Publié le 19 novembre 2020
tiré de : Entre les lignes et les mots Lettre N°48 - 21 novembre 2020 : Notes de lecture, textes, pétitions, lien
La Convention Relative Aux Droits Des Personnes Handicapées de l’ONU, entrée en vigueur en 2008, et ratifiée par la France en 2009, rappelle dans son préambule les principes proclamés dans la Charte des Nations Unies sur « la reconnaissance de la dignité et de la valeur inhérentes à tous les membres de la famille humaine ». Elle s’appuie aussi sur le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 adopté par l’Assemblée Générale des Nations-Unies à Paris dans lequel est rappelé :
« la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ;
Dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’Homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».
Par conséquent, le présent manifeste insiste sur l’exigence de dignité que nous, personnes handicapées, réclamons dans notre désir de vie sexuelle et affective.
Nous, personnes handicapées, voulons vivre dans un environnement qui nous permet d’avoir une vie sociale, de rencontrer des partenaires, de choisir celle ou celui avec qui nous voulons avoir des relations sexuelles et affectives.
Nous nous opposons donc à toute disposition particulière et spécifique qui nous traite comme une entité homogène, sans tenir compte de la diversité des individus, qui ne fait que nous renvoyer dans l’exclusion et nous mettre en dehors de la société. Nous disons non à la discrimination sexuelle des personnes handicapées car nous sommes des individus à part entière au sein de la société et parce qu’il n’existe pas de besoins sexuels propres aux personnes en situation de handicap.
Nous, personnes handicapées, voulons sortir du tabou la sexualité afin qu’elle nous soit reconnue et facilitée et non plus refoulée et niée. Nous voulons affirmer notre autonomie.
Nous, personnes handicapées, refusons toute approche compassionnelle, envisagée comme un recours contre « la misère sexuelle » et tournée vers la satisfaction de « pseudo-besoins », essentiellement masculins. Car on sait que la demande d’« assistance sexuelle » vient à 95% d’hommes. Quant aux femmes handicapées, les violences qu’elles subissent pour la grande majorité d’entre elles, n’ont que depuis peu, grâce à nos appels et à nos alertes, suscité des réactions et ont été prises en considération. On se contente souvent de leur imposer une contraception non personnalisée.
Nous, personnes handicapées, voulons pouvoir établir des relations enrichissantes, peut-être stables, dans la durée. Notre demande affective est très forte.
Nous ne voulons pas de relations sexuelles marchandes et tarifées, nous ne voulons pas devenir une cible et un marché lucratif pour le système prostitutionnel. Nous nous opposons à la création de nouvelles formes de prostitution déguisée sous le nom de « assistance sexuelle » qui est en fait de la « prostitution pour hommes handicapés » qui, traités depuis l’enfance d’indésirables, exigent d’acheter le désir. Les industries du sexe voudraient, comme dans d’autres pays, la plupart pro-prostitution, faire de gros profits en s’emparant de ce « créneau », créant ainsi une brèche dans la loi de lutte contre le système prostitutionnel.
Nous, personnes handicapées, respectons la dignité des êtres humains comme nous voulons que la nôtre soit respectée.
Nous ne voulons pas être instrumentalisées et servir de prétexte pour justifier un « ajustement » des lois sur le proxénétisme et de la loi de 2016 sanctionnant l’achat d’acte sexuel, alors que la France est engagée dans la lutte contre le système prostitutionnel, les violences faites aux femmes et le trafic des êtres humains. Nos souhaits ne doivent pas se réaliser en instaurant des situations de sujétion pour compenser des difficultés et souffrances.
Nous, personnes handicapées, sommes capables, souvent autrement que les personnes dites « valides », de développer notre sexualité.
Nous ne voulons pas qu’on nous fournisse un nouveau service de soin, nous maintenant à domicile dans l’exclusion, dans une approche paramédicale, passéiste.
Nous, personnes handicapées, défendons l’égalité femmes-hommes.
Nous ne voulons pas reproduire une relation d’inégalité et de domination entre femmes et hommes, dans une vision du passé où le corps des femmes est à la disposition des hommes, où un homme achète le corps d’une femme et le domine par l’argent. Nous ne voulons pas de nouvelles « femmes de réconfort », avec toutes les dérives et violences inhérentes à cette situation.
Nous, personnes handicapées, qui pour la majorité, vivons dans la précarité, souvent sous le seuil de pauvreté, nous avons besoin de financements pour avoir un logement décent, un emploi valorisant et lucratif, des aides quotidiennes, des moyens de transport, des occasions de rencontre.
Nous nous opposons donc au financement par la sécurité sociale de formations et services sexuels dédiés aux personnes en situation de handicap et demandons que des financements soient mis à notre disposition, là où nous en avons besoin pour notre vie de citoyens et citoyennes.
Nous, personnes handicapées voulons qu’on respecte notre intimité.
Nous nous insurgeons contre le fait que les médias ressassent, avec délectation car il s’agit de sexe, le sujet de l’« assistance sexuelle », sans débat de fond, les journalistes pensant ainsi faire de l’audience. Nous ne voulons pas que notre sexualité alimente le voyeurisme des spectateurs et spectatrices, sans réel débat.
