Édition du 12 novembre 2024

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alimentation

Les transgéniques : 20 ans à alimenter ou à leurrer la planète ?

Généreusement entretenus par l’industrie des OGM, les mythes sur les soi-disant bénéfices des cultures transgéniques persistent. On peut résumer à cinq les mensonges que cette industrie répand : que les transgéniques alimentent la planète, qu’ils sont plus productifs, qu’ils permettront d’éliminer l’utilisation des produits agrochimiques, qu’ils coexistent harmonieusement avec les autres cultures et qu’ils sont parfaitement inoffensifs pour l’environnement et la santé.

C’est facile de dévoiler ces mensonges ; il suffit de porter un regard calme et objectif sur ce qui se passe vraiment sur le terrain, en se basant sur les données de l’industrie elle-même. La conclusion, après vingt ans de plantations transgéniques commerciales, est claire : aucune des promesses ne s’est réalisée, bien au contraire. Examinons les cinq points un par un.

Un article de GRAIN, publié dans le numéro 13 de la revue Soberanía Alimentaria.

PREMIER MYTHE. Les cultures transgéniques élimineront la faim dans le monde

C’est probablement l’argument préféré de ceux qui font la promotion de cette technologie. Ils le répètent sur toutes les scènes « sans les OGM, nous ne pourrons alimenter une planète qui compte chaque jour plus d’habitants. »

Mais trois constatations remettent les choses à leur place :

* Les données de la FAO montrent clairement, année après année, qu’au niveau mondial, la production d’aliments est plus que suffisante pour nourrir tout le monde. La faim n’est pas simplement une question de productivité, c’est aussi une question d’accès à la terre et aux autres ressources nécessaires pour produire les aliments. En fin de compte, la faim est une conséquence de la pauvreté et de l’exclusion !

* Les cultures transgéniques produites commercialement aujourd’hui n’ont pas été conçues pour combattre la faim dans les pays du Sud. Il ne s’agit pas de céréales destinées directement à l’alimentation des personnes. Au contraire, aujourd’hui, quatre cultures, le soja, le maïs, le colza et le coton, s’accaparent presque toute la superficie des cultures transgéniques sur la planète. Les trois premières sont destinées presque exclusivement à la production d’aliments pour les animaux aux États-Unis et en Europe, de combustibles pour les véhicules et d’huiles industrielles, alors que la dernière est utilisée pour la fabrication de vêtements.

* En revanche, il existe une très douloureuse corrélation directe entre la croissance des cultures transgéniques et celle de la faim dans le monde rural. Dans des pays comme le Brésil et l’Argentine, les gigantesques plantations de maïs et de soja transgéniques – baptisées déserts verts – expulsent les habitants de leurs terres et les privent – les volent – de leurs moyens de subsistance. Et effectivement, la faim, la misère et les empoisonnements sont les conséquences pour beaucoup de gens de la campagne. Les cultures transgéniques occupent des millions d’hectares de terres agricoles fertiles que l’on pourrait utiliser pour produire des aliments !

L’année où l’on a planté pour la première fois des cultures commerciales d’OGM, environ 800 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde ; maintenant, avec des millions d’hectares de cultures OGM, on en compte plus de 1 000 millions. Pourquoi ?

SECOND MYTHE. Les cultures transgéniques produisent plus

Plus qu’un mythe, cette affirmation est elle aussi un mensonge. Au plan génétique, la productivité d’une culture est trop complexe pour que l’on puisse facilement en manipuler la génétique. Les plantes sont des êtres vivants complexes, on n’est pas en train de jouer avec des pièces de « Lego ». Leur productivité dépend d’un grand nombre de facteurs génétiques, mais aussi de nombreux autres facteurs. Et même si « tous les facteurs se trouvaient dans les gènes, » les scientifiques n’ont jamais réussi à transférer et à activer plus de deux ou trois gènes à la fois. Le gène de la productivité n’existe pas !

Et ce sont des données des États-Unis, le pays où l’on sème les transgéniques depuis le plus longtemps, qui le démontrent clairement. L’étude la plus complète et rigoureuse sur cette question a été menée par l’Union of Concerned Scientist (http://www.ucsusa.org/food_and_agriculture/our-failing-food-system/genetic-engineering/failure-to-yield.html) qui a analysé 20 années de cultures transgéniques dans ce pays. Cette étude conclut que le soja et le maïs transgéniques, modifiés pour tolérer des doses élevées d’herbicides, ne sont pas plus productifs que les plantes et les méthodes conventionnelles. De plus, ils calculent que ce sont les méthodes et les pratiques conventionnelles qui sont à l’origine de 86 % de l’augmentation de la productivité des récoltes de maïs au cours des 20 dernières années. D’autres études montrent que la productivité des transgéniques est aujourd’hui plus basse que celle des cultures conventionnelles.

Il ne faut pas perdre la réalité de vue, car, comme nous le verrons plus loin, après plus de 20 années de recherches, les sociétés transgéniques n’ont réussi à transférer dans les champs que deux innovations de leurs laboratoires, et aucune de celles-ci ne concerne la productivité.

