LML : Tout d’abord, toutes nos félicitations pour ton élection au poste du président du syndicat.
Hugues Villeneuve : Merci.
LML : Tous les travailleurs sont maintenant de retour à l’ouvrage. Peux-tu nous parler de la situation que vous avez vécue à la rentrée et telle qu’elle est maintenant ?
HV : Nous sommes tous rentrés au travail depuis la première semaine de novembre. C’est certain que si on parle de la rentrée cet automne jusqu’à tout récemment en janvier 2013, ça a été très ardu, très conflictuel.
Notamment au niveau des disciplinaires qui sont donnés par la compagnie. Si la compagnie a des faits qu’elle peut invoquer par rapport aux travailleurs et que ce sont vraiment des faits, nous ne les contestons pas. Mais nous voulons être informés d’avance pour nous faire notre propre avis là-dessus. Généralement, si les faits sont là, ce n’est pas le geste qui est contesté de notre côté. C’est le comment le disciplinaire a été donné, qu’est-ce qui a été donné, selon nous c’est très abusif. Au lieu de procéder par avertissements et par de la sensibilisation c’est une sanction tout de suite qui est utilisée.
À part cela il y a eu des banalités, des portes de salles qui ne sont plus là, des superviseurs qui semblent avoir un mandat d’être sur notre dos. Une rentrée très ardue.
Lors du retour au travail après les Fêtes, on a eu des rencontres avec l’employeur concernant le climat de travail à l’usine. On leur a demandé si c’était un climat comme ça qu’ils désiraient maintenir et encourager dans le futur. Parce que si c’était ça, on allait s’adapter tout simplement en conséquence. L’objectif de la nouvelle équipe cette année ce sont les relations de travail et le climat de travail c’est une de nos priorités. À un moment donné il faut que ça revienne à un climat acceptable dans cette usine. Nous voulons être capables de retrouver des longueurs d’avance quand il y a des événements pour être capables d’intervenir auprès de notre membership s’il y besoin.
Puis il y a les problèmes de santé et de sécurité. Nos représentants en prévention sont assez à l’affût pour le respect des procédures et des lois. L’employeur fait une pression constante sur les travailleurs pour passer outre aux pratiques établies en santé et sécurité. Des fois nos travailleurs se font dire : « Ça va bien aller. Tu as juste à te placer comme ça. Tu n’as pas à t’en faire. Je vais être là pour surveiller ! » On a de la pression pour passer outre aux mesures de sécurité comme le cadenassage. On a des travailleurs qui ont reçu une mesure disciplinaire pour du ralentissement alors que tout ce qu’ils faisaient, c’était de s’assurer que les procédures de sécurité sont respectées.
Les superviseurs nous ont soulevé que pendant le lockout ils ont opéré l’usine et pu voir son plein potentiel et ont trouvé de nouveaux procédés. Mais l’usine fonctionnait au tiers, les secteurs étaient à froid, la production était au ralenti, pas à sa pleine capacité. C’est bien différent maintenant alors que tous les travailleurs sont de retour, que l’usine opère beaucoup plus vite et à pleine capacité. On s’assure qu’il n’y a aucun détournement des règles de procédures et de la loi également.
C’est la même chose avec la sous-traitance. Le protocole de retour est terminé depuis le 6 janvier. Le protocole disait que l’employeur pouvait utiliser la main d’oeuvre qui lui semblait bon soit par les sous-traitants ou ses cadres pour procéder au redémarrage de l’usine. Tous les mouvements de main-d’oeuvre par affichage étaient gelés, aucune possibilité de prise de vacances ou de congé à part un congé d’urgence. Le protocole est terminé maintenant et on doit s’assurer que ce que nous avons gagné dans la convention collective en ce qui concerne la sous-traitance est respecté.
LML : Quels sont les plus grands défis selon toi auxquels le syndicat fait face dans les années qui viennent ?
