Édition du 25 mars 2025

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

La révolution arabe

Lutte pour la domination régionale : le conflit syrien s'aggrave pendant que les dirigeants du monde débattent de l'avenir de Bashar Al-Assad

INTRODUCTION,
Amy Goodman

La violence en Syrie atteint des sommets encore jamais vus depuis le début des protestations contre le régime Al-Assad il y a onze mois maintenant. Pendant ce temps, la communauté internationale fait du sur-place en cherchant comment réagir.

democracynow.org, 7 février 2012,
Traduction, Alexandra Cyr,

Les forces syriennes ont lancé ce qui semble être les pires attaques à ce jour contre la ville de Homs, point de départ de la révolte. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont fermé leurs ambassades et retiré tout leur personnel en invoquant des raisons de sécurité. La Russie et la Chine sont critiquées pour avoir opposé leur véto à la dernière résolution soutenue par les Etats-Unis et la Ligue arabe présentée au Conseil de sécurité des Nations-Unies. Elle demandait une transition politique en Syrie. (…) Les opposants ont objecté qu’elle était trop biaisée en faveur des révoltés et qu’elle les auraient trop renforcés. Le groupe d’opposition le plus important en Syrie, le Conseil national syrien, a condamné le geste de la Russie et de la Chine et a déclaré qu’il les tiendrait « responsable de l’escalade et de l’augmentation de la tuerie ».

Le régime Al-Assad a, de son côté, nié commettre quelles qu’atrocités que ce soit. Il continue de soutenir qu’il combat des groupes armés soutenus de l’extérieur. L’attaché culturel de la Syrie à Washington, M. Roua Sharbaji, a déclaré à l’agence Reuters que le régime a répondu aux demandes des protestataires mais qu’il a été obligé de combattre des militantEs qui s’étaient emparéEs de la cause : « En ce moment, la situation en Syrie est bien différente de ce que décrivent les médias partout dans le monde. Le gouvernement syrien a pris acte des demandes légitimes du peuple et beaucoup de réformes ont été initiées et continue de l’être. Nous avons déjà fait beaucoup et nous poursuivons le travail. Donc il y a un processus politique en marche dans le pays. Mais en même temps, ces demandes et le mouvement populaire ont été confisqué par des groupes armés terroristes. Et aucun pays au monde, même pas les Etats-Unis ne tolérerait de tels incidents sur son territoire. La responsabilité première de tout gouvernement est d’assurer la sécurité de son peuple et de maintenir la loi et l’ordre ».

La crise syrienne a ravivé les débats qui ont commencé l’an dernier avec le début du Printemps arabe, sur l’intervention étrangère (dans ce genre de situation). Les Etats-Unis, qui réclament le départ de B.Al-Assad, ont été fortement critiqués pour avoir, par ailleurs soutenu les pouvoirs des ses vieux alliés, au Yémen, au Bahrain et en Égypte qui eux-aussi massacraient des opposants pacifiques sur leurs territoires. L’expérience de l’intervention étrangère en Lybie pèse lourdement sur les esprits. L’OTAN était munie d’un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies pour protéger les civils et pour favoriser le renversement du régime Khadafi.


Pour discuter de la situation syrienne, nous nous adressons à Patrick Seale, auteur britannique renommé qui écrit sur le Proche-Orient. Il a publié : Asad : the Struggle for the Middle East, à propos du père de l’actuel président, et plus récemment, The Struggle for Arab Independence : Riad el-Solh and the Makers of the Modern East. Nous lui parlons depuis Londres.

(…) Pouvez-vous nous expliquer ce qui se passe en ce moment en Syrie en lien avec ce qui s’est passé aux Nations Unies (le vendredi 3 février 2012) ?

Patrick Seale, …pour comprendre cela il faut commencer par se dire que ce n’est pas simple. C’est une crise à deux, peut-être même à trois étages. Sur le terrain, en Syrie, la situation empire chaque jour. C’est une bataille dégoutante. Elle a été résumée par : tuer ou être tué. Nous allons y revenir. À l’étage plus haut, il y a la bataille entre les Etats-Unis et leurs alliés d’une part, et la Russie et la Chine d’autre part. Donc il s’agit d’une bataille pour le pouvoir régional et c’est le principal. Et il y a un possible troisième niveau ; les États du Golfe, comme le Qatar et même l’Arabie saoudite, sont obsédés et presque terrifiés par la possibilité que l’Iran soulève les populations chiites de la région, présentes dans la province est de l’Arabie saoudite, au Bahrain et au Yémen, et finisse ainsi par menacer leur pouvoir. Donc nous sommes dans une crise à multiples niveaux.