TROISIÈME MYTHE. Les cultures transgéniques élimineront les produits agrochimiques

C’est en fait le contraire. Cette affirmation vient souvent accompagnée de l’exemple du soi-disant gène « Bt, » lequel est extrait de la bactérie Bacillus thurigiensis qui produit une toxine mortelle pour certaines chenilles. Lorsque ce gène est inséré dans les cultures comme le maïs et le coton, les plantes produisent la toxine de sorte qu’il n’est plus nécessaire – affirme-t-on – de les traiter par fumigation. Dans le fond, c’est comme si la plante « s’aspergeait elle-même de Bt » 24 heures par jour. Mais les problèmes n’ont pas tardé à apparaître et, devant une si forte concentration de toxines dans ces monocultures, les chenilles développent rapidement une résistance au Bt. De plus, divers types de « ravageurs et maladies secondaires » inédits ont fait leur apparition, qui sont combattus avec d’autres produits chimiques. En fin de compte, l’utilisation des produits agrotoxiques ne diminue pas.

L’autre « innovation » que les sociétés transgéniques ont introduite consiste à ajouter aux plantes un gène qui leur permet de recevoir des doses élevées d’herbicides sans être affectées, grâce à leur « tolérance » de certaines substances chimiques. Cela permet par exemple de pulvériser année après année d’immenses plantations à l’aide de petits avions, facilitant ainsi l’explosion mondiale des superficies de plantations de soja. Il y a trente ans en Argentine, le soja était presque inexistant et aujourd’hui, il occupe plus de la moitié de toutes les terres agricoles. Et si en 1995, on appliquait environ 8 millions de litres de l’herbicide glyphosate, cette quantité dépasse aujourd’hui les 200 millions de litres pour soutenir la production de soja transgénique. Ainsi, l’utilisation des herbicides a été multipliée par plus de 20.

C’est la même situation aux États-Unis. Les transgéniques tolérants aux herbicides ont ouvert grandes les portes à l’utilisation massive du glyphosate et d’autres herbicides. En 2011, dans ce pays, les agriculteurs et agricultrices qui cultivent leurs champs avec ces semences ont appliqué 24 % de plus d’herbicides que leurs collègues qui ont semé des cultures conventionnelles (http://www.motherjones.com/tom-philpott/2012/10/how-gmos-ramped-us-pesticide-use). La raison : les mauvaises herbes commencent à développer une résistance à cet herbicide. Cette soi-disant révolution crée plus de problèmes que de solutions.

QUATRIÈME MYTHE. Le droit de choisir est respecté, car les cultures transgéniques coexistent pacifiquement avec les autres types de cultures

La liberté de choix est un autre argument que brandissent ceux qui font la promotion des transgéniques – que chaque agriculteur ou agricultrice décide lui-même ou elle-même d’utiliser ou non les transgéniques ; il n’y a aucune imposition. Mais cet argument fait fi d’une loi fondamentale de la biologie : les plantes d’une même espèce se croisent entre elles et plus tôt que tard, les gènes insérés artificiellement dans les cultures transgéniques finissent par apparaître dans les cultures conventionnelles.

Au Canada, la plantation massive de colza transgénique a presque complètement éliminé le colza non contaminé génétiquement et a bien sûr détruit la culture florissante du colza biologique. Dans le cas du maïs, une autre plante qui se croise facilement avec ses proches, il y a aussi de nombreux cas de contamination génétique partout sur la planète.

L’introduction de semences transgéniques est particulièrement alarmante lorsqu’elle a pour effet de contaminer les variétés locales. Le Mexique est un centre d’origine et de diversification du maïs et depuis des années, les communautés paysannes autochtones observent comment leurs variétés de maïs commencent à présenter des caractéristiques étranges. Diverses études confirment que la contamination du maïs transgénique des États-Unis est liée à ces changements. Si l’on permet aux transnationales de semer jusqu’à 2,4 millions d’hectares de maïs transgénique, comme le propose le gouvernement du Mexique, on aura non seulement attenté contre la souveraineté alimentaire de ces peuples, mais aussi mis en péril la biodiversité d’une plante qui alimente des centaines de millions de personnes partout au monde.

Et en Aragon, dans l’État espagnol, depuis 2005, les organisations paysannes et écologistes dénoncent que plus de 40 % des grains biologiques contiennent des traces de transgéniques, ce qui empêche leur vente comme aliment biologique ou sans OGM.

Mais le plus grave dans ce faux argument de liberté, c’est que les sociétés transnationales forcent les agriculteurs à payer des semences qu’ils n’ont jamais semées. Aux États-Unis, la compagnie Monsanto a poursuivi des centaines d’agriculteurs et agricultrices en les accusant d’avoir enfreint leurs droits de propriété intellectuelle. Des détectives de Monsanto, tels des recouvreurs de créances, parcourent les campagnes des États-Unis à la recherche de gènes de plantes brevetées « à eux », provenant de semences transgéniques que les agriculteurs auraient reproduites après les avoir achetées ou, bien souvent, provenant de cultures conventionnelles contaminées par des cultures transgéniques voisines. En plus de prendre des millions de dollars, cette stratégie permet à la société Monsanto d’intimider les producteurs agricoles qui finissent par céder et acheter les semences de Monsanto pour ne pas courir des « risques. » En d’autres mots, que chaque agriculteur choisisse… ce que les entreprises veulent !

