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Arts culture et société

Ne me fais pas mal, Johnny

20 juillet 2020

À l’ère de Me Too et de la prise de conscience de la violence systémique dont sont victimes les femmes, on peut se sentir mal à l’aise en revisitant certaines chansons du répertoire français. Je ne parle pas ici des vieux réacs du genre Maurice Chevalier, mais je pense à deux cas de chansons écrites par des auteurs qu’il est bon de célébrer entre nous, gens de bonne conscience gauchisante.

Par exemple, la chanson de Boris Vian, Fais-moi mal, Johnny, me laisse aujourd’hui un sentiment partagé. Je n’en ris plus aussi franchement qu’autrefois. Certes, c’est de l’ironie, et la narratrice de cette histoire se rend compte que ce qu’elle désirait n’était pas tout à fait ce qu’elle a donné à entendre.

Mais, en même temps, cela ne correspond-il pas justement au fameux préjugé selon lequel une femme qui se fait violenter l’a bien cherché ? La signification du mot non n’est-elle plus valide si on est entré dans un jeu sado-maso ? À la lumière des accusations portées contre un ancien chef de parti politique au Québec, on serait pourtant bien avisé de se rappeler qu’en tout temps, il devrait être possible de dire non.

Je pense aussi à la superbe chanson de Michel Fugain Je rends mon tablier, dont les paroles de Pierre Delanoë illustrent la vacuité de la course folle au rendement dans nos sociétés industrielles. Mais, ça se gâche avec les vers suivants : « D’autant que je me suis laissé raconter/ Que les filles sauvages/ Ont l’énorme avantage/ De faire le ménage/ Sans jamais discuter... liberté ! »

Et voilà que la liberté est pour ces messieurs blancs, pas pour les naturels, encore moins pour les femmes. Voilà qui est franchement misogyne et colonialiste.

On me dira qu’il est difficile de juger d’une autre époque avec les critères d’aujourd’hui. Ce que je suis bien prêt à admettre. Cela a au moins le mérite de montrer à quel point on peut diffuser des préjugés racistes et des comportements sexistes sans s’en rendre compte. D’où l’importance des concepts de « racisme systémique » et de « sexisme systémique ».

Comme quoi il est loin d’être sûr qu’aujourd’hui, sans aucune mauvaise intention, on ne véhicule pas des préjugés et qu’on n’accrédite pas des comportements inappropriés.

Ça me réconcilie avec mon petit malaise quand je pense à ces chansons si cela me permet d’être mieux sur mes gardes.

LAGACÉ, Francis

Francis Lagacé

LAGACÉ Francis
8200, rue Hochelaga App. 5
Montréal H1L 2L1
Répondeur ou télécopieur : (514) 723-0415
francis.lagace@gmail.com.
www.francislagace.org
www.lesecritsfrancs.com

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