A.G. Pouvez-vous nous dire ce que signifie ce qui s’est passé aux Nations-Unies ? Quelles peuvent-être les motivations de la Russie et de la Chine pour opposer leur véto à la résolution du Conseil de sécurité ?

P.S. Cela a une grande signification et un petit parfum de guerre froide. La Russie a des intérêts dans le Proche-Orient depuis de nombreuses dizaines d’années, surtout en Syrie où elle (alors l’Union soviétique) a eu des liens particuliers avec le régime Al-Assad du temps du père de l’actuel président durant la guerre froide [1].

La Chine est une cliente privilégiée de l’Iran ; elle y achète une part importante de son pétrole et en conséquence s’objecte vigoureusement aux sanctions mises en place par les Etats-Unis et l’Union européenne contre les exportations iraniennes de pétrole. En plus, la Chine n’est pas très heureuse de voir les Américains tenter circonscrire son influence en Asie-Pacifique, ce dont le président Obama a longuement parlé. Mais que disent ces deux gouvernements à propos de leur véto ? Ils disent qu’ils n’acceptent pas l’hégémonie américaine et israélienne dans la région. Ils disent qu’ils ont des intérêts dans cet espace et qu’ils veulent qu’ils soient pris en compte et respectés.

A.G. Les intérêts de la Russie ne seraient-ils pas les millions de dollars que lui rapporte la vente d’armes à la Syrie ?

P.S. Eh ! bien, je soulignerais que ça n’a rien de comparable à ce que les Etats-Unis fournissent à Israël. Je pense que pour comprendre ce qui se passe il faut voir qu’il s’agit d’une attaque concertée, un assaut non seulement contre la Syrie mais aussi contre l’Iran.

L’Iran, la Syrie et leur allié le Hezbollah au Liban, en quelque sorte l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah, a été ces dernières années l’obstacle principal à l’hégémonie américano-israélienne au Proche-Orient. Donc nous sommes dans une tentative de briser cette alliance. Mais ceux de l’axe se défendent avec l’appui de leurs alliés, précisément la Russie et la Chine. Voilà ce qui se passe à ce niveau.

À l’intérieur de la Syrie c’est une toute autre bataille. Actuellement, l’élément principal de l’opposition, la constituante la plus forte du Conseil national syrien, sont les Frères musulmans. Il y quelques jours, ils ont célébré le trentième anniversaire de l’assaut de Hafez Al-Assad, père de l’actuel président, contre la ville de Hama où il y avait eu 10,000 mortEs. Il faut savoir que ce massacre en 1982 visait précisément les Frères musulmans qui avaient commencé, à la fin des années soixante-dix, une campagne terroriste pour renverser le régime Assad. Et ils ont pris le contrôle de Hama. Ils y ont massacrés des membres et des cadres du parti Baas. C’est seulement à ce moment-là que le pouvoir a écrasé la rébellion et tué quantité de gens, quantité d’innocentEs. Cet événement qui est arrivé il y a 30 ans pèse sur ceux d’aujourd’hui. Les Frères musulmans ont été mis hors la loi pendant 30 ans. Ils ont été soumis à toutes sortes de prévarications de la part du pouvoir.

Ils ont soif de vengeance. C’est dans ce contexte que je parle de « tuer ou être tué ». Le gouvernement pense que ce sont des insurgéEs arméEs et que l’opposition fait l’erreur de lutter les armes à la main. Alors, comme le disait le représentant du gouvernement prédcédemment, il se sent justifié d’en finir avec une rébellion armée sur son territoire comme le ferait n’importe quel gouvernement, qu’elle que soit sa couleur politique.

A.G. M. Al-Assad a accordé une de ses rares entrevues à Mme Barbara Walters sur ABC il y a maintenant 2 mois. Il tente de défendre son régime ; il dit que seuls des fous pourraient tuer leur propre peuple et il a nié être à la tête des forces armées. (…) Par ailleurs le groupe Anonymus a divulgué des centaines de courriels de l’intérieur du régime Al-Assad. Dans l’un d’eux on trouve une note écrite avant cette entrevue avec Mme Walters.