ET LE CINQUIÈME MYTHE. Les transgéniques sont sans danger pour la santé et l’environnement

Il faut au moins remettre en question la prétendue sécurité « sanitaire » des cultures transgéniques. Posons-nous une question. Allons-nous tout simplement laisser notre santé entre les mains de ce réseau d’agriculture industrielle dans laquelle les sociétés transgéniques contrôlent des sections entières des organismes de sécurité alimentaire et dictent leurs propres normes ? La souveraineté alimentaire signifie sans aucun doute que la population exerce un contrôle sur ce qu’elle mange.

En ce moment, nos assiettes sont garnies d’aliments ayant une teneur élevée en pesticides et dont on a modifié l’ADN. Et il semblerait que nous ne pouvons rien faire ou dire. La préoccupation s’accentue avec quelques constatations très sérieuses sur l’utilisation des OGM et de leurs herbicides associés. Les points suivants résument bien cet enjeu :

* L’American Academy of Environmental Medicine (AAEM, Académie américaine de médecine environnementale) a indiqué que « les aliments génétiquement modifiés peuvent constituer un problème sérieux pour la santé. » Citant diverses études, elle a conclu « qu’il existe plus d’une relation causale entre les aliments GM et les effets néfastes sur la santé » et que les OGM « constituent un risque sérieux dans les domaines de la toxicologie, des allergies, de l’immunologie et de la santé reproductive, métabolique, physiologique et génétique. »

* Les récentes études du Dr Séralini (expliquées ailleurs dans cette même revue), qui portaient sur des rats alimentés pendant deux ans avec du maïs transgénique tolérant au glyphosate, démontrent une précocité plus grande et un accroissement de la mortalité, des effets hormonaux, des tumeurs mammaires chez les femelles et des maladies hépatorénales.

* Une récente étude de l’Université de Leipzig, Allemagne, a découvert des concentrations importantes de glyphosate, l’ingrédient principal de l’herbicide Roundup, dans les échantillons d’urine des habitants de la ville. Les analyses ont montré que tous avaient des concentrations de glyphosate de 5 à 20 fois supérieures à la limite permise pour l’eau potable.

* Les résultats des études du professeur Andrés Carrasco, du Laboratoire d’embryologie moléculaire, CONICET-UBA, Faculté de médecine, Université de Buenos Aires, Argentine, montrent que les herbicides comme le glyphosate causent des malformations des embryons chez les grenouilles et les poules, à des doses beaucoup plus basses que celles des fumigations agricoles. Les malformations étaient d’un type semblable à celui observé dans la progéniture humaine exposée auxdits herbicides.

Finalement, personne ne peut nier la malignité des transgéniques lorsque l’on tient compte des témoignages directs de morts, d’avortements et de maladies d’êtres humains affectés par le glyphosate, comme l’explique l’Argentine Sofía Gatica, gagnante du dernier prix Goldman.

La santé nous appartient, l’agriculture est paysanne et nous devons défendre la planète pour les générations futures. C’est pourquoi nous exigeons la souveraineté alimentaire.

La science des transgéniques ne progresse pas :

Les transgéniques sont entre les mains d’une poignée d’entreprises, la plus connue étant Monsanto qui, avec Dupont, Syngenta, BASF, Bayer et Dow, domine la recherche et les brevets sur les transgéniques. Ils contrôlent 60 % du marché mondial des semences et 76 % de celui des produits agrochimiques.

La « science » de ces entreprises n’a produit que deux applications. D’un côté, les soi-disant cultures qui tolèrent les herbicides et de l’autre, celles contenant le gène Bt qui leur donne un pouvoir insecticide.

En 2012, 59 % de toutes les superficies mondiales commercialement cultivées avec des transgéniques l’ont été avec des cultures qui tolèrent ou résistent au glyphosate – un herbicide breveté originalement par la même transnationale Monsanto –, 26 % l’ont été avec des cultures insecticides contenant le gène Bt et les 15 % restants l’ont été avec des cultures possédant ces deux caractéristiques.

Après plus de 20 années de recherche et des millions d’euros d’investissements qui n’ont accouché que de deux nouveautés, peut-on parler d’une « révolution biotechnologique » ? Les applications réelles des transgéniques aujourd’hui démontrent quels sont les véritables intérêts de l’industrie, lesquels entraînent des risques pour la santé et les écosystèmes, et la dépendance pour les agriculteurs et agricultrices.

Pour en savoir plus

Il existe un grand nombre d’études qui présentent des preuves croissantes sur les effets négatifs des cultures et des aliments transgéniques décrits ci-dessus. Ce lien regroupe 300 articles scientifiques qui illustrent toutes ces informations.

Autres sources d’information :

www.grain.org

http://www.etcgroup.org/es/issues/seeds-genetic-diversity

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