Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Éducation

Les nouveaux habits de la loi spéciale

Si l’on en croit Jean-Bruno Latour, porte-parole du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM), il n’existe pas de liberté de manifester à Montréal. Heureusement, ceux et celles qui souhaitent exprimer leur opinion peuvent se prévaloir des droits suivants : se disperser (cet attroupement est maintenant illégal) ; bouger (bouge ! bouge ! bouge !) ; se faire assaisonner de diverses façons (toutes des osties de carrés rouges, là !) ; et finalement se faire arrêter (ce sera 637$ et une soirée au poste). Taisez-vous et rentrez à la maison.

Dès 2005, l’ONU s’intéresse aux recours fréquents du SPVM à l’arrestation de masse. Le Service qualifie alors cette pratique de « dernier recours », sous le regard sceptique des membres du Comité des droits de l’Homme. Aujourd’hui, elle est devenues un premier recours : plus de 600 personnes ont été victimes des souricières de la police dès le point de rassemblement d’une manifestation depuis la fin du printemps érable. La règlementation municipale, qui n’a pas force de loi, prévaut maintenant sur la Charte des Droits et Libertés du Canada.

Ce n’est pas nous qui le disons : demandez à l’Association des Juristes Progressistes, qui lance cette semaine une campagne pour l’abrogation de P-6. Demandez à Anarchopanda, qui conteste le règlement depuis juin dernier. Demandez à tous ceux et celles qui ont manifesté, le printemps dernier, contre les dispositions anti-manifestations du projet de loi 78. Le trajet de la manifestation de la CLASSE, le 22 mai, n’avait pas été divulgué aux forces policières, tout comme celui des casseroles. Que s’est-il passé ? Au lieu d’une éruption de violence alimentée par les interventions policières, le mouvement étudiant s’est élargi à l’ensemble de la société québécoise et a contesté bien plus que la hausse des frais de scolarité.

Jean-François Lisée avait alors qualifié la loi de « liberticide ». Aujourd’hui ministre des Relations Internationales, il ne reconnaît aucun tort aux agissements de la police, excusant d’une même voix le règlement municipal et les charges brutales du SPVM. La complaisance de ses collègues du Conseil des ministres s’exprime par leur mutisme. Nous sommes donc en droit de nous le demander : un service de police est-il redevable à un gouvernement élu, ou est-ce le contraire ? Le Parti Québécois a-t-il remis un itinéraire aux services de police ? Nous aimerions bien mettre la main dessus. Jusqu’à maintenant, il tourne à droite.

Ne vous méprenez pas : derrière les slogans des manifestants et manifestantes se cachent des revendications qui font frémir Marois, Lisée et consorts. Des revendications qui font suite aux choix politiques du gouvernement péquiste : recul sur l’annulation de la hausse des frais de scolarité, recul sur la taxe santé, coupures dans la recherche, coupures dans l’aide sociale, coupures dans les CPE : la liste est longue. Le tout dans la visée unique de l’austérité budgétaire. Oui, le PQ et la Ville ont raison d’étouffer les manifestations. Pourquoi continuer de porter le masque de l’ouverture et du dialogue ? Mieux vaut faire tomber ceux des manifestants et manifestantes. Mais nous ne sommes pas dupes. Face à ce mépris pour la démocratie, nous continuerons à porter fièrement nos idées, dans l’espace public comme dans la rue. Les manifestations n’arrêteront pas de sitôt.

Jérémie Bédard-Wien

Co-porte-parole de l’ASSÉ (2012-).

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