Nous, personnes handicapées, voulons qu’on nous laisse nous occuper nous-mêmes de notre vie affective et sexuelle alors que celle des personnes dites « valides » n’est souvent pas un modèle !
Nous leur refusons toute légitimité pour penser et agir au nom des personnes handicapées.
Nous, personnes handicapées, interpellons toute la société sur la sexualité : comment préparer les enfants et les jeunes à des relations sexuelles dans le respect de l’autre, à les informer de la richesse des différences, quelle place pour la sexualité dans une société de consommation, d’urgence et de pornographie, quel équilibre assurer entre liberté individuelle et contraintes sociales ?
Nous, personnes handicapées, souhaitons que la société change de regard sur notre sexualité et notre vie affective, sans nous stigmatiser mais en nous incluant dans la vie sociale.
Pour cela, nous, personnes handicapées, demandons :
Une éducation à la sexualité et la vie affective dès le plus jeune âge dans le respect de l’autre, de son essentiel « consentement », dans l’échange des désirs comme des plaisirs.
La déconstruction des stéréotypes et préjugés sur le handicap par une sensibilisation dans les établissements scolaires et par le mélange, dès la vie enfantine, des enfants et des personnes atypiques et différentes dans le même espace social. Cette déconstruction nécessite une formation des professionnel·les encadrant des personnes handicapées.
Une information sur les droits sexuels et reproductifs en particulier pour les jeunes filles et femmes : choix de la contraception, maternité, parentalité, sur l’accès à l’IVG.
Une information sur les droits sexuels et les responsabilités individuelles pour les jeunes garçons et les hommes : choix de la contraception, paternité, et respect permanent des désirs, hors des schémas pornographiques.
Le développement de l’accessibilité universelle des lieux de loisir, de sports, de travail, de vie sociale.
Le développement d’aides techniques pour favoriser la vie quotidienne des personnes en vulnérabilité quelles qu’en soient les raisons et les besoins
Ce Manifeste est soutenu par les signataires suivant.es :
AERAFEM, Association pour l’ERAdication des Féminicides à l’Echelle Mondiale
L’Amicale du Nid
L’Assemblée des Femmes
L‘Association Francophone de femmes autistes, Marie Rabatel, présidente
Collectif Féministe Contre le Viol
CIAMS Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution
CLEF – Coordination française pour le Lobby Européen des FemmesLe Conseil National des Femmes Françaises CNFF
CQFD Lesbiennes Féministes
Le réseau « Encore féministes ! »
Femmes du Monde et Réciproquement FMR
Femmes Solidaires
FNCIDFF, Fédération Nationale des Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles, Danielle Bousquet, présidente
Le Forum Femmes Méditerranée
Initiative Féministe EuroMed
L’Institut WOMEN SAFE
La Ligue du Droit International des Femmes
La Maison des Femmes Thérèse Clerc à Montreuil
La Marche Mondiale des femmes
Mémoire Traumatique et Victimologie, Muriel Salmona, psychiatre, présidente de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie
Le Mouvement du Nid
Osez le féminisme !
Regards de femmes
Le réseau féministe Ruptures
Les Survivantes
Réussir l’égalité Femmes-Hommes (REFH), Huguette Klein, présidente
Zéromacho, des hommes contre le système prostitueur et pour l’égalité femmes-hommes
Marie-Pierre Badré, Présidente du Centre Hubertine Auclert
Franck Benei, FNCIDFF
Blandine Boquet, Gynecologue obstétricienne travaillant en centre de planification et d’éducation familiale
Claudie Bougon-Guibert, Vice-Présidente du CNFF
Dr Chantal Brichet-Nivoit, Membre de MENSA-France, Correspondante de l’Académie d’éthique de la fac de médecine René Descartes, Université de Paris
Elda Carly, Présidente, EACP, Equipes d’Action Contre le Proxénétisme
Cécile Chard-Tombarel, Association Femmes-Au-Dela-Des-Mers
Irène Corradin, professeure retraitée, membre du collectif midi Pyrénées pour les droits des femmes
Blandine Deverlanges, professeuse, féministe
Nicole Fouché, vice-présidente de Réussir l’égalité Femmes-Hommes
Dre Annie Laurence Godefroy
Hélène Hernandez, Co-animatrice , Emission Femmes libres, Radio libertaire
Blandine Metayer, Actrice, Autrice
Florence Montreynaud, historienne
Maud Olivier, femme politique
Agnès de Préville, journaliste, essayiste, militante féministe (membre de REFH et du bureau de l’Assemblée des femmes).
Monique Radian
Claude Tapia
Toute personne ou association partageant les valeurs, arguments et demandes de ce Manifeste est invitée à nous communiquer sa signature ou son soutien à l’adresse suivante : claire.desaint@fdfa.fr
En complément possible :
Manifeste du Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE)
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2017/03/23/manifeste-du-collectif-lutte-et-handicaps-pour-legalite-et-lemancipation-clhee/
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