Elle a été préparée par une attachée de presse du président basée aux Nations-Unies. Elle écrit : « Les points et dimensions les plus importants dans beaucoup de médias américains se rapportent à la violence qui est présente dans presque chaque article. Ils disent que le gouvernement syrien tue son propre peuple, que des tanks ont été utilisés dans plusieurs villes, que des manifestations pacifiques ont été bombardées depuis les airs et que les forces de sécurité commettent des actes criminels et ont du sang sur les mains ». Elle est allée jusqu’à écrire au sujet de la torture : « La Syrie n’a pas de politique autorisant la torture contrairement aux Etats-Unis où on trouve des cours et des écoles spécialisés qui apprennent aux policiers et soldats à torturer les criminels et les délinquants. Par exemple (l’utilisation de) la chaise électrique et la mort donnée par l’injection d’overdose de ‘médicaments’ etc. Nous pouvons parler d’Abu Ghraïb en Irak par exemple ».

(…) Patrick Seale pouvez-vous réagir à ce que le président a dit et ce que révèlent le courriel qui l’a préparé à son entrevue ?

P.S. De toute évidence sa conseillère lui a dit, ou suggéré, certaines choses qu’il devrait dire, comme (ces extraits de l’entrevue) : « Nous ne sommes pas le seul peuple qui a recours à la torture. Pensez à ce que les Etats-Unis ont fait en Irak. Nous ne sommes pas le seul peuple qui s’oppose aux révoltes internes et tente de les écraser si elles sont armées. Quand les Etats-Unis ont été attaqués ils ont envahi quelques pays ont tué des centaines de milliers de personnes, ont torturé et ainsi de suite ».

Il faut dire que dans cette situation les deux protagonistes ont commis des fautes. Le régime a effectivement tiré sur des opposantEs qui manifestaient pacifiquement. De son côté l’opposition à commis l’erreur de détenir des armes ce qui a donné au régime la justification de sa conduite. Donc il y a eu des fautes des deux côtés.

Je voudrais ajouter à ce que j’ai déjà dit plus tôt au sujet de l’échelon supérieur de ce conflit, soit la campagne de la communauté internationale à son sujet. Les Etats-Unis ont souffert, leur réputation a souffert à cause de la guerre en Irak, en Afghanistan et à cause des conflits que cela a suscités dans tout le monde musulman, spécialement au Pakistan, en Afghanistan, dans la Corne de l’Afrique etc. Son allié, Israël, a aussi souffert ces dernières années. Il a tenté d’écraser le Hezbolla en 2006 en entrant au Liban pour le combattre. Il a tenté d’écraser le Hamas lorsqu’il a envahi la bande de Gaza en 2008-2009. Il est convaincu que l’alliance Iran, Syrie et Hezbolla affaiblit sérieusement sa domination dans la région. Il veut rétablir cette hégémonie. Avec son allié américain, il pense que le renversement des régimes de Téhéran et de Damas lui permettra d’y arriver. C’est ce que nous observons tous en ce moment. C’est donc une lutte pour le pouvoir régional en même temps que le régime syrien se bat contre ses ennemis l’intérieur dont les Frères musulmans. Ils sont les mieux organisés, avec le plus de fonds à disposition et sans doute ceux qui bénéficient du plus important appui populaire en ce moment.

A. G. Récemment, le directeur de la National Intelligence, M. James Clapper, a témoigné devant le comité sénatorial sur les renseignements. Il a dit qu’il ne pensait pas que M. Al-Assad pourrait demeurer au pouvoir encore bien longtemps. (…) Patrick Seale, de votre côté vous avez écrit que vous ne pensiez pas qu’il pourrait être renversé prochainement. Avez-vous changé d’idée ?

P.S. Disons que son image est bien dégradée. Bien sûr que tuer autant de gens a miné sa légitimité. Mais encore maintenant, son armée et les forces de sécurité lui sont loyales. Donc, c’est extrêmement difficile pour l’opposition de le renverser. Il n’y a aucune envie, à l’Ouest comme à l’Est ni non plus dans le monde arabe, pour une intervention militaire. Cet aspect est très important. Il a toujours l’appui de la Chine et de la Russie comme nous avons pu le voir vendredi dernier (3-2-12). Il bénéficie probablement de l’appui de pays comme l’Inde et le Brésil. Et, (…) l’opposition est toujours très divisée. En s’armant, je pense qu’elle s’est fait beaucoup de mal. Elle a donné des prétextes au régime pour tenter de l’écraser. Donc, pour toutes ces raisons, on peut dire que pour le moment, le président Al-Assad semble en sécurité.

