Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Liquider sa chair rien que pour la survie de la chair de sa chair

«  Elles sont des victimes d’un système qui prône l’exclusion juvénile, des femmes cocues, des Mamans précoces, qui, pour préserver la vie de leurs enfants se voient obligées de donner la leur en échange. Existe-il un acte plus héroïque que celui-là ? Que peut-on faire de plus humain ?  »

Alors que plus d’un l’ignore, le centre-ville de Port-au-Prince est sur le point de s’ériger en bastion de la prostitution. Au vu et au su de tous, presqu’à chaque rue est exposé un bordel truffé de jeunes femmes bien portantes. Ainsi, le côté économique de l’affaire apportant gros surtout aux proxénètes fait poindre ces petites boites exponentiellement.

Rien qu’au cœur de Portail Léogane on compte environs onze (11) bordels, néanmoins cela semble ne pas suffire puisque l’effectif des prostituées se révèle indénombrable. De ce fait, du matin au soir, elles occupent les moindres recoins de la zone, leur nudité cachée derrière une mini-jupe et une culotte tanga. Portail Léogane qui n’était qu’une station de transport en commun brodé de braves âmes qui, à toute heure, liquident de produits divers, aujourd’hui est enjolivé de jolies créatures s’apprêtant à offrir leur corps en échange de quelques gourdes. Désormais, on y va plus que pour le transport en commun, mais aussi pour s’acheter du Sexe. Oui du sexe dans le vrai sens du thème, en compagnie de jeunes femmes qui s’y connaissent en matière de séduction. Des gonzesses bien armées pour apaiser la soif sexuelle des clients même les plus coriaces.

Parmi cette trâlée de vendeuses de sexe se trouve Kethia (un nom emprunté), âgée de vingt-neuf (29) ans, de teint noir fin, apparemment l’une des premières bénéficiaires de la beauté divine, avec une architecture corporelle indescriptible en charme, déjà mère d’une petite fille de 13 ans. Dans son secteur, on la surnomme Neymar pour sa manière de se coiffer, aussi parce qu’elle a battu un record majeur. Rien qu’à sa première journée de travail, elle a desservi, avec expertise 60 clients.

Pratiquant ce métier depuis l’âge de 16 ans, quelques mois après avoir mis au monde sa fille. Elle raconte ne pas se voir comme une pute car, de son point de vue, la prostitution comme tout autre métier devrait se faire avec non seulement le corps, mais aussi l’âme et le cœur. Ce qui n’est pas le cas ici ! L’unique motif c’est l’argent ! D’enchaîner, elle avoue ne jamais penser à se livrer à une telle pratique, cependant une fois que son père l’ait abandonnée, l’obligation lui était faite de se bouger les coudes pour pouvoir subvenir à ses plus faibles besoins. Et, ce fut la prostitution que la vie lui a offerte comme première option. Elle a tout de même tenté d’autres coups avant de s’y lancer. Elle faisait la lessive pour des gens, mais cela lui rapportait très peu. « Dans un pays comme Haïti où tout va pour le pire, et se sentir complètement seule avec un bébé à prendre en charge, qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment diable préserver son amour propre ? Des heures de ménage ou la lessive, certes, mais combien cela nous apporterait-il ? Il n’y a avait pas vraiment 36 solutions pour une personne comme moi », nous a-t-elle avoué larme à la gorge.

Faute de grive on mange des merles

Sans vouloir culpabiliser les prostituées. Il y a une chose sur laquelle Kethia ne doute pas une seconde. C’est que la majeure partie des femmes qui se prostituent, le fait avec leur âme détachée de leur corps. Quand ce n’est pas pour se nourrir elles-mêmes et leurs enfants, c’est parce qu’elles se trouvent en position de minable proie face à la dure réalité de vivre. « Je doute qu’une femme normale accepterait de vendre volontairement sa chair. Déjà, rien n’est plus désobligeant que de se voir chosifier, bestialiser ou esclavager, rien que pour quelques sous. C’est répugnant d’entendre quelqu’un nous dit rudement ‘’ konbyen w fonksyone ? (C’est à combien la passe ?)’’ ? Et, ces drôles de manière nous obligent parfois à nous noyer dans l’alcool ou de fumer de produits stupéfiants. Etait-ce évident ? C’est toujours une aventure infernale de se voir faire des choses à des mecs que l’on trouverait repoussant hors de la prostitution », Argue-t-elle.

Tous les bordels n’ont pas le même décor, mais elles s’y arrangent comme elles peuvent

Dans certains bordels, Elles subissent toute sorte de violence, et sont sans défense. Quelques unes, pour se remédier, s’arment d’un poignard ou d’un rasoir. Cependant, aussi surprenant que cela puisse avoir l’air, dans le secteur de Kethia, les prostituées vivent comme de vraie famille. Elles ont un patron philanthropique. Elles s’entraident mutuellement, organisent des activités leur permettant d’économiser de l’argent. Il arrive même qu’elles partagent de clients pour s’assurer que tout le monde sortira avec quelques sous, et ceci quel qu’en soit l’allure du jour. Ainsi, elles paient sans gueule de bois l’écolage de leurs enfants, se prennent en charge, et même épauler certains proches. « En Haïti, la prostitution est vue comme un métier discriminatoire, pourtant beaucoup de gens, plus particulièrement des enfants en dépendent. Sans qu’on le sache, il y a cette pratique un peu partout. Dans quelques institutions d’état ou privé. Elle se présente juste sous une autre forme », nous confie-t-elle avec un air certain.

L’abandon serait le bienvenu, mais il doit être suivi d’un mieux-être.

Ne se sentant pas dans sa peau, elle ne se voit pas pour autant quitter subitement son métier. D’ailleurs, sa plus grande peur, c’est que sa fille ne l’apprenne. Pour quelqu’un de son niveau scolaire (elle a abandonné ses études en classe de 3eme secondaire), elle doute fort de pouvoir trouver mieux à faire. Déjà, elle déclare assister à des milliers de jeunes diplômés se vautrant au chômage. Son cas serait donc pire ! « Je finirai quand même par quitter cette pratique un jour. La prostitution ne rime pas avec la vieillesse, et on ne peut s’empêcher de vieillir. De plus, certains clients raffolent les nouvelles chattes et les plus jeunes. Néanmoins, je compte tenir le coup autant que la vie me le permettra. » A-t-elle martelé.

Ce n’est plus un constat, c’est un fait ! Vue son ampleur, le secteur de la prostitution mérite bien d’être mis sous le feu des projecteurs. Ainsi, on saurait comment les adeptes y vivent ; pourquoi elles le font ? Si oui ou non elles sont protégées ? Etc. Il s’avère donc raisonnable de comprendre que la prostitution n’est pas si dédaigneuse comme le croit plus d’un. Elle est une mode de vie ! Un brave moyen de tenir debout face aux intempéries !

Marvens JEANTY
Linguiste et journaliste

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