Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Les jeunes face à la transformation du marché du travail

Nul doute, le marché du travail subit de profondes mutations. Les jeunes se retrouvent souvent aux premières lignes de ces bouleversements socioéconomiques qui auront des répercussions durables et profondes sur leur réalité.

Tiré de Ma CSQ cette semaine.

Lors du dernier Réseau des jeunes de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), le 4 mai dernier, Maria Eugenia Longo, cotitulaire de la Chaire-réseau de recherche sur la jeunesse du Québec, et Mircea Vultur, professeur titulaire à l’INRS, responsable de l’axe Travail et insertion professionnelle de l’Observatoire jeunes et société, ont présenté une conférence sur la dynamique de l’emploi des jeunes au Québec. Lumière sur les défis et les opportunités qui marqueront l’avenir des jeunes.

Moins nombreux, moins bien payés

Une statistique a fait réagir  : la population jeune (15-34 ans) du Québec a diminué, passant de 35,3 % en 1986 à seulement 23 % en 2021. Parallèlement, la diversité culturelle augmente, avec une forte représentation des immigrants dans cette tranche d’âge. Ces derniers sont par ailleurs beaucoup plus nombreux (42 %) que la population native (23 %) à détenir un diplôme universitaire.

Bien que le taux d’activité et d’emploi des jeunes ait augmenté depuis 1976, atteignant respectivement 80,9 % et 76,2 % en 2023, les jeunes demeurent concentrés dans des emplois moins bien rémunérés. En 2023, 56 % des jeunes de 15 à 34 ans gagnaient moins de 25 $ l’heure.

Des jeunes très éduqués, mais peu employés

Les jeunes Québécoises et Québécois sont de plus en plus éduqués, avec une augmentation notable des diplômés universitaires depuis 2001, particulièrement chez les jeunes femmes, qui sont passées de 37 % d’entre elles à détenir un doctorat en 2001 à 56 % en 2021 ! Malgré cela, l’insertion sur le marché du travail reste un défi, particulièrement accentué par les effets de la pandémie, qui a vu une baisse dramatique de l’emploi chez les jeunes en 2020.

La pénurie de main-d’œuvre au Québec reflète une inadéquation entre les compétences des jeunes et les besoins du marché. En dépit d’une population jeune de plus en plus qualifiée, plus de la moitié des postes vacants exigent un faible niveau de scolarité. Ce sont d’ailleurs les jeunes moins scolarisés (avec et sans diplôme d’études secondaires) qui ont connu la plus importante augmentation relative du taux d’emploi.

Autre élément qui illustre la situation  : à partir de 2016, on observe une progression du taux d’emploi plus marquée pour les jeunes de 15 à 19 ans (de 42,1 % en 2016 à 54,2 % en 2023) comparativement aux autres groupes d’âge dont le taux d’emploi est resté plutôt stable.

La pénurie de main-d’œuvre n’incombe pas aux jeunes

Malgré l’augmentation du taux d’emploi (des jeunes et en général), le nombre et le taux de postes vacants ont augmenté au Québec de 2015 à 2023. Un des problèmes est que les secteurs ayant des postes vacants ont également les conditions de travail et salariales les moins alléchantes.

Endettement et pressions financières

L’endettement des jeunes reste également un problème criant. Beaucoup entrent dans la vie adulte avec des dettes substantielles, ce qui compromet leur capacité à investir dans l’avenir. En 2016, presque 80 % des ménages menés par des jeunes de 34 ans et moins étaient endettés, un chiffre qui a probablement augmenté avec l’augmentation du coût de la vie.

Étonnamment, le principal moteur de l’endettement des jeunes n’est pas les dettes d’études (28,6 % des dettes), mais plutôt les dettes à la consommation (50,6 % des dettes). Ajoutons à cela la crise du logement (77 % des étudiantes et étudiants universitaires sont locataires) et nous avons un dangereux cocktail de factures qui viennent miner la santé financière de notre jeunesse.

Changement de mentalité

Le rapport au travail des 18-34 ans est très différent de celui qu’entretenaient leurs aïeux. Que ce soit l’importance du travail dans leur vie ou encore le sens que l’on retire du travail, les jeunes sont plus nombreux à placer le travail et leur vie professionnelle en dernière place de leurs sphères de vie, loin derrière la vie de couple et la vie familiale.

Nous assistons à un vaste changement de mentalité. Les jeunes sont en forte quête d’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Ils ne voient plus le travail comme un devoir moral et n’acceptent pas n’importe quel travail à n’importe quelle condition. Les employeurs gagneraient à miser sur la qualité de leurs milieux (interactions sociales, autonomie, place aux initiatives, à la réalisation personnelle et à l’utilité sociale, entre autres) pour les attirer et les retenir.

Nécessité d’une politique adaptée

Avec la place grandissante de l’économie numérique (automatisation, intelligence artificielle, pérennité des emplois, etc.), ainsi que l’émergence de plus en plus d’emplois en économie sociale ou dans l’économie verte, il faut, nous disent les chercheurs, intégrer des politiques publiques et mettre en place un cadre réglementaire plus robuste pour soutenir les jeunes travailleurs, notamment à travers des mesures ciblées qui tiennent compte de la diversité des parcours et des besoins spécifiques des 18-34 ans.

Les jeunes font face à un marché du travail en pleine évolution, où les défis abondent, mais où se dessinent également des opportunités de redéfinition des normes de travail pour une génération en quête de sens et d’engagement. La manière dont nous répondons à ces défis déterminera non seulement l’avenir économique des jeunes, mais aussi la dynamique sociale globale des décennies à venir.

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Félix Cauchy-Charest

conseiller de la CSQ

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