Le choix du Mali de quitter l’alliance militaire du G5 Sahel regroupant la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad est motivé par le refus de lui accorder la présidence tournante qui lui revenait de droit. Au-delà du symbole qui met à mal l’unité des États sahéliens, ce départ ne devrait pas avoir beaucoup de conséquences sur le dispositif militaire. Créée en 2014, cette structure a eu du mal à émerger par manque de financement. Si elle est effective depuis 2017, elle n’a jamais réussi à jouer un rôle prépondérant par rapport à la mission onusienne de la Minusma ou à l’opération française Barkhane. Les experts décrivent le fonctionnement de cette alliance comme une juxtaposition de coopérations militaires bilatérales sur les frontières des différents pays.
L’autre décision concerne la dénonciation de trois textes qui régissent la présence des forces militaires, françaises dans le cadre de Barkhane, et européennes avec Takuba. Pour les autorités de transition, cette rupture est avec effet immédiat alors que le Quai d’Orsay entend prendre son temps pour l’évacuation totale de ses troupes. Ces différences d’appréciation de timing peuvent être source d’incidents ou de conflits.
Un impérialisme en perte de vitesse
Cette rupture s’effectue dans le cadre d’un affaiblissement de la France en Afrique, comme le montrent les séries de manifestations contre la politique de Paris. Au Burkina Faso puis au Niger contre le passage du convoi de Barkhane, qui a provoqué la mort de trois personnes, sans qu’aucune enquête sérieuse n’ait été diligentée. À Dakar, les manifestations contre l’inculpation du principal opposant Omar Sonko ont été l’occasion de saccages des enseignes françaises. Tout récemment un scénario identique s’est produit à N’Djamena au Tchad.
Ce déclin de Paris est perceptible à tous les niveaux. Sa bévue diplomatique a poussé la République centrafricaine dans les bras des Russes qui n’en demandaient pas tant1. On voit aussi la baisse de son rayonnement économique et son incapacité à marquer des points significatifs dans le conflit du Sahel. Dit autrement, les djihadistes sont en train de gagner la guerre. Ce conflit, situé au nord du Mali au début de l’année 2012, s’est propagé sur une grande partie du Sahel et atteint désormais les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Togo.
Hollande, en déclarant bien imprudemment que l’opération Serval allait éradiquer le terrorisme, a non seulement donné des faux espoirs aux populations mais surtout a laissé penser que ce problème pouvait être traité militairement en délaissant les aspects politiques, économiques et sociaux qui nourrissent le conflit.
Si les récriminations justifiées des populations africaines contre la politique de la France ont bien été perçues par les services diplomatiques, les réponses du Quai d’Orsay n’ont pas été à la hauteur. Les quelques mesures cosmétiques annoncées au sommet Afrique-France de Montpellier n’ont pas eu l’effet escompté.
Les illusions perdues ou les illusions perdurent
La situation politique au Mali est des plus instables. Les autorités de ce pays viennent d’annoncer qu’elles ont déjoué un coup d’État, soit le quatrième depuis la prise du pouvoir par la junte. Dans le même temps les voix discordantes sont pourchassées et emprisonnées. Omar Mariko, le dirigeant du parti Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), est dans le collimateur. Difficile cependant pour les putschistes de le faire passer pour un agent de la France alors que son organisation a été la seule à émettre de fortes réserves sur l’intervention française au Mali.
Les putschistes n’ont pas libéré le pays, ils ont simplement changé de maître. Dorénavant c’est l’impérialisme russe qui dicte sa loi. Plus le pays sera isolé et plus il sera facile pour les mercenaires de la société Wagner de continuer leurs exactions contre les civils et de de piller le pays.
En Afrique, dans les années 2000, l’engouement était à son comble pour la Chine supposée sauver et développer le continent, puis en 2010 la passion s’est portée sur Obama au motif de ses origines kenyanes. Aujourd’hui on brandit le portrait de Poutine dans le rôle de sauveur. Dans cette énumération, il n’y a ni ironie ni jugement mais un simple constat des conséquences du manque cruel, pour les populations, d’une véritable alternative politique et sociale.
1.Voir « Russie en Afrique : mercenariat et prédation », dans l’Anticapitaliste n° 596 (23 décembre 2021).
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