussi aux énergies hydrauliques, solaires, éoliennes, géothermiques ainsi qu’à la transformation des déchets organiques par la bio-méthanisation, etc. Nous croyons qu’il faut profiter de l’occasion d’étude et d’analyse pour identifier quelles filières énergétiques seront les plus prometteuses pour le Québec de demain.
Nous croyons qu’un moratoire complet demeure la voie privilégiée pour servir véritablement l’intérêt public et favoriser une étude adéquate de cette filière.
D’ici là, nous demandons à ce qu’un citoyen, désigné par notre Regroupement, soit Serge Fortier, siège au sein de ce Comité. De plus, nous demandons aussi qu’un représentant soit désigné par des groupes environnementaux, soit Kim Cornelissen, pour siéger au sein du comité environnemental stratégique.