Mais, bien sûr, le régime a ses faiblesses. Son économie se délite ce qui affaiblit sa position. Ses appuis principaux, dans le pays, viennent de la nouvelle bourgeoisie marchande qu’il contribué à créer avec ses politiques néo libérales de ces dernières années. Il se pourrait que certains de cette classe commencent à faire défection ce qui l’affaiblirait un peu plus. Mais, je peux dire qu’en ce moment, il bénéficie de l’appui d’une bonne tranche de la population. Vivre en Syrie aujourd’hui c’est aussi être conscient de ce qui est arrivé en Irak : l’invasion américaine qui a tué de centaines de milliers de mortEs, fait des millions de déplacés et de réfugiés dont prêt d’un million est encore en Syrie, et qui a débouché sur une guerre civile. Beaucoup de syrienNEs sont prêts à accepter la survie du régime plutôt qu’ouvrir cette boite de Pandore.

A.G. Patrick Seale, je veux que vous nous parliez de l’opposition. Récemment Democracy Now a interviewé un militant et cinéaste syrien qui revenait tout juste de Homs. Pour des raisons de sécurité il nous a demandé de ne divulguer que son prénom. Bassel nous a donné une idée des forces d’opposition sur ce terrain : « La violence à Homs, ce que j’ai vu la semaine dernière, c’était presque la guerre civile. L’ampleur de la violence de l’armée contre les secteurs en révolte a obligé les gens à former une sorte d’armée de résistance pour faire face. Ils sont soutenus par les déserteurs de l’armée régulière. Donc la bataille se fait entre les habitantEs des quartiers, les forces de sécurité et les supporters du régime. (…)
(Donc), les forces régulières sont beaucoup plus importantes que celles de l’opposition.

P.S. Au point de départ, les insurgés étaient des pauvres des villes et des campagnes. La Syrie a vécu un réel boom démographique. Quand j’ai écrit mon premier livre sur ce pays, il y avait 4 millions de SyrienNEs, aujourd’hui on en compte 24 millions. Qu’est-ce que cela signifie ? Et c’est la même signification pour toutes les révoltes arabes de la dernière année : le système scolaire est au bout du rouleau. Ils ne forment que des mal-diplôméEs pour qui il n’y a pas ou pas assez d’emplois. Ce sont ces gens qui se soulèvent maintenant que ce soit en Tunisie, en Égypte, au Yémen et ailleurs dont en Syrie évidemment.

Ils et elles ont été rejointEs par des intellectuelLEs, des professionnelLES, des gens plus éduqués qui ont souffert du manque de libertés. Parce qu’il n’y a pas de libertés : pas de liberté de presse, de réunion, de syndicalisation. Il y a un parti unique qui exerce des contrôles étouffants sur toute la société. Ce sont ces gens qui forment l’opposition en exil, principalement en Turquie mais aussi au Caire et qui demandent la liberté. Il y a aussi d’autres membres de cette opposition qui sont les islamistes dont les Frères musulmans dont j’ai déjà parlé et qui veulent prendre leur revanche. Ils ont été encouragés par les récents succès de leurs confrères dans d’autres pays, notamment en Tunisie, au Maroc, en Égypte et ailleurs. Ils pensent donc que leur moment est venu. Le problème c’est que la Syrie c’est une mosaïque de groupes ethniques et de religions. On y trouve 10% de chrétiens, 12% d’Allaouites et aussi, en plus petit nombre des Ismaïliens, des Druzes et d’autres encore. Tout ce monde s’inquiète d’une éventuelle prise du pouvoir par les Frères musulmans. Ces minorités constituent donc une part importante des appuis au régime avec, je dois le dire, une partie de la population qui ne veut tout simplement pas de changement parce qu’elle en a trop peur.

A.G. Patrick Seale, je ne crois pas que les gens qui nous écoutent font le lien entre la rhétorique d’Israël contre l’Iran, la possibilité de l’attaquer, le discours américain très belliqueux contre ce pays ses efforts pour l’isoler et ce qui se passe en Syrie. Pouvez-vous nous parler des liens que vous voyez entre les Etats-Unis et Israël dans leurs positions face à l’Iran et ce qui se passe en Syrie en ce moment ?

