Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Le mouvement des femmes dans le monde

Les juges afghans encouragés à ordonner la lapidation des femmes adultères

Alors que les Talibans rebâtissent leur régime de terreur, les défenseurs des droits des femmes regrettent la passivité de la communauté internationale.

Tiré de Entre les ligne set les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/22/les-juges-afghans-encourages-a-ordonner-la-lapidation-des-femmes-adulteres/

Les quelque 14 millions de filles et de femmes en Afghanistan n’avaient déjà plus vraiment aucun droit. Depuis le retour des Talibans au pouvoir, elles sont largement confinées chez elles, empêchées d’étudier, de travailler, de marcher dans les parcs ou de se rendre aux bains publics. Leur vie ne vaut plus grand-chose : le nombre de suicides et de tentatives de suicide de femmes a explosé, et les violences sexistes ont rejoint une ampleur telle qu’elles ne sont même plus recensées. À présent, comme lors du premier règne taliban de 1996 à 2001, les juges sont encouragés à ordonner la torture et l’exécution des femmes.

Dans un enregistrement audio diffusé à la radio d’État, le chef suprême du groupe extrémiste au pouvoir, Hibatullah Akhundzada, a annoncé un retour officiel aux châtiments imposés par la loi islamique, précisant : « nous flagellerons les femmes [adultères] (…) et les lapiderons en public ». À ceux qui s’y opposeraient, et surtout à l’Occident, il a lancé ce message : vous appelez peut-être cela une violation des droits des femmes (…) car cela contrevient à vos principes démocratiques (…) mais je représente Allah, et vous représentez Satan. » Car, pour lui, il s’agit de contrecarrer les tentatives d’occidentalisation du pays : « la tâche des Talibans ne s’est pas achevée avec la prise de Kaboul ; Elle n’a fait que commencer.  »

Flagellations et exécutions publiques Depuis leur arrivée au pouvoir, les Talibans ont en effet aboli la Constitution afghane, rédigée avec le concours de conseillers étrangers après que le premier gouvernement des mollahs fut évincé en 2001 par une intervention militaire menée par les États-Unis. Ils ont aboli les textes censés garantir les droits des femmes, et traqué les juges ayant condamné des hommes coupables de violences intrafamiliales. En novembre 2022, Akhundzada avait déjà annoncé la reprise des châtiments « selon la loi islamique ». Selon l’ONG Afghan Witness, qui recense les violations de droits humains en Afghanistan, les juges talibans ont ordonné 417 flagellations et exécutions publiques – dont 57 à l’encontre de femmes – entre octobre 2022 et octobre 2023. Ces condamnations, loin d’être circonscrites à quelques poches ultraconservatrices, ont concerné 22 des 34 provinces du pays. À plusieurs reprises en février dernier, des milliers d’Afghans se sont ainsi rassemblés dans des stades dans le nord du pays pour assister à des exécutions publiques. « Avant même leur retour au pouvoir, les Talibans continuaient à appliquer ces règles dans les zones qu’ils contrôlaient  » , rappelle Zahra Joya, fondatrice de Rukhshana Media, un site d’informations spécialisé dans les droits des femmes afghanes. En 2015, par exemple, alors que l’Afghanistan était encore une république, une adolescente de 19 ans avait été lapidée par des Talibans dans la province de Ghor, au centre du pays. La récente annonce de Hibatullah Akhundzada est juste le signe que le gouvernement taliban encourage les juges à ordonner ce type de châtiment à plus grande échelle, surtout envers les femmes. »

«  C’est atroce, mais pas surprenant, et dans la lignée de ce que les Talibans ont fait ces presque trois dernières années, regrette Mélissa Cornet, spécialiste des questions liées aux droits des femmes en Afghanistan. La première année de leur règne, ils ont institué des règles de manière graduelle, pour voir quelle serait la réaction de la communauté internationale, et parce qu’il existe des dissensions au sein de la chefferie du mouvement. Puis, tout s’est accéléré. »

Lors de leur arrivée au pouvoir, les Talibans avaient promis aux États-Unis et à la communauté internationale qu’ils respecteraient, dans une certaine mesure, les droits humains, y compris ceux des femmes. Les Occidentaux, en imposant des sanctions et en tablant sur la soif de reconnaissance du mouvement extrémiste sur la scène internationale, pensaient pouvoir obtenir des mollahs qu’ils maintiennent quelques-unes de leurs promesses. Mais bien vite, ils ont déchanté. «  Aujourd’hui, on voit bien que les puissances et organisations étrangères n’ont plus aucun levier sur le gouvernement taliban, ajoute Mélissa Cornet. Les Nations-Unies et les ONG n’ont quasiment plus de pouvoir face aux Talibans, tant au niveau international qu’au niveau local. Dans de nombreuses localités, les chefs talibans en place préfèrent encore que les populations qu’ils gouvernent n’aient pas accès à de l’aide humanitaire, plutôt que de devoir se soumettre aux exigences des organisations étrangères. »

« Les Talibans n’ont pas de siège aux Nations-Unies, leur gouvernement n’est pas officiellement reconnu, et l’économie de leur pays est paralysée par des sanctions… Mais cela importe peu aux Talibans. En fait, ils ont obtenu en grande partie ce qu’ils voulaient en termes de reconnaissance diplomatique, de séances photo avec de hauts responsables étrangers, de contrats d’affaire… On leur a donné un blanc-seing pour remettre en place leur régime de la terreur, celui des années 1990, s’agace Heather Barr, directrice adjointe du pôle chargé des droits des femmes auprès de Human Rights Watch. La vérité, c’est que les Talibans ont profité du manque de volonté politique de la part des décideurs internationaux – qui sont pour la plupart des hommes – à faire respecter les droits des femmes. Ce qui transparaît de ces trois dernières années, c’est le manque d’intérêt global pour ce sujet. »

Selon Heather Barr, « la communauté internationale pourrait pourtant s’attaquer au problème par le biais juridique. La Cour pénale internationale s’intéresse – sans que cela aille très loin – à la situation des femmes en Afghanistan depuis 2006. Et depuis plus de deux ans, une campagne visant à encourager au moins un État à déposer une plainte contre les Talibans devant la Cour internationale de justice, de la même manière que l’Afrique du Sud l’a récemment fait envers Israël, n’a rien donné. De nombreuses organisations luttant pour les droits des femmes afghanes militent aussi pour que l’apartheid de genre soit reconnu comme un crime aux yeux du droit international. Mais ces initiatives restent lettre morte, ce qui montre le peu d’intérêt que porte la communauté internationale à la situation des Afghanes. » « Pour autant, les Talibans savent qu’ils n’auront pas besoin d’exécuter un grand nombre de femmes pour répandre un sentiment de terreur parmi toutes les femmes et les filles d’Afghanistan », souligne Heather Barr. « Ces dernières vivront avec la hantise de contrevenir à la moindre règle talibane, et le meilleur moyen d’éviter des ennuis sera simplement de ne pas sortir de chez elles. »

Courrier N°430 de la Marche Mondiale des Femmes

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