HV : Il y en a deux que je considère d’égale importance : l’entente secrète sur l’énergie entre le gouvernement et Rio Tinto et le climat de travail à l’usine.
C’est certain qu’une de nos premières priorités c’est de continuer la bataille concernant la fameuse entente secrète sur l’énergie. Nous devons mettre tous les efforts nécessaires pour corriger le déséquilibre qui existe dans ce domaine là. Cela a été très profitable pour Rio Tinto de nous mettre en lockout à cause de cette entente. On est sur le dossier. On est intervenu en novembre dernier à l’assemblée annuelle des Métallos qui a passé une résolution contre cette entente secrète. On a vu dernièrement par le biais des médias que l’année 2012 a été une année record pour Rio Tinto en ce qui concerne ses ventes d’hydro-électricité à Hydro-Québec. C’est certain que le lockout y a été pour beaucoup. C’est important que le peuple québécois se réveille pour placer les affaires à la bonne place.
Notre demande c’est de rééquilibrer le pouvoir de négociation égal à égal entre les deux parties, pour être capables de se parler d’égal à égal. On pourrait dire que le premier pas ce serait d’être capable de briser l’entente, mais on sait que cela ne se fera pas tel quel, c’est quelque chose qui va être difficile parce qu’il y aurait trop de choses à renégocier. Par contre, par le biais d’autres dossiers ou d’autres investissements ou autres demandes que RTA pourrait faire alors de remplacer cette entente-là c’est quelque chose de possible. Mais dans l’immédiat, ne serait-ce que de leur charger, de racheter le courant disons au prix coûtant déjà là ce serait moins pire. On présume que selon l’entente, parce que l’entente est un morceau en soi mais elle a des annexes, que ce n’est pas le prix coûtant qui est ressorti, que le prix qu’Hydro-Québec a payé pour l’énergie de RTA est bien au-delà. On le sait mais on n’est pas capable de mettre la main sur le document.
L’autre priorité comme je viens de le dire, c’est le climat de travail, les relations de travail à l’usine. Faut que cela revienne. Ça date de bien avant le lockout, on avait d’ailleurs eu une médiation là-dessus en 2010-2011. Comme organisation on a un pouvoir d’influence, il faut que la compagnie le reconnaisse et nous le laisse. C’est de pouvoir avoir plusieurs longueurs d’avance pour qu’on puisse intervenir par exemple sur les disciplinaires. Souvent on va le savoir seulement quand la décision de sanctionner le travailleur a été prise. Même chose en ce qui concerne la sous-traitance, on veut connaître les plans de la compagnie avant qu’elle envoie un dossier à la sous-traitance. On veut régler les problèmes en temps.
Après le lockout, la compagnie a voulu nous montrer c’est qui le patron dans la place. Mais on a un devoir de cohabitation, on n’a pas le choix de cohabiter dans l’usine et ça peut se faire seulement dans le respect.
Il y a aussi la question du fonds de pension qui s’en vient. On s’en vient en négociation là-dessus et on sait que les grandes entreprises ont les dents pointues sur les fonds de pension. On présume qu’on va avoir une négociation assez ardue lorsque le fonds de pension arrive à terme le 31 décembre 2014. On a un gros déficit dans le fonds de pension en ce moment.
LML : Qu’est-ce que tu veux dire en conclusion ?
HV : Les liens qu’on a tracés de par le conflit avec les autres syndicats ainsi qu’avec la communauté, ce sont des choses qu’on va entretenir. On est en train de regarder pour la formation de certaines tables de discussion dans la région. Sans le support de la population de la région, des syndicats, sans l’appui qui nous est venu d’à travers le Canada et de par le monde, on ne serait pas passés à travers ce conflit. On est très reconnaissants de cela, on va essayer de rendre ce qu’on a reçu par notre implication sociale.
Le Québec c’est petit du point de vue population, faut se voir comme une grande famille. Faut pas lâcher parce qu’on est attaqué de toutes parts.