P.S. Amy, le lien est très, très étroit. C’est un assaut combiné contre l’Iran et la Syrie ; l’Iran est le principal allié de la Syrie. Israël soutient que le programme nucléaire iranien est une menace à son existence et à celle du monde tout entier. Bien sûr, peu d’experts croient cela. Pour la bonne raison, premièrement, qu’Israël possède un énorme arsenal nucléaire capable de détruire n’importe lequel agresseur éventuel. Mais si jamais l’Iran arrivait à construire une bombe atomique, ce qui n’est pas le cas en ce moment, Israël ne pourrait plus attaquer ses voisins à son aise comme il l’a déjà fait ; sa liberté serait limitée dans la région donc sa domination de cet espace serait réduite. C’est une question de domination régionale. Mais l’Iran n’en est pas à la construction de la bombe A. Il cherche probablement à s’en donner la capacité et s’il l’avait, sans intrusion étrangère, c’est là que la force d’Israël diminuerait.

Israël en a fait tout un fromage de cette affaire : « Nous allons attaquer. Nous allons attaquer à moins que vous ne fassiez quelque chose à ce sujet ». Alors ils ont fait pression, certains dirais même qu’ils ont menacé les américains et les européens pour qu’ils imposent de pesantes sanctions sur les exportations de pétrole et sur la Banque centrale iranienne. Et le président Obama a encore durcit ces sanctions contre la Banque centrale récemment. C’est une très dangereuse politique qui peut mener à une guerre désastreuse pour tous et toutes. Les guerres sont faciles à déclencher mais difficiles à terminer. Les pays du Golfe qui soutenaient cette politique au début, sont en train d’y repenser. Ils savent que si jamais une guerre est déclarée dans la région ils vont souffrir. Leurs terminaux pétroliers, leurs usines de dessalement des eaux sont très vulnérables. (…) Donc la plupart des experts sont d’accord qu’une guerre dans cette région serait un désastre. Nous sommes dans un combat de coqs : Israël fait pression pour renverser le régime iranien et celui de la Syrie et ainsi restaurer son hégémonie régionale. C’est ce que les Etats-Unis sont en train de faire sous cette pression. Mais nous ne sommes plus dans la situation qui prévalait en 2003, alors qu’Israël bénéficiait du soutien des néo conservateurs du gouvernement américains, les Paul Wolfowitz et autres. Israël voyait l’Irak comme une menace possible alors qu’il sortait de la guerre contre l’Iran sans remords aucuns. Nous voyons donc, aujourd’hui, une reprise de ce terrible scénario.

A.G. (…) de quoi aurait l’air une Syrie post-Al-Assad et quel rôle jouerait l’Arabie saoudite ?

P.S. Très bonne question. Le problème c’est que l’opposition n’a aucun leader charismatique ni projet politique clair. Il y a de nombreuses disputes au sein de cette opposition. Certains disent qu’il faut s’allier aux Frères musulmans d’autres soutiennent que non. Certains voudraient une intervention extérieure d’autres n’en veulent pas. Certains sont pour un dialogue, et je pense que le dialogue est la porte de sortie de cette affaire. Les Russes ont demandé aux deux parties de se rendre à Moscou pour commencer ce dialogue. L’opposition a refusé en disant qu’elle ne voulait aucun dialogue avec Bashar Al-Assad. Ils déclarent vouloir le renverser d’abord et avant tout. C’est une position très dangereuse.

Quant à l’Arabie saoudite, c’est le poids lourd du monde arabe. C’est la grande puissance financière. Elle n’aime pas particulièrement l’Iran ; je pense qu’il y voit un adversaire régional. Elle a peur du pouvoir chiite et les Chiites sont arrivés au pouvoir en Irak maintenant. Mais elle préférerait contenir l’Iran. Mais il y a des Saoudiens d’expérience qui comprennent que ces deux pays sont en vérité des partenaires. Ils sont responsables de la sécurité dans la région et qu’ils doivent commencer à parler ensemble de cette sécurité. C’est ce qu’ils doivent faire plutôt que de se laisser prendre dans une querelle entre les Etats-Unis et Israël d’un côté et la Russie et la Chine de l’autre.


[1En fait ces liens sont séculaires, ils existaient du temps des tsars. La Russie a une partie de sa flotte installée dans le port de Tartus, son seul point d’encrage dans la région. N.d.t.

Sur le même thème : La révolution arabe

Sections

redaction @ pressegauche.org

Québec (Québec) Canada

Presse-toi à gauche ! propose à tous ceux et celles qui aspirent à voir grandir l’influence de la gauche au Québec un espace régulier d’échange et de débat, d’interprétation et de lecture de l’actualité de gauche au Québec...