Ce qui manque dans la lutte à l’itinérance à Montréal, ce sont les moyens nécessaires pour agir pour l’ensemble de la population en situation et à risque d’itinérance. « Or ces moyens font cruellement défaut avec toutes les coupures en santé, en éducation, dans le logement social et l’aide sociale. En agissant ainsi le gouvernement augmente le risque d’itinérance et limite la possibilité de s’en sortir » déplore France Labelle, Présidente du RAPSIM et Directrice-générale du Refuge des Jeunes de Montréal.
Une vision partielle
Depuis 1974, le RAPSIM et ses membres portent une approche globale, cherchant à apporter des réponses structurelles à l’itinérance en adressant notamment ses causes, et à prendre en compte l’ensemble des personnes en situation et à risque d’itinérance, pas seulement les plus facilement identifiables. A l’inverse, la vision portée par le MMFIM est partielle, se concentrant essentiellement sur l’itinérance chronique en se basant sur les données du seul dénombrement. Celui-ci, qui ne chiffre que l’itinérance visible à un seul moment de l’année, identifie donc une population limitée pour arriver à son objectif de mettre fin à l’itinérance.
L’approche privilégiée par le MMFIM est celle du Housing First, qui se caractérise par le placement en logement privé avec un suivi de personnes itinérantes, qui se retrouvent fichées. Or cette approche rencontre de nombreuses difficultés pour trouver et conserver des logements disponibles et adéquats à Montréal et soulève des questions éthiques quant au processus de fichage des personnes et du respect de la confidentialité. « L’approche du MMFIM ne pourra répondre à elle seule à l’ensemble des besoins et n’offre pas de solution pérenne aux personnes, contrairement au logement social avec soutien communautaire que de nombreux groupes développent avec succès » déclare Pierre Gaudreau, coordonnateur du RAPSIM.
Vouloir sortir 2000 personnes de la rue, c’est largement insuffisant et cela n’aura pas d’impact structurel sur ce qui cause l’itinérance déplore le RAPSIM, pour qui l’itinérance est un déni de droits, ce que reconnait la Politique en itinérance adoptée au Québec en février 2014.
Un plan d’action régional en itinérance déjà en action
Cette initiative du MMFIM entre en concurrence avec des travaux bien entamés rassemblant une dizaine de ministères, le RAPSIM et la Ville de Montréal, découlant directement de la Politique nationale de lutte à l’itinérance. Le plan d’action régional en itinérance adopté le 30 septembre dernier prévoit lui d’agir sur les différents axes d’intervention que sont le logement, le revenu, l’éducation, la santé ou encore la cohabitation sociale et la judiciarisation. Pour le RAPSIM, il est indispensable d’intervenir sur tous ces fronts afin d’avoir une action efficace en prévention et réduction de l’itinérance, ciblant l’ensemble des personnes en situation et à risque d’itinérance à Montréal. Ce plan comporte une centaine de mesures qui seront déployées au cours des cinq prochaines années. Il aura une portée beaucoup plus grande et plus durable, si les moyens sont au rendez-vous.
Un milieu de lutte à l’itinérance déjà en concertation
Le milieu communautaire et institutionnel travaille ensemble de longue date à Montréal, ce qui a mené à de nombreuses réalisations importantes permettant de lutter contre l’itinérance, telles les plus de 2000 unités de logement social pour personnes sans abri, la mise en place de programmes alternatifs à la judiciarisation des personnes itinérantes, ou encore le développement de services de répit dégrisement et de projets de réinsertion. En tant que réseau réunissant plus d’une centaine d’organismes agissant auprès de personnes en situation et à risque d’itinérance, le RAPSIM a joué un rôle important dans ces réalisations et continuera à le faire afin que la diversité de solutions nécessaires soient apportées à toutes ceux et celles qui en ont besoin.